Thierry Charles, directeur de la sûreté des installations nucléaires, et porte-parole de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, revient sur la situation à la centrale de Fukushima Daiichi, 15 mois après la catastrophe japonaise, où les salariés de Tepco se battent chaque jour pour éviter un nouvel accident.
Quelle est la situation aujourd’hui à Fukushima ?
La réalité précise n’est pas connue au centre de l’enceinte de confinement mais la situation semble stabilisée. Par ailleurs, les moyens de surveillance de Tepco se dégradent avec le temps, avec des capteurs devenus inutilisables.
S’agissant des c?urs des réacteurs, l’objectif est de maintenir leur refroidissement par un arrosage massif. Dans le même temps, il faut conserver les moyens de mesure nécessaires à une surveillance minimale de la situation, afin de contrôler notamment la température.
Une grande partie du coeur du réacteur n°1 a fondu et a traversé la cuve. C’est la même chose pour les réacteurs 2 et 3 dont une partie a également traversé la cuve. Tepco envoie donc de l’eau en permanence pour assurer le refroidissement de l’ensemble, à raison d’environ 10 m3 d’eau par heure et par réacteur.
Cette eau qui tombe dans les enceintes de confinement se retrouve au fond des bâtiments. Les japonais la pompent pour la traiter et l’envoyer de nouveau pour refroidir les réacteurs.
Un article récemment publié par Le Monde évoque des dégagements radioactifs ?
Il y a effectivement encore des rejets permanents au niveau des réacteurs 1, 2 et 3, même s’ils sont sans commune mesure avec les rejets de l’époque, quelques milliards de fois moindre. Les rejets d’aujourd’hui sont de l’ordre du million de becquerels par heure, en termes de rejet c’est peu, mais ils existent. Les Japonais sont en train d’installer des charpentes métalliques sur ces bâtiments pour refaire un confinement.
Une sorte de sarcophage, comme à Tchernobyl ?
Je n’aime pas le terme de sarcophage mais c’est bien de ça qu’il s’agit, on enveloppe le tout dans une nouvelle enveloppe. Grâce à cela, on réduit considérablement les rejets résiduels dans l’environnement. Cela a donc déjà été fait pour le réacteur numéro un et ils sont actuellement en train de le faire avec les autres.
C’est ce qui permet de dire que la situation est stabilisée et en nette amélioration. Et, il faut reconnaître que les Japonais font un travail énorme. En l’espace de moins d’un an, avoir réussi à faire tout ce qu’ils ont fait, c’est qu’ils avancent quand même très bien.
Existe-t-il encore des zones d’inquiétudes ?
Oui, un des points qui pose question, c’est le comportement des piscines qui sont placées en haut des réacteurs 1, 2, 3 et 4. Celle du numéro 4 fait actuellement parler d’elle parce que le coeur du réacteur 4 y a été complètement déchargé. C’est donc la piscine qui est la plus chargée en combustible, qui a la plus grosse quantité de matière présente et qui serait donc la plus sensible s’il devait y avoir un problème. La question que l’on peut se poser est celle de son comportement en cas de nouvelle secousse sismique.
Les piscines doivent doivent rester mécaniquement stables et étanches, et assurer le refroidissement de l’eau afin d’éviter qu’elle ne s’évapore. Mais sur ce point précis, on dispose d’un peu de temps, de quelques jours avant que la situation ne devienne critique en cas d’interruption du mécanisme.
D’ailleurs, sur le site de Tepco, on évoque souvent de petites coupures dans le mécanisme de refroidissement, mais cela est sans incidence. Le problème serait que les combustibles se retrouvent à l’air. Le plus important dans une piscine, c’est de maintenir la couverture des combustibles par de l’eau.
Tout ça n’est pas très rassurant?
La question que l’on se pose est plutôt celle de savoir quel serait le comportement de ces piscines en cas d’un nouveau séisme très violent. C’est pourquoi il faut rapidement vider ces piscines, de part leur position en haut des bâtiments, elles sont le plus exposées. C’est selon moi, la plus grande urgence, même si les Japonais ont une relative confiance dans le comportement éventuel de ces piscines en cas de nouveau séisme.
Nous, on ne peut pas en dire plus. On sait juste que Tepco a bien renforcé ces piscines et qu’elles supporteraient une petite secousse. Etant donné l’avancée des travaux réalisés sur le site, les Japonais envisagent l’évacuation des combustibles à l’horizon fin 2013, ce qui est réaliste mais ils ne doivent pas trainer.
Comment qualifieriez-vous la situation aujourd’hui ?
Je dirais qu’elle est stabilisée, qu’elle s’améliore, mais elle demeure encore précaire dans la mesure où nous observons encore des fuites de radioactivité provenant des bâtiments réacteur. Et on a encore ces piscines dont le combustible n’est pas encore vidé. Mais attention, il ne faut pas prendre le terme précaire au sens d’un risque existant. C’est une situation qui ne doit juste pas trainer au niveau des piscines.
Une nouvelle catastrophe est-elle encore possible à Fukushima ?
Au niveau des c?urs, je ne le crois pas. Au niveau des piscines, cela supposerait qu’il y ait un mouvement sismique très violent.
Disposez-vous d’informations régulières et fiables sur la situation ?
Nous disposons d’informations régulières. Fiables, je le suppose, mais on ne peut pas aller plus loin que ce qu’ils veulent bien nous dire. L’information circule, elle est rapide, les Japonais nous la transmettent même parfois avant de l’avoir interprétée.
Il y a eu une intervention française, d’Areva, sur place. Cette collaboration continue-t-elle encore aujourd’hui ?
Areva était effectivement en première ligne dans la mesure où ils ont participé à la mise en place des moyens de traitement des eaux contaminées présentes dans le fond des bâtiments et ils ont encore des relations avec les Japonais sur le sujet. Et à ma connaissance, Areva se propose de participer à certaines étapes du démantèlement, comme le traitement des combustibles.
Une étude récente s’est montrée rassurante sur le faible impact sanitaire de la radioactivité autour de Fukushima, évoquant à termes au maximum une centaine de victimes, qu’en est-il selon vous ? Cela vous parait-il crédible ?
En termes d’effets sur la population, effectivement, les doses n’ont pas été très importantes au-delà du périmètre d’évacuation. Une inconnue demeure encore quant à l’iode dégagée au début de l’accident puisque les valeurs n’étaient pas encore mesurées.
Mais, la plus grande inconnue repose sur les doses absorbées par les travailleurs. Sur ce point, on ne dispose que des informations de Tepco. Il y a quand même près de 20.000 travailleurs qui sont passés dans les installations depuis le mois de mars 2001, ils sont encore 2.000 à 3.000 actuellement sur le site. On dispose de certains chiffres, mais tous les travailleurs étaient-ils tous équipés de dosimètres ?
A ma connaissance, il y a eu 2 ou 3 morts, le plus souvent liés à des explosions. Mais il n’y a pas eu de décès liés à la radioactivité.
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