Sophie Mourlon, directrice générale adjointe de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. La responsable de l’ASN commente le rapport publié hier par le gendarme français du nucléaire, qui a conclu à un niveau de sûreté des centrales globalement « suffisant », tout en soulignant l’effort important de renforcement demandé aux exploitants pour tirer les enseignements de l’accident japonais de Fukushima Daiichi.
L’ASN vient de publier son rapport sur la sûreté des centrales nucléaires françaises, que dit-il exactement ?
A l’issue des évaluations complémentaires de sûreté (ECS), nous considérons que les installations nucléaires présentent un niveau de sûreté suffisant pour que nous ne demandions pas d’arrêt immédiat. Dans le même temps, nous considérons que la poursuite de l’exploitation de ces installations nécessitent d’augmenter leur robustesse à des situations extrêmes pour augmenter les marges de sécurité dans elles disposent aujourd’hui.
Qu’entend-t-on par renforcement de la robustesse des centrales ?
Cela réside essentiellement dans la mise en place d’un noyau dur de dispositions matérielles et organisationnelles renforcées, d’une force d’action rapide du nucléaire qui peut intervenir en cas d’accident, et de dispositions renforcées pour éviter les risques de dénoyage du combustible dans les piscines d’entreposage.
L’ASN fixe-t-elle une échéance précise pour le renforcement de la sûreté de ces centrales ?
Nous demandons aux exploitations de nous fournir pour juin 2012, la liste complète et détaillée des modalités de travaux prévus avec un calendrier, à partir duquel des délais seront fixés.
Avez-vous identifié des mesures d’urgence à mettre en place en priorité ?
Nous n’avons pas relevé de mesures véritablement d’urgence, en revanche nous soulignons que l’ensemble des mesures que nous avons listées sont à réaliser dans les meilleurs délais, il n’y a pas de raison d’attendre. Mais nous souhaitons que cela soit fait avec rigueur et cela nécessite un certain temps pour ces mesures soient mises en place.
S’agissant de la construction de certains bâtiments ou de la mise en place de certaines mesures contraignantes, cela pourra prendre plusieurs années. Dans ce cas, nous proposerons des mesures provisoires.
Quels sont les sites les plus vulnérables ?
Nous considérons que la sûreté des centrales nucléaires françaises est assez homogène, tout d’abord parce qu’elles présentent toutes une certaine homogénéité de conception. Mais aussi et surtout parce que nous faisons des réexamens de sûreté des centrales tous les 10 ans et des mises à niveau à ces occasions.
Rien à signaler de particulier pour la centrale pourtant très décriée de Fessenheim ?
Non rien de particulier pour ces ECS. Il y a eu des demandes de mises à niveau particulières à l’occasion de la dernière visite décennale mais elles ont déjà été demandées à EDF. Plus globalement, on va demander des niveaux de résistance significativement plus élevés à ceux qu’on demandait jusqu’alors.
A-t-on une idée du montant de la facture de ce renforcement de la sûreté des installations nucléaires ?
Nous n’avons pas fait de chiffrage. C’est pas notre métier et c’est sans doute prématuré d’avancer des chiffres même chez les exploitants. Néanmoins, comme l’a précisé André-Claude Lacoste (président de l’ASN ? NDLR), l’unité de compte est le milliard d’euros. La facture sera donc certainement de plusieurs milliards.
Considérez-vous que les 19 centrales nucléaires actuellement en activité ne présentent pas de risque ?
C’est pas comme cela que nous voyons les choses. L’ASN n’a jamais exclu la possibilité d’un accident, Fukushima est venu le rappeler. Un accident ne peut jamais être exclu, c’est clair et ceux qui disent le contraire, à savoir que Fukushima est un accident spécifiquement japonais ne sont pas raisonnables.
Votre rapport s’est-il également intéressé à la faille de sécurité révélée par l’intervention récente de Greenpeace dans plusieurs centrales françaises ?
L’ASN n’est pas chargée en France de la prévention des actes de malveillance et de terrorisme. Cela dit, sans considérer la cause, notre autorité a contrôlé notamment le comportement des centrales en cas de perte totale d’alimentation électrique.
Parmi l’ensemble des mesures qui doivent être mises en place, certaines vous paraissent-elles difficiles à mettre en place ou économiquement trop coûteuses au point de remettre en cause la viabilité économique de certaines centrales ?
Est-ce que c’est compliqué ? Oui pour un certain nombre d’entre elles. Lorsque nous ne savons pas si c’est réalisable, une étude de faisabilité sera effectuée comme par exemple pour le renforcement du sous-sol des réacteurs.
S’agissant du coût économique acceptable, ce n’est pas à nous de le dire, mais nos prescriptions doivent s’imposer. Si un exploitant juge ces mesures trop coûteuses et préfère ne pas réaliser cette mise à niveau, il fera le choix d’arrêter son installation.
Pour finir, votre rapport publié, quelles sont désormais les prochaines étapes prévues dans ce processus de renforcement de la sûreté des installations ?
Il va désormais y avoir des échanges avec les exploitants pour faire avancer ce processus avec des échéances fixées régulièrement permettant de faire le point sur l’état d’avancement de ce renforcement.
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