Eva Joly, candidate à l’élection présidentielle pour Europe Ecologie Les Verts, s’exprime sur Enviro2B. Plombée dans les sondages, étant créditée pour l’heure de seulement 1% des intentions de vote, l’ancienne magistrate se dit toujours aussi motivée et combative, et s’explique sur l’emploi, le nucléaire, les OGM, la transition écologique ou encore la viande halal.
Quand vous lisez les sondages, regrettez-vous de vous être engagée dans une telle galère ?
Absolument pas. Je suis fière de porter les idées de l’écologie, d’autant plus quand je vois l’absence totale de vision des autres candidats. Il est temps de proposer une vraie alternative au modèle de développement actuel, fondé sur l’exploitation effrénée des êtres humains et de la nature, l’individualisme à outrance, le profit et le gaspillage. La France ne peux se contenter d’une fausse alternance où on fait semblant de tout changer pour que rien ne change.
Après, il est certain que la campagne électorale est difficile pour une non-professionnelle de la politique comme moi. Les petites phrases, l’absence de grands débats de fonds? ce sont des choses auxquelles je ne suis pas habituée. Mais c’est une aventure humaine extraordinaire. À aucun moment je ne regrette mon choix, et j’ai la chance d’être merveilleusement bien entourée pour ce combat.
On vous voit beaucoup, vous êtes très active, et pourtant vous semblez inaudible, comment l’expliquez-vous ?
Il est difficile d’exister dans la sphère médiatique actuelle : tout a été fait pour polariser l’attention sur un duel Hollande/Sarkozy. Mais je crois aussi que, pour la majorité des Françaises et des Français, l’écologie se résume encore à la protection de l’environnement ou à un supplément d’âme. Ils pensent que l’on peut reléguer au second plan ces sujets en ces périodes de crise.
Mon rôle, c’est d’expliquer que l’écologie c’est la solution la plus concrète à la crise. C’est un levier pour inventer l’économie de demain, pour créer un million d’emplois par la transition écologique. Investir dans les économies d’énergie, dans les énergies renouvelables, c’est créer des emplois chez nous plutôt que d’importer du gaz et du pétrole d’ailleurs. Des emplois non délocalisables car on n’isole pas nos logements depuis la Chine.
Les thèmes écologiques sont au c?ur de l’actualité : prix des carburants, Pétroplus, Photowatt, le nucléaire, OGM, etc. et pourtant l’environnement ne semble plus une priorité pour les Français, la crise est passée par là ?
Encore un fois, c’est à nous les écologistes de montrer que nos propositions répondent à la conjonction des crises : économique, sociale, environnementale mais aussi démocratique. Je vous parlais d’emploi, c’est également vrai pour le pouvoir d’achat.
Nous avons des mesures pour faire baisser les dépenses contraintes. Pour le logement, c’est le gel des loyers. Pour les factures d’énergie, c’est la rénovation thermique des bâtiments. Pour les déplacements, c’est le développement de transports alternatifs. Au final, ce sont des gains équivalent à au moins un mois de salaire pour les ménages modestes qui bénéficieront de nos propositions.
Au-delà de la baisse des dépenses, l’écologie c’est aussi plus de solidarité. Pour les plus précaires, ce sont des mesures de justice sociale avec la hausse des minimas sociaux de 50% sur le quinquennat, la pénalisation du recours au travail précaire, ou encore le renforcement du poids des salariés dans les conseils d’administration des entreprises pour une meilleure répartition des richesses.
Que répondez-vous à NKM qui affirme qu’Europe-Ecologie Les Verts s’est éloigné de l’écologie ?
Qu’elle ne comprend donc rien à l’écologie. Cela ne me surprend guère venant de quelqu’un qui a accepté un ministère dépecé de ses prérogatives. Soyons honnêtes : Nathalie Kosciusko Morizet ne prépare pas l’avenir de la France, elle prépare son avenir politique. Elle est la caution verte d’un Président qui considère que l’environnement ça commence à bien faire.
Sur la question du nucléaire, quelle est votre position exacte ?
Ma position est très claire. Il faut organiser la sortie du nucléaire en 20 ans et créer un pôle d’excellence industrielle en matière de gestion des déchets et de démantèlement des centrales, pour maintenir ainsi les emplois dans la ?lière. En parallèle, la France doit engager un vaste plan d’économies d’énergie ? avec notamment l’isolation d’un million de logements par an ? et devenir un leader industriel dans les énergies renouvelables.
Pourquoi vouloir sortir du nucléaire ? Car le nucléaire n’est pas une énergie sûre. En trente ans, nous avons subit trois accidents nucléaires majeurs : Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima. Nos dirigeants osent dire qu’à Fukushima, la situation se stabilise. Pourtant, j’ai rencontré ces familles qui se désespèrent de ne plus pouvoir revenir sur leurs terres dévastées ou ces individus qui achètent par solidarité des fruits et légumes produits sur le sol radioactif de Fukushima pour les jeter ensuite.
Le nucléaire, ce n’est pas l’indépendance énergétique non plus. Pour le produire, il nous faut importer de l’uranium dans des conditions souvent détestables de pays comme le Niger.
Ensuite, les partisans du nucléaire affirment que c’est une énergie bon marché. Dans son dernier rapport, la Cour des comptes a mis à mal ce mythe français. Un mythe déjà sérieusement entaché par le nucléaire « nouvelle génération, l’EPR de Flamanville, qui coûtera au final plus de 6 milliards d’euros, deux fois plus que prévu !
Nous sommes donc à l’heure du choix. Je fais pour ma part le choix de l’avenir et de l’autonomie énergétique, par l’investissement dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Je suis la candidate de sortie du nucléaire.
Comment vous situez-vous par rapport à la polémique sur la viande halal, la question de la souffrance animale semblant quasiment ignorée dans cette affaire ?
J’ai été très choquée de l’instrumentalisation de la souffrance animale par Marine Le Pen, qui visait évidemment à stigmatiser la communauté musulmane. A l’occasion d’une tribune publiée sur Rue89, j’ai souhaité poser la question de la souffrance animale dans son ensemble : l’élevage intensif, le transport des animaux, l’expérimentation en laboratoire ou encore de l’exploitation d’animaux en cirque et animaleries.
Je milite pour l’établissement d’un statut du vivant qui fasse passer l’animal de bien meuble à celui d’être vivant. Cette question de bon sens permettrait de poser au niveau national le rapport de l’être humain aux êtres vivants qui l’entourent.
Vous êtes élue dans quelques semaines à l’Elysée, quelles sont vos 3 mesures prioritaires ?
Aucune politique n’est possible sans justice. Je l’ai déjà dit, j’augmenterai donc les minimas sociaux de 50% car nous devons arrêter la machine à produire des pauvres.
Ensuite, une loi d’urgence écologique rétablira les mesures issues du Grenelle de l’environnement et instaurera un moratoire sur les OGM, les gaz de schiste et les projets pharaoniques comme l’aéroport Notre-Dame-des-Landes ou l’EPR. Elle lancera la transition écologique de la France, créatrice d’emplois d’un million d’emplois.
Je réunirai par ailleurs une conférence nationale sur l’emploi et les conditions de travail, afin de répondre à l’enjeu de la souffrance au travail et pour créer un million d’emplois d’ici 2020 dans le bâtiment, la petite enfance, la dépendance et les énergies renouvelables.
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