Après de 10 de recherches, la France vient de publier l’état de santé de ses sols. Bétonnage intensif, pollution à l’arsenic ou au PCB, le bilan du GISSOL révèle des dommages parfois « quasi irréversibles ».
Lancée en 2001, l’étude approfondie des sols français vient de faire l’objet d’un premier rapport exhaustif réalisé par le Groupement d’intérêt scientifique sol, entité créée à cet effet. « Au coeur de grands enjeux planétaires » comme la sécurité alimentaire, le changement climatique, la disponibilité en eau de qualité ou la biodiversité, les sols sont pourtant peu étudiés, souligne le GISSOL.
Le groupement placé sous l’égide du ministère de l’Agriculture et de l’Ecologie rappelle en préambule que « la qualité d’un sol ne se juge pas dans l’absolu ». Cette notion doit être appréhendée au travers de ses fonctions, des services écosystémiques qu’il rend et de leur durabilité, certains de ces services pouvant même se révéler antagonistes.
Dommages « quasi irréversibles »
Le premier bilan de l’état des sols de France se révèle relativement inquiétant quoique « nuancé ». « Certaines menaces apparaissent aujourd’hui particulièrement prégnantes » ou ont « parfois déjà provoqué des dommages quasi irréversibles par le passé » souligne le GISSOL.
D’autres dommages passés sont « difficilement réversibles » affirme le rapport. C’est en particulier le cas d’un certain nombre de contaminations diffuses ou locales dont l’origine est historique comme le plomb des essences ou le chlordécone aux Antilles.
Pour certains de ces contaminants, leur interdiction (arséniate de plomb, divers polluants organiques persistants, etc.) ou un meilleur contrôle des sources (par exemple, limitation des rejets industriels, diminution de certains additifs dans l’alimentation animale, contrôle des teneurs en contaminants dans les boues de station d’épuration, etc.) permet de penser que « les pressions sur les sols seront moins fortes à l’avenir », espère le GISSOL. Pour d’autres contaminants (par exemple, le lindane), les voies de dispersion dans l’environnement posent encore de nombreuses questions quant à leur devenir précise le groupement.
Bétonnage, 1er sujet d’inquiétude
Toutefois, la majorité des contaminants qui ont été analysés ne sont présents qu’en très petites quantités dans les sols. Si certains pourraient poser de réels problèmes sanitaires, la plupart d’entre eux ne présentent qu’un « très faible risque » de transfert dans la chaîne alimentaire, affirme le GISSOL.
Mais au-delà de la pollution, l’inquiétude se concentre en premier lieu sur le bétonnage massif des sols. Concrètement, environ 6 100 km2 de terres ont été artificialisés en France entre 2003 et 2009, à 90% aux dépens de sols agricoles souligne le rapport.
Et cette tendance s’accélère depuis quelques années. La superficie de terres arables disparues sous le bitume entre 2003 et 2009 équivaut à celle perdue entre 1994 et 2003. Les pertes comptabilisées en une décennie se concentrent désormais sur 7 ans s’inquiète les auteurs de cette étude.
Erosion méconnue mais inquiétante
Le GISSOL évoque également la question méconnue de l’érosion. Le lessivage des sols sous l’effet des précipitations, du vent, des cours d’eau, de la fonte des glaciers ou de pratiques agricoles inadaptées est même le deuxième motif d’inquiétude du GISSOL. Près de 18 % des sols seraient concernés par un problème d’érosion « moyen à fort » en France métropolitaine, notamment dans le Sud-Ouest, le sillon rhodanien, le Nord, le centre et l’ouest de la Bretagne.
S’agissant de la fertilité chimique, l’évaluation de l’état des sols français ne fait pas apparaître la nécessité d’une alerte générale, même si certains points restent préoccupants et nécessiteraient une analyse approfondie des flux en entrée et en sortie souligne le rapport. La juxtaposition de situations d’excédents et d’insuffisances potentielles, en particulier en ce qui concerne le phosphore, soulève la question d’une meilleure valorisation des effluents d’élevage pour corriger les unes et les autres.
L’analyse réalisée sur l’ADN microbien des sols de France, tant en quantité qu’en biodiversité, montre, d’une part, qu’aucun sol ne paraît stérilisé, et que, d’autre part, les micro-organismes représentent un potentiel considérable pour une gestion plus écologique des sols et de la production agricole.
Encore de nombreuses incertitudes
Si la connaissance de l’état des sols de France a considérablement progressé, de nombreuses incertitudes et de nombreuses interrogations dues à un manque de connaissances subsistent encore. Elles portent, par exemple, sur le stockage du carbone et son devenir sous l’effet du changement climatique, sur l’évolution de la biodiversité ou encore sur des contaminants potentiellement émergents, comme les substances médicamenteuses ou certains perturbateurs endocriniens souligne le GISSOL.
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