Au lendemain de la publication du rapport sans concession de l’Inspection des affaires sociales, Xavier bertrand a présenté hier une réforme « en profondeur » du médicament devenue indispensable, après la succession en France de scandales sanitaires comme ceux du Mediator ou de la grippe A H1N1. Le ministre de la santé entend « provoquer un changement de culture » grâce à une série de mesures concernant la prévention des confits d’intérêts, le développement de la transparence, une écoute des patients ou encore une information renforcée des patients.
Symbole de la crise actuelle du système de santé français, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé change de nom. Fortement critiquée, l’Afssaps deviendra donc l’Agence nationale de sécurité du médicament (et des produits de santé) dont l’expertise sera renforcée. Elle sera financée par l’Etat qui percevra les taxes et redevances payées par l’industrie pharmaceutique pour l’examen des dossiers des médicaments.
Premier pilier de la réforme présentée par Xavier Bertrand, la prévention des conflits d’intérêts passera par une Déclaration publique d’intérêts (DPI) unique et systématique pour les acteurs du monde de la santé comme les experts externes professionnels de santé, les experts internes, ou les associations de patients. Par ailleurs, la réforme entend appliquer aux personnels d’administration, les dispositions du projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique. Cette DPI sera consultable sur une base de données publique.
Transparence totale pour tous
Cette exigence de transparence concernera également la publication, sous la responsabilité de chaque industriel, de toutes les conventions et rétributions passées entre les laboratoires, les médecins, les experts, les sociétés savantes, les associations de patients et les organes de presse spécialisés. Si ces obligations de déclaration ne sont pas respectées, la réforme prévoit la mise en place de sanctions analogues à celles prévues par le code du commerce pour non respect des obligations relatives aux comptes des entreprises.
Deuxième pilier de cette réforme, le doute devra bénéficier au patient. Concrètement, cela concernera l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) et le remboursement des médicaments. La demande d’une AMM sera « plus exigeante » au niveau européen, elle devrait être conditionnée à la présentation de données comparatives avec les médicaments de référence, lorsqu’ils existent.
Pour être remboursé, le médicament devra démontrer qu’il est « au moins aussi bon que les alternatives thérapeutiques disponibles et remboursables ». Pour les médicaments présentant un Service Médical Rendu Insuffisant (SMRI), la réforme ne prévoit aucune prise en charge par la collectivité, sauf avis contraire motivé du ministre.
Simplifier et généraliser la notification des effets indésirables
S’agissant du suivi du médicament tout au long de sa vie, Xavier Bertrand entend « favoriser, simplifier et centraliser la notification des effets indésirables ». Pour cela, la réforme évoque l’utilisation de télédéclarations à partir des logiciels d’aide à la prescription ou de dispensation, numéros de téléphone ou fax dédiés, arrivant directement à l’ANSM (renforcement des équipes en pharmacovigilance).
Très concrètement, chaque boîte de médicament affichera un numéro vert d’appel et le lien internet de l’ANSM pour la déclaration des effets indésirables par les patients (possible depuis début juin 2011). Par ailleurs, la réforme évoque une mise à jour périodique de la liste des médicaments sous surveillance renforcée par l’ANSM, grâce notamment à « une grille de lecture plus fonctionnelle », permettant aux professionnels de santé et au public de disposer d’une information juste et proportionnée, ou de pictogrammes informatifs.
Mais la réforme s’intéresse également à la question de l’évaluation en souhaitant développer la pharmaco-épidémiologie. Le ministère de la Santé annonce ainsi la création d’un département de pharmaco-épidémiologie au sein de l’ANSM, la mutualisation des ressources et des compétences entre l’ANSM, l’INVS, la CNAMTS et la HAS, pour la réalisation d’études de pharmaco-épidémiologie, et le développement d’une recherche publique en matière de pharmaco-épidémiologie sur appels à projets.
Information renforcée
La réforme prévoit également la création d’une commission mixte bénéfice/risque à l’ANSM pour les sujets majeurs, avec parité des représentants de la pharmacovigilance et de l’AMM. Le gouvernement annonce des sanctions pour les industriels en cas de non-réalisation dans les délais prévus des études post-AMM demandées, ces sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension de l’AMM. La réforme prévoit aussi le développement de l’évaluation médico-économique des produits de santé par la HAS.
S’agissant des dispositifs médicaux (DM), le gouvernement entend renforcer l’évaluation des DM inscrits dans des groupes homogènes de soins et, à ce titre, pris en charge par l’assurance maladie dans le cadre de la tarification à l’activité des hôpitaux, par la CNEDIMTS – Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé – de la HAS. La réforme prévoit également conditionner à terme, la prise en charge des dispositifs médicaux à une évaluation positive de l’intérêt thérapeutique, encadrer la publicité sur les dispositifs médicaux, et améliorer la matériovigilance.
Dernier pilier de cette réforme, le développement de l’information des patients et des professionnels de santé, par notamment la mise en place d’un portail public du médicament regroupant les informations de l’ANSM, de la HAS et de l’Assurance-maladie. Cet effort se traduira notamment par des campagnes d’information auprès du public sur le médicament, ses caractéristiques, son bon usage.
Les visiteurs médicaux pas interdits mais encadrés
Plus sensible, la réforme évoque aussi la limitation de la visite médicale à l’hôpital à un seul cadre collectif, pour favoriser les échanges entre professionnels de santé et visiteurs médicaux, de façon expérimentale, avant son éventuelle extension à la médecine de ville. Plus globalement, sans l’interdire comme le proposait le rapport de l’Igas, la réforme annonce le lancement d’une concertation rapide sur la « refondation de la visite médicale ».
Du côté de la formation des professionnels de santé, la réforme entend renforcer la connaissance du médicament et de la pharmacovigilance dans les formations initiales, mais également au cours de la formation continue. En la matière, le ministère de Xavier Bertrand évoque l’utilisation de la dénomination commune internationale (DCI), grâce aux logiciels d’aide à la prescription, la transparence des liens d’intérêt appliquée aux enseignants, l’interdiction aux laboratoires de financer toute activité pour les étudiants dans le cadre de leurs études et également le financement de la formation médicale continue des médecins libéraux et hospitaliers par un prélèvement sur l’industrie pharmaceutique.
Enfin, la réforme présentée par Xavier Bertrand réaffirme le rôle central du politique en matière de santé publique. Le ministre de la Santé annonce la création d’un comité stratégique de la politique des produits de santé et de sécurité sanitaire, sous la présidence du ministre, avec la participation de toutes les agences et des directions d’administration centrale.
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