Jean-Louis Bal, président du Syndicat des Energies Renouvelables. Ex-directeur général des énergies durables à l’Ademe, le président du SER fait le point sur la situation de l’éolien, du photovoltaïque et de l’ensemble de la filière française, au lendemain d’un colloque annuel qui a accueilli tous les représentants à l’élection présidentielle.
Vous venez de boucler votre 13e colloque annuel, comment se porte la filière des énergies renouvelables ?
La filière se porte modérément bien, même si les situations sont différentes selon les énergies. Si le secteur de la biomasse est dynamique, grâce notamment au fond chaleur et aux appels d’offres de la cogénération, le ralentissement du marché de l’éolien que nous redoutions s’est produit.
La puissance éolienne installée, raccordée au réseau en 2011 est estimée à 875 MW, un chiffre en baisse par rapport à 2010 qui avait atteint 1 250 MW. On est très en dessous de ce que nous devrions réaliser pour atteindre l’objectif fixé pour 2020, qui impose un rythme d’environ 1 300 à 1 400 MW par an pour atteindre les 19 000 MW installés à cette date.
Vous expliquez ce ralentissement de l’éolien? Par de nouvelles contraintes administratives ?
Nous dénonçons effectivement la superposition de plusieurs couches administratives : la dualité permis de construire et classement ICPE et surtout le recouvrement ZDE et schémas régionaux. Il serait très facile de simplifier les démarches administratives sans pour autant diminuer l’exigence en termes d’insertion environnementale des fermes éoliennes.
Il existe également une disposition de la loi Grenelle 2 qui impose un minimum de 5 machines par projet éolien, qui nous semble très pénalisante, en particulier dans la partie Ouest de la France qui est comporte un habitat très dispersé.
Comment se porte la filière solaire ?
La situation est paradoxale. On a probablement installé l’année dernière plus de panneaux solaires qu’on n’en a jamais installé en France, autour vraisemblablement de 1 500 MW, soit le double de l’année précédente. Mais la filière se porte mal. Le portefeuille de projets qui avait été préservé par le moratoire début 2011 est en train de s’épuiser, et nous rentrons actuellement dans un trou d’air qui avait été annoncé.
Ce trou d’air est-il la conséquence directe du tarif de rachat de l’électricité photovoltaïque qui a été revu à la baisse ?
Le nouveau tarif de rachat est limité aux installations de moins 100 kw de puissance unitaire. Il y a ensuite une dégressivité automatique qui s’élève jusqu’à 9,5% par trimestre, ce qui est considérable et qui ne repose pas sur la puissance réellement installée mais sur les demandes de raccordement. La dégressivité automatique est trop forte et en plus l’indicateur n’est pas bon.
Concrètement les réponses aux appels d’offres lancées après le moratoire ne seront connues si tout va bien, qu’à partir du 2e trimestre 2012, ce qui veut dire que les entreprises auront du mal à les réaliser cette année. L’année 2012 s’annonce très difficile pour la filière photovoltaïque.
Eric Besson vient de souligner que le nucléaire restait une énergie plus compétitive que les énergies renouvelables. Avec la crise et la hausse du prix de l’électricté, est-il raisonnable de continuer à financer une énergie coûteuse ? La question centrale n’est-elle pas celle du rendement et de la compétitivité de votre filière ?
Cela fait bien entendu des défis que notre filière doit relever. Mais il faut cependant rappeler que l’énergie éolienne est déjà aujourd’hui compétitive par rapport à la plupart des filières conventionnelles.
Quel est le coût du kw nucléaire, solaire et éolien ?
Le coût de l’éolien est estimé à 70 ? par MW/h, un chiffre à comparer aux 50 ? du coût dit amorti du nucléaire, selon l’estimation du rapport de la Cour des comptes. Le coût de l’éolien peut encore être amélioré mais n’est pas très loin d’avoir atteint son plancher. Ce sont surtout les nouvelles filiales photovoltaïques, de l’éolien en mer ou les filières émergentes comme les énergies marines qui ont le plus de potentiel de progression dans les années à venir.
