Dans une étude réalisée par Anne Spiteri, polytechnicienne et ingénieure du génie rural des eaux et des forêts, le WWF France dresse un bilan accablant de la qualité réelle des eaux en France. Pour l’ONG, très insuffisantes, les mesures rassurantes actuelles conduisent à sous-estimer gravement l’ampleur de la pollution des rivières et des nappes phréatiques françaises.
Dans une étude documentée, le WWF France soulève 3 problèmes majeurs à l’origine d’une « surveillance biaisée » des eaux superficielles et souterraines. L’ONG relève tout d’abord la « dramatique insuffisance du nombre de substances toxiques recherchées dans l’eau ». Elle souligne des protocoles de mesure inadaptés, en particulier pour les micropolluants chimiques. Enfin, l’étude d’Anne Spiteri révèle « des méthodes d’analyse des données impropres à décrire l’état réel des eaux superficielles et souterraines ».
L’étude évoque notamment « des données officielles souvent incohérentes et peu pertinentes » et un état des eaux brutes « très préoccupant », même sous-évalué. Parmi les nombreuses inquiétudes de l’auteur de cette recherche, l’étude évoque la question de l’atrazine (A), largement utilisée de 1960 à 2003, sa dégradation produisant essentiellement du déséthylatrazine (DEA), du déisopropylatrazine (DIA), du déséthyldéisopropylatrazine (DEDIA) et de l’hydroxyatrazine (HA). Très solubles et mobiles, ces 5 substances contamineraient les eaux souterraines « pour plusieurs décennies et avec des teneurs qui peuvent être élevées » relève Anne Spiteri.
Défaut d’information ou désinformation ?
Le WWF France demande des réponses précises de l’Etat sur les dysfonctionnements mis à jour en matière de production des données publiques sur la qualité de l’eau. Par ailleurs, l’ONG réclame la création d’une commission d’enquête parlementaire sur ces dysfonctionnements et sur l’état réel des eaux brutes en France.
L’association demande par ailleurs la révision des protocoles de surveillance des eaux de façon à acquérir les données brutes de qualité nécessaires à l’élaboration d’une information pertinente et une information indépendante sur la qualité de l’eau, qui réponde aux enjeux environnementaux liés à cette ressource. Le WWF France réclame également l’application de la Convention d’Aarhus et de la Charte de l’Environnement en matière d’accès du citoyen aux données brutes sur la qualité de l’eau.
Enfin, l’ONG demande une profonde réforme de la gouvernance de l’eau en France avec la création, dans toutes les instances de gestion de l’eau, d’un quatrième collège représentant la société civile (usagers domestiques, associations de protection de l’environnement et associations de consommateurs?) et ayant le même « poids » que les autres collèges. Le WWF France appelle à la création d’un Observatoire indépendant de la qualité de l’eau par tous les acteurs et organisations intéressés de la société civile, sur le modèle du CNIID (déchets) et de la CRIIRAD (nucléaire).
Réduction urgente de l’utilisation des pesticides
Le WWF France rappelle l’urgence du respect des engagements du Grenelle concernant la diminution par deux de l’usage des pesticides en 2018, la protection des aires d’alimentation des 500 captages prioritaires d’eau potable, et les 20% de surface agricole utile française en agriculture biologique en 2020. L’ONG réclame une réforme de la Politique Agricole Commune ambitieuse sur la réorientation des systèmes de production intensifs vers une agriculture durable (écologisation du premier pilier) et la mise en place de véritables moyens (financiers, humains, expertise?) pour faire appliquer strictement le code de l’environnement, notamment pour la police de l’eau.
Le WWF France publie ces données via un site internet dédié Eau Evolution, qui se proposer de rassembler l’ensemble des chiffres, analyses et cartes disponibles sur la qualité des eaux en France.
Pour en savoir + : Site Eau Evolution
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