Tristan Mathieu, Délégué Général de la Fédération des entreprises de l’eau (FP2E) qui regroupent la quasi-totalité des entreprises privées assurant la gestion des services d’eau et d’assainissement en France. Directeur des relations contractuelles de Veolia Eau et Délégué Général de la FP2E depuis 2001, Tristan Mathieu fait un tour d’horizon des questions qui animent le marché français de l’eau alors que le Forum mondial de l’eau de Marseille vient d’ouvrir.
Alors que l’OMS vient d’annoncer que désormais près de 89% de la population mondiale accéde à l’eau potable, quels sont les aujourd’hui grands enjeux français de l’eau en France ? La pollution, l’assainissement, les prix, etc. ?
Il s’agit pour nous de préserver la très bonne performance des services de l’eau en France. Je pense bien sûr à la qualité de l’eau, les niveaux d’analyse sont bons à 99%, au niveau des rejets environnementaux, mais aussi en termes économiques, avec un prix environ 10% mois cher que la moyenne européenne. L’enjeu en France est de conserver ce modèle de performances et de mixité de gestion satisfaisants.
L’Espagne mais aussi la Grande-Bretagne sont déjà en situation de sécheresse, situation inédite à cette époque de l’année, ce manque d’eau est-il un sujet de préoccupation également en France pour les professionnels du secteur ?
Dans ce domaine, même si la pluviométrie a été relativement faible ces derniers mois, la France est un pays relativement privilégié en matière de ressources en eau, surtout par rapport à l’Espagne. On estime qu’environ 500 milliards de m3 d’eau tombent en France chaque année, alors qu’on en a besoin de beaucoup moins. Il y a 2 000 milliards de m3 de stock d’eau en France.
Une récente étude du Commissariat général au développement durable révèle que si la France gère globalement mieux ses ressources en eau, les Bretons se montrent toutefois plus économes que le Sud de la France. Y-a-t-il encore beaucoup à faire dans ce domaine pour apprendre la modération notamment dans certaines régions ?
En France, on est dans la moyenne des consommateurs européens, avec une consommation domestique de l’eau qui se situe à 151 litres par habitant et par jour. L’Italie se situe à 190 litres et les Allemands à 120 litres. Maintenant, il est vrai qu’en Bretagne, on est autour de 120 litres alors que dans la région PACA, on est plutôt à 230 litres. On est pratiquement du simple au double entre ces deux régions. Il y a vraisemblablement de la pédagogie à faire dans ce domaine pour modérer la consommation dans cette région. Maintenant, encore une fois, la France ne manque pas d’eau, et même dans les périodes de sécheresse importantes, il n’y a jamais eu de coupure.
Selon l’étude de NUS Consulting, avec un prix moyen de l’eau de 3,23 ? / m3, la France se situerait dans la moyenne européenne, beaucoup plus cher que l’Italie (1,06 ?) ou l’Espagne (2,23 ?) mais nettement moins que l’Allemagne (5,34 ?), considérez-vous qu’il s’agit d’un prix juste ou susceptible d’évoluer ?
Le prix de l’eau est relativement stable. D’une part, il évolue sensiblement avec l’inflation ce qui est plutôt satisfaisant. D’autre part, la part du budget des ménages consacrée à la facture d’eau et d’assainissement reste la même depuis 10 ans, à 0,8%.
Ce qu’on doit essayer de faire aujourd’hui avec cette même enveloppe budgétaire, c’est de relever les défis de la qualité de l’eau et de l’épuration. C’est ce que nous sommes d’ailleurs en train de faire. Cela représente à peu près 1 ? par jour et par famille, c’est le prix d’un café. C’est pas exorbitant, mais pour les familles qui ont des difficultés, il faut qu’on trouve des systèmes d’aide.
