Encore peu documentée, la pollution au bisphénol A et aux phtalates des mères lors de l’accouchement a été étudiée par l’Institut national de veille sanitaire. Les femmes accouchant par césarienne ou par forceps présentent des concentrations plus élevées que celles qui accouchent naturellement, selon les résultats publiés hier par l’INVS.
Si la contamination par le BPA et les phtalates se fait essentiellement par voie digestive (80 %), notamment par l’alimentation, elle peut également s’effectuer par inhalation de poussières (particulièrement pour les professionnels aux postes de fabrication des produits en PVC), ainsi que par voie cutanée (10 %) rappelle l’INVS. Cette pollution se mesure dans les biomarqueurs humains du sang, des urines et du liquide amniotique.
Le BPA et les phtalates sont fortement suspectés d’être perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire des substances exogènes qui miment les hormones endocriniennes ou interfèrent avec les fonctions du système hormonal. Ces substances peuvent donc induire des effets sanitaires délétères sur les fonctions hormonales, notamment sur le développement et la reproduction, ainsi que sur le métabolisme. Des études réalisées chez l’homme suggèrent une corrélation entre l’augmentation du taux de BPA retrouvé dans les urines et les troubles de la fonction sexuelle.
Les phtalates seuls, n’ont pas tous le même potentiel toxique et les données chez l’homme restent limitées précise l’institut. Néanmoins, les connaissances disponibles montrent que les expositions à certaines catégories de phtalates entraînent des effets reprotoxiques (altération de la fertilité, du développement du foetus et du nouveau-né).
Phtalates détectés dans plus de 95% des échantillons
L’étude révèle globalement une forte imprégnation au BPA et aux phtalates des femmes. Ainsi, le BPA (bisphénol total et bisphénol libre) a été détecté respectivement dans plus de 90 % et 74 % des échantillons urinaires, avec une concentration moyenne respective de 2,5 ?g/L et 0,4 ?g/L.
Pour les phtalates, les métabolites du DEHP ont été détectés dans plus de 95 % des échantillons d’urine. Les concentrations de ces métabolites s’étendaient de 0,33 à 768,1 ?g/L avec une concentration médiane de 13,7 ?g/L pour le MEHP ; de 0,33 à 1 587,9 ?g/L avec une valeur médiane de 50,7 ?g/L pour le 5OH-MEHP et de 0,23 à 924,5 ?g/L avec une concentration médiane de 28,3 ?g/L pour le 5oxo-MEHP.
Mais plus précisément, les résultats de l’étude montrent une imprégnation de BPA plus forte pour les femmes ayant accouché par césariennes ou forceps que pour les femmes ayant accouché par voie naturelle. Pour les phtalates, les moyennes sont également plus élevées pour les accouchements par césarienne ou forceps que pour les accouchements naturels.
Les biomarqueurs de BPA et de phtalates ont été retrouvés chez plus de 90 % des mères, ce qui est « cohérent » pour l’INVS, avec l’exposition de la population. La distribution des concentrations montrent une grande variabilité des valeurs, suggérant différentes sources potentielles et divers facteurs pouvant influer sur les concentrations.
Concentrations plus élevées qu’attendues
Ces résultats montrent que « les concentrations en BPA et phtalates sont plus élevées qu’attendues », ce qui pourrait être dû à de possibles contaminations récentes, avance l’INVS. Parmi les différents métabolites mesurés dans les urines, les métabolites du DEHP sont les plus importants. Les valeurs des métabolites (5OH-MEHP et 5oxo-MEHP) du MEHP, ainsi que celles du MEHP sont supérieures à celles retrouvées dans la littérature souligne l’INVS.
L’étude précise que ces problèmes de contamination par des dispositifs médicaux ne sont pas nouveaux, d’ailleurs des mesures préventives visant à répondre à ce problème ont d’ailleurs déjà été prises au Canada notamment rappelle l’INVS. Néanmoins, c’est la première fois qu’une telle mise en évidence est quantifiée en France.
« Ces résultats soulèvent des interrogations sur l’importance et les conséquences de l’exposition, via les dispositifs médicaux, des femmes enceintes et de leurs nouveau-nés au BPA et aux phtalates, lors de longs séjours hospitaliers » (grossesses pathologiques, soins intensifs dans les unités de néonatalogie) affirme l’INVS. Ces résultats seront pris en compte dans l’étude nationale Elfe (consignes aux sages-femmes en maternité afin que la collecte biologique des urines intervienne avant toute pose de perfusion, exemple de pose de perfusion).
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