Olivier Gantois, délégué général de l’Ufip (Union Française des Industries Pétrolières), et Bruno Ageorges, secrétaire général de la chambre syndicale de l’exploration production (CSEP) évoquent les conséquences de la loi sur le gaz de schiste promulguée en juillet dernier, sur la filière et les éventuelles alternatives à la technique de la fracturation hydraulique, désormais interdite en France.
Plus d’un mois après la promulgation de la loi interdisant la technique par fracturation hydraulique, quel est l’avenir de la filière du gaz de schiste en France ?
Olivier Gantois – A court terme, les pouvoirs publics doivent dérouler le processus prévu dans la loi. Concrètement, le Bureau Exploration-Production des Hydrocarbures (BEPH) a demandé aux détenteurs de permis d’exploration en France de lui remettre un rapport d’ici le 13 septembre, et l’Etat aura un mois, c’est-à-dire jusqu’au 13 octobre, pour publier au JO la liste des permis abrogés. Les opérateurs en question doivent expliquer le programme d’exploration qu’ils comptent mettre en ?uvre, sans utiliser la technique de la fracturation hydraulique.
Justement, au c?ur de la polémique sur le gaz de schiste, c’est bien la technique de fracturation hydraulique qui pose problème, existe-t-il des alternatives crédibles ?
Olivier Gantois – Il existe d’autres techniques qui permettent d’acquérir de la connaissance sur la nature du sous-sol. Il n’est donc pas du tout impossible que certains opérateurs proposent des techniques alternatives, pour ceux qui avaient prévu d’utiliser la technique de la fracturation hydraulique, car ce n’était pas le cas de tous les détenteurs de permis d’exploration.
Concrètement, quelles sont ces techniques alternatives ?
Bruno Ageorges ? Il est certain qu’à partir du moment où la loi a interdit l’emploi de la technique de la fracturation hydraulique, les conditions de développement de l’exploration des hydrocarbures de schiste ont été fortement remises en cause. C’est la technique utilisée dans des pays comme les Etats-Unis qui ont développé l’exploitation de ces hydrocarbures.
Il existe cependant d’autres techniques qui commencent à être employées outre-Atlantique, comme la fracturation au propane. Encore au stade expérimental, il existe également la technique dite de l’arc électrique. Malgré l’existence de ces techniques alternatives, à court terme, le développement de l’exploitation du gaz de schiste repose sur la combinaison de techniques connues comme du forage horizontal et de la fracturation hydraulique.
L’impossibilité d’utiliser cette technique depuis la loi de juillet dernier hypothèque fortement le développement éventuel de l’exploitation du gaz de schiste en France. S’agissant de l’exploration, à part des techniques comme celle du carottage, ça ne pourra pas aller beaucoup plus loin.
Au regard des connaissances actuels, l’exploitation du gaz de schiste est-elle envisageable à court terme, sans utilisation de cette fracturation hydraulique ?
Olivier Gantois ? C’est difficilement envisageable s’agissant de l’exploitation, même s’il est possible de mieux connaître la nature du sous-sol par des techniques conventionnelles. L’autre aspect de la loi de juillet dernier, c’est la création d’une commission nationale d’orientation chargée de l’évaluation des techniques existantes et des techniques nouvelles, qui doit permettre d’envisager des perspectives pour l’avenir.
L’exploitation du gaz de schiste pourra-t-elle être à l’avenir « propre », c’est-à-dire sans dégât pour l’environnement ?
Olivier Gantois ? A tout le moins, il est possible d’envisager des conditions opératoires de nature à mieux garantir le respect de l’environnement, sachant que certains estiment que les conditions actuelles ne sont pas réunies. Au-delà, on peut imaginer une évolution de ces techniques.
Quand est-il envisageable de disposer de techniques « propres » ?
Olivier Gantois ? On raisonne là à moyen terme. Il faut que cette commission soit constituée, et qu’elle commence à travailler. La loi prévoit justement qu’un rapport annuel soit présenté devant le Parlement, sur l’évolution des techniques, ce qui pourra constituer un point d’étape dans un calendrier. Un premier rapport est attendu pour juillet 2012.
On vient de voir que les estimations sur les importants gisements américains viennent d’être revues à la baisse, quel est le potentiel estimé des ressources françaises ?
Olivier Gantois ? Le législateur a choisi de ne pas nous laisser estimer ce potentiel directement en sous-sol. Tant qu’on ne pourra l’évaluer précisément, on ne pourra pas donner de chiffres fiables. Selon des projections de modélisation de l’agence américaine EIA, la France et la Pologne seraient en Europe, les deux pays les plus prometteurs.
Comment expliquez-vous la forte opposition mobilisée en France contre l’exploitation du gaz de schiste ?
Olivier Gantois ? Il est certain que nous n’avons pas suffisamment communiqué, même si des rencontres ont été organisées sur le plan local avec les opérateurs. Mais manifestement, cela n’a pas été suffisant, et on le prend pour nous.
Pour le reste, de notre point de vue, le sujet a été traité de façon presque émotionnelle. A l’avenir, nous souhaiterions que le sujet puisse être traité de manière plus factuelle, que les risques éventuels soient identifiés, et qu’on réfléchisse à des solutions pour les diminuer.
La question environnementale mise à part, qu’apporterait à la France et aux Français une telle exploitation dans l’hexagone ?
Olivier Gantois ? Au-delà de l’activité économique elle-même qui crée de l’emploi et de la valeur ajoutée, il y a un intérêt d’un point de vue de l’approvisionnement énergétique et de l’indépendance énergétique de la France. Même si on ne connaît précisément le potentiel des gisements français en gaz et en pétrole, la France important 99% de son pétrole et 98% de son gaz, ces productions autochtones viendraient réduire légèrement les importations et donc réduire la dépendance énergétique de la France, quelques soient en parallèle les efforts en terme d’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables.
Malgré cette loi et cette opposition mobilisée, cette filière a ?t-elle un avenir en France ?
Olivier Gantois ? Nous avons du mal à être optimistes vu la violence et la détermination du législateur. Un certain nombre d’opérateurs a décidé de fracturer ailleurs si j’ose dire. L’enjeu, s’il y en a un, c’est de convaincre ces opérateurs qu’il a un avenir pour cette filière en France.
Bruno Ageorges ? Il faut rappeler que la production d’hydrocarbures en France a une soixantaine d’années, et les conditions dans lesquelles ses activités se sont exercées ont toujours été bien acceptées. La filière française dont on parle est plutôt une extension d’activités déjà présentes sur le territoire. Au fond, avec le gaz de schiste, nous sommes dans la continuité de l’activité pétrolière, de la technologie, et du progrès constant exercés en matière de recherche et développement des hydrocarbures.
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