Frédéric Nathan, prévisionniste à Météo France, revient sur l’épisode froid et pluvieux qui a gâché une bonne partie du printemps dans l’hexagone. Pourtant malgré des variations en fonction des mois et des années, le réchauffement climatique est globalement une réalité météorologique depuis plusieurs dizaines d’années.
Après un hiver très sec, nous venons de subir un printemps particulièrement froid et humide? la sécheresse qui menaçait en début d’année est-elle un mauvais souvenir ?
Nous avons effectivement connu un hiver extrêmement sec. Les sols ont énormément souffert de la sécheresse de l’hiver et du début d’année, et même du mois de mars, l’ensemble du moi de mars ayant été extrêmement sec.
Depuis le mois d’avril, les perturbations circulent sur le pays qui c’est vrai, a été bien arrosé. On a donc récupéré une partie du déficit de l’hiver. Mais c’est vrai que deux mois de pluie, c’est très pénible pour l’ensemble de la population, sauf peut-être pour les agriculteurs.
Une partie uniquement ?
On a récupéré ce qu’il fallait principalement pour les sols mais en revanche, en ce qui concerne les nappes phréatiques, elles sont toujours en déficit. Les pluies qui sont tombées ont été directement utilisées par la végétation. A cette époque de l’année, elles ne remplissent plus les nappes phréatiques et on enregistre donc encore un manque d’eau conséquent dans les profondeurs.
La situation est-elle encore critique ?
Pour le moment, avec toute la pluie qui est tombée en avril et en mai, on compense largement cette situation, dans le sens où nous n’avons pas besoin d’aller puiser d’eau dans les réserves profondes pour arroser les cultures.
A-t-on souvenir d’un mois de mai aussi pluvieux ?
Il est vrai que nous avons connu de nombreuses perturbations en avril et en mai. Mais, s’il a plu un peu plus que la normale, ce n’est pas une situation exceptionnelle. On a connu bien pire ! Si on regarde les différents relevés sur la région parisienne par exemple, au mois d’avril il est tombé entre 60 et 70 mm, ce qui place ce mois très légèrement au-dessus de la moyenne qui se situe entre 50 et 60 mm. En mai, la situation est quasiment la même.
On n’y pense pas souvent mais le mois de mai est traditionnellement très pluvieux. De nombreux contrastes thermiques y favorisent encore les fortes pluies. Cette année, on a relevé en mai entre 60 et 80 mm, sachant que les records sont beaucoup plus importants. En mai 1988, on avait enregistré par exemple 183 mm à Melun.
Peut-on espérer un été agréable ?
On réalise des prévisions saisonnières qui ne sont pas fiables à 100%. Pour l’instant, on ne dispose d’aucun signal au niveau des précipitations. On ne sait donc pas encore s’il pleuvra beaucoup ou pas. Toutefois, on s’orienterait vers des températures plutôt au-dessus de la normale.
A l’image de l’orage violent qui s’est abattu sur la région de Nancy, on a l’impression d’une multiplication de phénomènes climatiques exceptionnels. Est-ce une impression ou une réalité ?
Très sincèrement, je pense que cela reste exceptionnel. S’agissant de l’orage qui a eu lieu à Nancy, chaque année on connait des orages de ce type. Après, il y a toujours la conjonction de plusieurs phénomènes. Un gros orage qui tombe sur un endroit vulnérable, comme une grande ville, peut faire de gros dégâts. Ce n’est pas uniquement lié au phénomène en lui-même mais plutôt à l’endroit où il tombe. Mais encore une fois, des orages de ce type, on en a chaque année.
Ces orages, vous arrivez à les prévoir ?
On arrive à prévoir une situation. On sait qu’il y a potentiellement beaucoup d’énergie en jeu avec un risque d’orage fort sur telle ou telle région. Mais on ne peut absolument pas prévoir à quel endroit précis et à quel moment il y aura un orage d’une telle violence. Nos modèles ne sont pas capables de nous donner des précisions aussi fines pour le moment.
Constatez-vous concrètement les effets du fameux réchauffement climatique ?
Oui, on commence à voir les effets du réchauffement climatique. Sur plusieurs décennies, on se rend compte que les hivers sont de plus en plus doux, même si cela n’exclut pas d’avoir des hivers froids certaines années. Mais pas aussi froids que ce que l’on a pu connaitre en 1954 ou 1956, ou au début des années 80. C’est une tendance globale, avec derrière ça, la variabilité naturelle du climat qui fait que certaines années, on connaitra des hivers très froids ou très chauds.
Certaines régions françaises sont-elles susceptibles d’être plus touchées que d’autres ?
Il n’y a pas de différence entre les régions, car le réchauffement est global sur l’ensemble du pays. Réchauffement qui s’observe déjà puisque lorsque l’on regarde les mesures climatiques, on s’aperçoit que la température a augmenté ces dernières décennies et qu’elle continue de le faire. On bat régulièrement des records annuels de chaleur sur la France. Les années les plus chaudes en France se situent sur les quinze dernières années.
Ce qu’il reste à apprécier dans les années qui viennent, c’est le niveau des précipitations et leur impact. Pour l’instant, les climatologues évoquent un peu plus de pluies l’hiver, et un peu moins l’été. Des régions qui ont déjà tendance parfois à subir des sécheresses importantes, comme le sud-est, pourraient en connaitre encore plus que maintenant. En revanche, si on regarde cette année, on a eu un hiver très sec, et cela ne correspond donc pas du tout aux critères.
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