Plus globalement, on constate qu’au fil de l’apprentissage, la courbe des prix des énergies renouvelables a tendance à descendre, et à l’inverse, celle de toutes les autres énergies conventionnelles y compris le nucléaire, augmente à mesure du développement de ces énergies. Ces courbes vont se croiser et pour l’éolien terrestre, c’est dans pas longtemps, puisqu’il est déjà compétitif par rapport à l’EPR, le nucléaire de 3e génération.
Pour le photovoltaïque, l’échéance se situe plutôt à moyen terme. Nous considérons que les énergies renouvelables sont plutôt une garantie de stabilité du prix de l’énergie qu’un facteur inflationniste.
Pourquoi proposez-vous d’accélérer encore le développement des énergies renouvelables en France, en passant de 20 à 25% l’objectif de consommation d’électricité « verte » d’ici 2020 ? Est-ce raisonnable, en a-t-on les moyens ?
Nous avons repris pour 2020 les objectifs du Grenelle de l’environnement qui nous semblent ambitieux mais réalistes. On a simplement augmenté les objectifs du photovoltaïque, en considérant les diminutions de coûts spectaculaires sur cette filière ces dernières années, pour viser les 20 000 MW en 2020. Par ailleurs, si nous voulons développer une filière industrielle en France, il faut avoir un marché domestique national suffisant.
Nicolas Sarzkoy s’est emparé du dossier Photowatt en annonçant sa reprise par EDF, les difficultés de cette entreprise française n’illustre-t-elle pas la difficulté d’exister dans cette industrie du photovoltaïque face à la concurrence asiatique ?
Photowatt était en redressement judiciaire. L’Etat soutient donc une solution de reprise par EDF, parmi d’autres candidats. C’est désormais au Tribunal de commerce de décider.
La situation de l’entreprise est la conséquence directe de la très forte concurrence asiatique sur le marché mondial des cellules photovoltaïques, avec une capacité de production mondiale quasiment deux fois supérieure à la demande. Cette crise touche l’ensemble du secteur y compris les industriels chinois.
Est-ce possible de développer une filière industrielle compétitive en France face à cette concurrence, comme le souhaite l’Etat ?
Nous pensons que c’est possible à condition de miser sur l’innovation technologique. C’est d’ailleurs au coeur de projet de reprise de Photowatt par EDF avec le soutien du CEA. L’idée est de viser le très haut rendement ou les couches minces qui commencent à émerger.
Il ne faut pas se limiter à la seule production de cellules. Il existe aussi d’autres éléménts de la chaîne de valeurs comme les équipements qui permettent la fabrication de cellules.
Cette forte concurrence asiatique est-elle aussi prégnante dans l’éolien ?
Le problème n’est pas tout à fait le même avec l’éolien même si les chinois se développent également fortement dans cette filière. Sur le plan international, la spécificité même des éoliennes qui se transportent beaucoup plus difficilement que les cellules photovoltaïques, freine l’impact de la concurrence chinoise notamment en Europe. En revanche, c’est plus difficile pour les fabricants européens comme Vestas sur les marchés asiatiques.
Pour en finir, comment voyez-vous 2012 ?
On s’attend à une année 2012 difficile particulièrement pour la filière photovoltaïque, même si nous restons optimistes pour la suite. Il y a beaucoup d’entreprises françaises très dynamiques sur ce secteur et la baisse spectaculaire des prix laisse entrevoir une rentabilité à relativement court terme, d’ici 3 à 4 ans selon René Ricol, le commissaire aux investissements d’avenir.
Dans l’éolien, tout le monde est à peu près d’accord sur la question de la simplification des procédures administratives et sur le programme d’éolien offshore, dans une perspective d’industrialisation en France, avec des débouchés dans le Nord de l’Europe.
Toutes les applications de production de chaleur vont continuer à se développer. On souhaite à ce titre le renforcement du fonds chaleur de l’Ademe à la hauteur de ce qui avait été prévu par le Grenelle. Les perspectives à moyen et long terme sont très bonnes.
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