La Cour des comptes vient de publier un rapport critique sur la gestion des déchets ménagers dans les collectivités territoriales. Si les magistrats notent « des progrès indéniables » dans la gestion des déchets ménagers et assimilés par les collectivités territoriales, ils déplorent des dépenses « encore très peu maîtrisées » aggravées le trop grand nombre d’opérateurs de cette filière.
En matière de déchets ménagers, la France se situe en définitive à « un niveau comparable » à celui de ses principaux partenaires européens, même si elle présente quelques spécificités en matière de traitement et de valorisation. Les progrès sont réels en termes de service rendu, de réduction des nuisances et plus généralement de prise en compte des objectifs environnementaux fixés au plan européen et national souligne la Cour des comptes dans son rapport publié début septembre.
Mais si la gestion des déchets ménagers est aujourd’hui reconnue comme satisfaisante, les progrès réalisés ont un coût qui interpelle la Cour des comptes. « Les dépenses restent encore très peu maîtrisées, phénomène qui peut être aggravé par l’intervention de multiples opérateurs » soulignent les magistrats.
298 euros par ménage
La dépense induite par les seuls déchets municipaux est évaluée à 8 milliards d’euros, soit environ 124 euros annuels par habitant et 298 euros par ménage. Cette dépense a connu durant la période 2000-2009, une croissance moyenne annuelle de 6 % alors même que les quantités éliminées, après avoir fortement augmenté au cours des 30 dernières années, commencent depuis peu à se stabiliser, remarque la Cour des comptes.
« Les insuffisances relevées tiennent principalement à un mauvais pilotage de la gestion des déchets », que ce soit au niveau national, départemental ou local, relèvent les magistrats. Les acteurs locaux ne sont pas véritablement responsables de la mise en oeuvre de la politique définie par les plans départementaux. Si des objectifs relativement clairs et précis sont annoncés, leur réalisation n’est pas contraignante et leur suivi est « déficient », ne serait-ce que parce qu’il n’existe pas d’indicateurs complets de gestion, de coûts et de résultats, permettant une véritable transparence de gestion et une information objective des usagers, affirme le rapport de la Cour des comptes.
La planification départementale (régionale en Ile-de-France) n’a pas comme finalité de lutter contre les incohérences de l’organisation territoriale souligne le rapport. Par ailleurs, elle ne constitue pas non plus un levier efficace pour résorber les carences en exutoires qui obligent encore à transporter les déchets parfois très loin de leur lieu d’origine, avec un coût environnemental très élevé, remarquent les magistrats.
Dans le même temps, le rapport souligne que si les installations de traitement sont désormais aux normes, c’est le cas notamment pour les incinérateurs, elles sont encore mal réparties et les projets nouveaux se heurtent à la résistance d’une population très sensible aux nuisances qu’ils sont censés occasionner. Pour la Cour des comptes, il convient d’ « améliorer l’efficience et l’efficacité des politiques menées » par les collectivités territoriales et leurs groupements compétents pour la gestion des déchets ménagers et assimilés, en visant prioritairement une meilleure couverture du territoire en exutoires et des progrès significatifs en matière de recyclage, cela en maîtrisant les coûts et en associant tous les acteurs à la réalisation des objectifs.
Par ailleurs, le rapport considère que les modes de financement actuels ne répondent plus aux contraintes résultant des nouveaux objectifs environnementaux fixés à la politique des déchets. Il convient de les réformer en permettant à la fois de financer de manière homogène le service public quel que soit le mode de gestion et de renforcer leur caractère incitatif du financement sur le comportement des usagers tout en appliquant le principe du pollueur-payeur inscrit dans les directives européennes.
Le rapport délivre plusieurs recommandations destinées à développer des modes de tarification favorisant les actions de prévention et de recyclage tout en appliquant le principe « pollueur-payeur ». Pour y parvenir, il s’agit de faire évoluer les modalités de tarification du service public rendu aux ménages.
5 recommandations
Concrètement, les magistrats préconisent pour les collectivités qui souhaitent passer au système « part fixe ? part variable », aussi bien dans le cadre de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) que dans celui de la redevance (REOM), d’élaborer une méthodologie permettant de déterminer de manière optimale les parts fixes et variables, y compris en fonction des circonstances locales (présence ou non de capacités de traitement inutilisées dans les installations dont la plus grande partie des coûts est fixe) et fixer des règles d’assiette et de perception simples et efficientes.
Pour les collectivités souhaitant conserver ou passer à un système intégral de redevance, la Cour des comptes recommande d’aménager le principe de facturation exacte du coût du service rendu, au profit de mécanismes incitatifs favorisant la valorisation et le recyclage des déchets collectés de manière sélective (qui seraient financés principalement au moyen de la part fixe) et les dépôts en déchèteries (qui resteraient gratuites pour les particuliers.
Le rapport conseille également d’identifier les collectivités qui, depuis 1993, n’ont pas mis en place la redevance spéciale destinée à financer la gestion des déchets assimilés et les mettre en demeure d’y procéder, éventuellement après avoir redéfini son rôle, dans le cadre de la refonte globale des mécanismes de financement, cette redevance pouvant constituer, pour les professionnels, la part variable du futur outil de financement incitatif.
Parmi ses recommandations, la Cour des comptes estime aussi qu’il faut remédier, au besoin par une adaptation de la réglementation relative aux attributions de compensation et/ou de celle concernant les zonages de taux de TEOM (dérogations fondées sur les taux historiques), aux importantes augmentations de taux de TEOM subies, dans un EPCI, par les contribuables des communes pour lesquelles le service était, auparavant, financé en grande partie par leurs ressources générales.
Les magistrats conseillent également d’abroger l’article 1521-III-2 du code général des impôts qui permet d’exonérer de TEOM les immeubles munis d’un appareil d’incinération, considéré comme une disposition obsolète qui présente un caractère peu incitatif au respect de l’environnement. Enfin, ils recommandent de préciser et mettre en cohérence par voie législative les régimes juridiques applicables à diverses questions qui, jusqu’à présent, sont réglées, par la jurisprudence sur les services publics industriels et commercial et administratif : statut des salariés, nature des contrats, responsabilité à l’égard des tiers.
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