Par Jacques Perreux et Hélène Gassin, tous deux élus Europe Ecologie-Les Verts En Ile-de-France. Jacques Perreux est Conseiller général du Val-de-Marne, président de la commission environnement, Conseiller régional, vice-président du groupe Europe Ecologie-les Verts, vice-président de la commission environnement et Hélène Gassin est vice-présidente de la région Île-de-France chargée de l’environnement, de l’agriculture et de l’énergie.
Peut-on créer la nouvelle communauté Paris-Métropole sans réduire les inégalités sociales et spatiales, sans donner à ses habitants les moyens de s’approprier les biens qui leurs sont communs ? Source de vie, l’eau a toujours poussé les hommes à inventer des rapports de solidarité pour protéger et répartir équitablement la ressource, à organiser un vivre-ensemble respectueux des usages nécessaires à leur développement personnel et à celui de leur communauté.
L’eau a une valeur autrement plus importante que celle qui lui est conférée au Cac 40. L’eau, le fleuve, les rivières irriguent fortement notre territoire au point d’en faire l’Ile-de-France. L’eau peut jouer un rôle décisif pour dessiner un Paris-Métropole paisible, équilibré, solidaire et écologiste, pour faire respirer notre région.
Partout dans le monde, les villes se tournent à nouveau vers leurs cours d’eau. Chaque année en Europe, des milliers de citoyens participent au Big Jump, exprimant le désir que la baignade soit à nouveau possible. On réaménage des berges en lieux de convivialité. On réinstalle des guinguettes. A Paris et en banlieue, ce désir se cherche de façon segmentée, alors que le fleuve est précisément un élément de continuité. Pour reprendre une idée chère à Edgar Morin, les ingrédients de la métamorphose sont déjà là, il y a juste besoin d’une nouvelle impulsion.
La coopération entre les structures qui produisent l’eau potable en est l’une des conditions. La mutualisation des savoir-faire et des installations aurait une logique vertueuse, économe, rendant possible un prix de l’eau commun à toute la métropole, garant du droit à l’eau pour tous, avec gratuité des premiers mètres cube et progressivité des tarifs en fonction des usages.
Il faut collaborer aussi pour encourager une politique préventive et éducative ambitieuse contre les pollutions. Coopérer ne veut pas dire centraliser les usines d’épuration, selon la conception productiviste qui a abouti à des mastodontes porteurs de risques pour le milieu naturel. Il faut innover, adopter une approche de prévention des ruissellements, favoriser la mise en ?uvre de techniques alternatives, expérimenter des stations de traitement localisé des eaux pluviales, par exemple (*). Il faut mutualiser aussi les compétences et les moyens pour moderniser les laboratoires publics du contrôle des eaux, dont les missions sont menacées par la privatisation.
Il faut coopérer encore pour penser ensemble, et pas seulement sur sa portion parisienne, un aménagement harmonieux et diversifié des berges, concilier les divers usages du fleuve. La Seine, la Marne, l’Oise, l’Essonne doivent permettre la continuité de promenades, une multitude d’activités de rencontres et de loisirs, des services publics, un habitat adapté au risque d’inondation, la protection de la biodiversité et même sa reconquête mais aussi permettre le développement du transport fluvial de marchandises et donc des activités portuaires. Les modes de circulations et de transports pédestres, cyclables et fluviaux doivent restituer aux cours d’eau leur rôle de trait d’union entre les franciliens dans une métropole apaisée par le spectacle de l’eau.
Et puis n’y a t il pas lieu, pour donner sens à tout cela, de « tricoter » la co-organisation d’une grande et belle fête métropolitaine de l’eau ? N’est-ce pas significatif que le festival de l’Oh!, né dans le Val-de-Marne il y a dix ans, connaisse un tel succès populaire et se soit étendu à Paris et à la Seine-Saint-Denis ? Un groupe de chercheurs, dans un travail prospectif sur le « le Paris de 2030 », y a vu – par sa convivialité, la mixité de ses approches artistiques, récréatives et pédagogiques, l’ancrage local qu’il a acquis au fil d’ateliers ou de résidences d’artistes – l’opportunité de « la construction d’un lieu d’échanges et de dialogues porteur d’identité territoriale »(**). Une telle initiative, « pour tous » et « par chacun », ne nous apporterait-elle pas l’audace et les émotions indispensables pour donner une dimension populaire à la construction métropolitaine ?
Dans la région Île-de-France, des milliers de salariés des services publics et aussi d’entreprises privées travaillent avec beaucoup de savoir faire et de passion pour notre eau. Des dizaines de structures, syndicats, commissions locales de l’eau, institutions publiques agissent dans des conditions rendues difficiles par les démissions de l’Etat. Des contrats globaux pour l’eau sont en cours d’élaboration ou de réalisation. Ici on redonne vie à des rivières enterrées comme la Bièvre et le Croult, réalisant ainsi l’utopie portée longtemps par des associations. Ailleurs on protége des îles, là on installe des passeurs de rives. Partout où on lui en laisse la place, l’eau redonne naissance à la vie car la nature n’est pas rancunière. Pourquoi ne pourrait-elle pas aussi éclore d’un Paris-Métropole à taille humaine ?
L’eau nous appelle à fédérer ces forces, ces intelligences, ces imaginaires, visibles ou latents mais actifs partout dans notre région. Un proverbe indien dit que dans le désert, l’herbe pousse en regardant les nuages. C’est sans doute en regardant ces utopies chargées d’un désir profond de vie, de justice et de bien-être que Paris-Métropole réussira à germer.
(*) Ainsi que le SIAAP (syndicat interdépartemental d’assainissement de l’agglomération parisienne) en a pris l’engagement devant la CNDP (commission nationale pour le Débat Public)
(**) « Imaginer les pratiques culturelles dans le Paris de 2030 ». Rapport de synthèse pour la Mairie de Paris, CNAM, LISE, CNRS, Paris, décembre 2010)
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