Beaucoup de collectivités renégocient actuellement à la baisse le prix de l’eau, soit avec les entreprises privées, soit en reprenant en direct la gestion de l’eau, les sociétés françaises se sont-elles rémunérées trop grassement pendant de longues années sur le dos des consommateurs français ?
Je ne crois pas du tout. Le principe même de la délégation de service public c’est de demander à atteindre des objectifs de performance, en termes de qualité d’eau, et de gérer en essayant d’être le plus économe possible. Il est tout à fait normal qu’à la fin d’une période de délégation de service public où une entreprise est remise en concurrence, on arrive à des prix plus tendus qu’avant.
Justement, cette délégation semble de plus en plus discutée par les collectivités au point de retourner parfois en régie directe, cette tendance vous inquiète-elle ?
Il existe en France une très grande stabilité dans ce domaine, même si cela ne veut pas dire qu’il ne se passe rien. Les services en délégation de service public sont reconduits à 98% et les services en régie également. Les mouvements entre les deux modes de gestion sont un phénomène normal, une respiration qui prouve que la coexistence entre la délégation et la régie est saine.
Donc pas d’inquiétude que les régies s’imposent progressivement devant les délégations ?
La vraie tendance, c’est que les collectivités s’interrogent désormais sur le meilleur mode de gestion de l’eau, ce qui est une bonne chose. Il y a 15/20 ans, elles se posaient moins la question. Aujourd’hui, elles sont plus exigeantes en fixant des objectifs de performance, en pilotant réellement leur service, et en posant également la question de l’outil contractuel. Cela nous empêche pas de signer 2 à 3 délégations de service public par jour, et des villes comme Montauban de passer de la régie à la délégation.
Est-ce inquiétant pour votre Fédération de constater qu’un géant français de l’eau comme Veolia soit en difficultés financières ? Est-ce lié à une conjoncture plus tendue pour les entreprises de l’eau ?
Chaque entreprise a son histoire. Je ne pense pas qu’on puisse dire cela.
Comment réagissez-vous à la récente modification d’une instruction de la direction Générale de la Santé publiée au BO en février 2011, qui « rend plus facile la distribution d’eau polluée par des pesticides au-delà de la limite de qualité », une initiative critiqué par les écologistes ?
Je ne peux pas vous dire, je n’ai pas analysé le texte en question.
La qualité de l’eau potable distribuée en France fait régulièrement l’objet de questionnement, quelle est la situation, s’améliore-t-elle ? Est-ce suffisant ?
Il faut distinguer entre la qualité des ressources brutes en eau, et la qualité de l’eau du robinet qui ne cesse de s’améliorer, ainsi que la confiance des consommateurs d’ailleurs. 80 à 90% des Français ont confiance dans l’eau du robinet. Ce qui est vrai, c’est qu’il existe des ressources parfois polluées. Il y a des demandes de potabilité de l’eau potable de plus en plus sévères et des ressources qui parfois sont dégradées.
Y-a-t-il des solutions pour limiter la présence de résidus médicamenteux ?
On les retrouve essentiellement dans les ressources brutes. Nous disposons aujourd’hui d’une capacité d’analyse 100 fois supérieure à ce qu’elle était il y a seulement 10 ou 15 ans, et on finit logiquement par retrouver parfois d’infimes traces de résidus médicamenteux. Il s’agit de quantités infinitésimales pour lesquelles les experts n’ont pas d’inquiétude, qui reviennent par exemple pour un homme à consommer la valeur d’une pilule dans toute sa vie. Mais tout ça fait progresser les usines de potabilisation et donc la qualité de l’eau avec des chiffres de conformité quasiment de 100%.
Quels sont les objectifs de la Fp2e en 2012 ?
Nous défendons le dynamisme de nos entreprises qui réussissent notamment à l’international, avec par exemple trois fois plus de salariés à l’étranger que dans l’hexagone. C’est une belle réussite pour le commerce extérieur français qui prouve la qualité de notre savoir-faire, qui est reconnue dans de nombreux pays.
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