Xavier Bertrand a présenté hier son projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Après une succession de scandales sanitaires, le ministre de la Santé propose une refonte du système de sécurité sanitaire des produits de santé destinée à « concilier sécurité des patients et accès au progrès thérapeutique ».
Le projet de loi présenté officiellement hier devant les députés est « l’aboutissement d’importants travaux d’évaluation et de débats » avec les acteurs des produits de santé, en particulier dans le cadre des Assises du médicament. Devant l’Assemblée nationale, Xavier Bertrand a d’emblée affirmer que le projet de loi avait été élaboré à la suite du drame du Mediator, « pour qu’il y ait un avant et un après Mediator ».
Pour Xavier Bertrand, « cette réforme doit redonner confiance aux Français dans notre système du médicament ». Pour se faire, le ministre considère la lutte contre les conflits d’intérêt et la transparence des décisions comme le « premier pilier » de la réforme. Le chantier est de taille tant la France a semblé s’accommoder depuis des années de liaisons dangereuses et parfois incestueuses dans notre système de santé, pour le plus grand bonheur des laboratoires.
La lutte contre les conflits d’intérêts comme priorité
Le ministre estime que cet engagement passe par 2 voies : l’indépendance des experts et l’organisation d’une procédure d’expertise transparente et collégiale. Cette lutte contre les conflits d’intérêt est « notre priorité » a rappelé hier Xavier Bertrand, qui passe par la systématisation de la déclaration d’intérêt et la mise en place de sanctions adéquates.
Concrètement, tous les acteurs du domaine de la santé, les experts externes, internes ou les associations de patients, devront remplir un formulaire unique de déclaration publique d’intérêts (DPI). « Je souhaite également que ce type de déclaration soit étendu à tous ceux qui exercent des responsabilités dans le champ de la santé » a précisé le ministre.
« La transparence totale », c’est l’obligation, pour l’industrie pharmaceutique, de rendre publique l’existence des conventions conclues avec les parties prenantes intervenant dans le champ de la santé, les médecins, les experts, la presse spécialisée, les sociétés savantes et les associations de patients, a indiqué Xavier Bertrand, précisant que cette obligation sera étendue à tous les étudiants des professions de santé, « une mesure qui va dans le bon sens ». Cette mesure sera étendue à l’ensemble des médias, concernant aussi les avantages en nature ou en espèce que l’industrie pharmaceutique leur procure, au-delà d’un certain seuil.
Transparence totale
C’est la transposition du système américain du « Sunshine Act ». Chaque industriel aura la responsabilité de publier sur son site internet, en annexe de ses comptes, l’intégralité de ces informations. Le non respect de ces obligations de déclaration sera sanctionné pénalement a précisé le ministre, rappelant également que la réforme prévoit également la transparence des décisions et la collégialité des travaux des commissions de l’Agence du médicament. Très décriée, l’Afssaps s’appellera désormais l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
« Deuxième pilier de notre réforme, le doute doit bénéficier systématiquement au patient » a affirmé Xavier Bertrand. Cela vaut dès l’autorisation de mise sur le marché du médicament (AMM) et tout au long de sa vie a précisé le ministre devant les députés.
« Il ne faut pas que le médicament soit juste un peu mieux que rien, il faut un réel bénéfice pour le patient » a tenu à rappeler l’architecte de cette réforme. Pour ce faire, Xavier Bertrand a reconnu que disposer, dès l’AMM, de données comparatives avec le médicament de référence s’il existe, est un combat qui doit se mener au niveau européen, mais qui n’est pas gagné à en croire ses premiers échanges sur la question avec John Dalli, le commissaire européen en charge de ces questions.
Réel bénéfice pour le patient
Au plan national, « nous allons adopter par voie réglementaire des règles plus exigeantes pour la prise en charge des traitements par la collectivité : pour être remboursé, le produit devra démontrer qu’il est au moins aussi bon que ce qui est déjà sur le marché et remboursable » a prévenu le ministre.
S’agissant des médicaments présentant un Service Médical Rendu Insuffisant (SMRI), de nouvelles règles sont applicables : aucune prise en charge par la collectivité, donc pas de remboursement, sauf s’il y a un avis contraire du ministre, mais cet avis devra alors être motivé. Par ailleurs, l’AMM ne sera plus scellée dans le marbre. Avec ce projet de loi, des études complémentaires d’efficacité et de sécurité pourront être exigées à tout moment.
Les prescriptions hors AMM, bien qu’indispensables dans certains cas comme ceux des maladies orphelines, doivent rester des situations réellement exceptionnelles : elles doivent être encadrées et leurs risques associés maîtrisés. C’est ce que propose le projet de loi a précisé le ministre de la Santé.
« La visite médicale doit évoluer »
Enfin, troisième axe de cette réforme, des patients mieux informés et des professionnels de santé mieux formés et mieux informés. Dans ce cadre, Xavier Bertrand s’est prononcé pour une « qualité irréprochable » de l’information publicitaire destinée aux prescripteurs, grâce notamment à un contrôle « a priori » et non plus « a posteriori » mis en place par l’agence des publicités faites aux professionnels.
« La visite médicale doit évoluer, c’est une certitude » a souligné le ministre. Evoquant les « résistances au changement, à gauche comme à droite », sous prétexte de chantage à l’emploi, Xavier Bertrand a affirmé qu’il sera « attentif » à ce que les laboratoires prennent leurs responsabilités envers leurs salariés, sans préciser toutefois ce qu’il attendait exactement par là. Une expérience pilote de visite médicale collective à l’hôpital sera lancée.
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