Michel Thibaudon, directeur du Réseau National de Surveillance Aérobiologique, créé en 1996 pour poursuivre les travaux réalisés depuis 1985 par le Laboratoire d´Aérobiologie de l´Institut Pasteur à Paris. Le RNSA étudie le contenu de l´air en particules biologiques pouvant avoir une incidence sur le risque allergique pour la population et en particulier le contenu de l´air en pollens et en moisissures comme le recueil des données cliniques associées.
Quelle est la situation actuelle sur le front des pollens ?
Cela dépend de la région… Mais, d’une façon globale, on se situe en fin de cycle de graminées. Cela signifie toutefois que les personnes allergiques vont encore souffrir deux à trois semaines, au moins jusqu’au 14 juillet. D »un point de vue géographique, ces pollens vont disparaitre plus rapidement dans le sud où il fait très chaud et où l’on va connaître un peu de sécheresse, que sur la moitié nord de la France où là, ce sera plus long.
La sécheresse a donc une influence négative sur les pollens ?
Oui dans le sens où sous l’effet de la sécheresse, les prairies sont brûlées ou au moins très sèches, et cela met un terme à la pollinisation.
On entend pourtant souvent le fait que la pluie rabat les pollens au sol…
La pluie rabat effectivement les pollens au sol, mais juste quand elle tombe. Parce qu’elle arrose les sols, elle favorise également la pousse et par voie de conséquence la floraison.
Et à part les graminées, quels sont les pollens présents en ce moment ?
Les pollens d’arbres qui sont actuellement présents n’ont pas de caractère allergisants. En Bretagne par exemple, on trouve des pollens de châtaigniers ou encore de tilleuls, dont le caractère allergisant est très faible. On peut donc considérer que lorsque les graminées auront disparu, hormis un quart sud-est (Rhône-Alpes, Auvergne…) qui connaitra l’arrivée de l’ambroisie, l’air redeviendra respirable pour les personnes sensibles.
Quels sont les risques de voir l’ambroisie proliférer ?
L’ambroisie est une plante invasive, c’est à dire qu’un plant d’ambroisie a la capacité de produire 4.000 à 5.000 graines, dont 10% seront viables et demeureront bien ancrées dans la terre durant une bonne dizaine d’années. On a donc un parc semencier extrêmement important.
Il existe également un risque sanitaire lié au pollen de l’ambroisie. Comme les pollens de graminées, le pollen de l’ambroisie dispose d’un potentiel allergisant très élevé, de niveau 5. Il est donc indispensable pour les personnes sensibles de bien prendre leur traitement.
L’allergie à l’ambroisie touche-t-elle uniquement les personnes déjà sensibles aux graminées ?
Non, elle va toucher une classe spécifique. Elle peut en effet toucher les personnes déjà allergiques aux graminées mais également des personnes qui n’étaient pas allergiques jusqu’à présent.
Le sujet est suffisamment important pour bénéficier d’une Journée nationale de lutte contre l’ambroisie (NDLR : le 23 juin) ?
Il s’agit de la déclinaison française des journées internationales de lutte contre l’ambroisie qui se tiennent dans plusieurs pays. L’objectif est de sensibiliser la population. L’ambroisie est quasiment la seule plante sur laquelle on peut encore faire quelque chose. Il est impossible d’arracher tous les bouleaux ou tous les plants de graminées.
En revanche, l’ambroisie est une plante invasive qui n’apporte rien, d’un point de vue économique, agricole ou sanitaire, on peut donc avoir une action pour empêcher sa prolifération. C’était l’objectif de cette journée: informer, savoir reconnaître la plante et savoir lutter contre.
Pour l’heure on ne la trouve que dans le sud ?
Elle se cantonne à une zone située en dessous de la Loire, de Nantes jusqu’à la source, le long de la national 7 de Nevers jusqu’à Montélimar, et dans la vallée de l’Ain et de la Saône. C’est une question de climat, mais elle n’aime également pas la proximité de la mer. On en trouve donc très peu à moins de 100km du bord de mer.
Toutefois, les zones qui sont encore épargnées, le nord du pays, la Bretagne, l’est, sont celles où il y a le plus de travail pour éviter toute invasion. Si le problème est pris très tôt, ce sera efficace.
Faut-il avoir une protection particulière si l’on veut procéder à l’arrachage des plants d’ambroisie ?
En cette saison, pas du tout, sauf peut-être des gants, et ce jusqu’au 15 juillet, avant qu’elle ne commence à fleurir. Après le 15 juillet, il vaut mieux s’équiper d’un masque et d’un chapeau.
D’une façon générale, quelle a été l’influence sur la pollinisation du temps très particulier que l’on a connu en avril, mai et juin ?
Le temps n’a pas été aussi « pourri » que l’on peut l’entendre. Je dirais plutôt qu’il a été chaotique ! On a eu de belles périodes, des périodes chaudes, d’un coup, entrecoupées de périodes très pluvieuses et voire parfois fraiches. Les graminées ont été à peine retardées mais la conséquence est que l’on a des graminées qui se prolongent et qui vont se prolonger, par épisodes. Dès qu’il se met à faire beau on se retrouve avec de grosses quantités. Encore une fois, la seule zone qui est désormais protégée, c’est la zone méditerranéenne.
Quel pourcentage de la population souffre de ses allergies saisonnières ?
L’allergie aux pollens touche entre 16% et 20% de la population. Certains évoquent une augmentation, point sur lequel je reste plutôt dubitatif. On recherche plus et donc on diagnostique plus. A titre d’exemple, la Mutualité Sociale Agricole nous informe qu’il existe de plus en plus d’agriculteurs allergiques.
Or aujourd’hui, un agriculteur qui a le nez qui coule ou qui éternue file chez son médecin alors qu’il y a trente ans, il faisait avec. Ce que certains considèrent comme un accroissement du nombre d’allergiques correspondrait alors qu’à une simple modification des comportements.
La pollution atmosphérique contribue-t-elle à accroitre le nombre de personnes allergiques ?
Elle joue un double rôle. D’abord au niveau de nos bronches. Elle modifie notre réactivité bronchique. Ensuite, au niveau des pollens, elle peut modifier « l’allerginicité » des pollens. Elle nous rend plus réactifs. En revanche, quelqu’un qui n’est pas allergique, qui n’a aucune réaction face aux pollens, ne va pas le devenir à cause de la pollution atmosphérique. Seule la personne déjà allergique réagira un peu plus lorsqu’elle est confrontée à son allergène.
Et s’agissant de l’ambroisie, elle touche quelle part de la population ?
Cela fait trois ans de suite que l’on réalise une étude en collaboration avec l’ARS Rhône-Alpes sur la région et on estime entre 14% et 16% la population sensible à l’ambroisie. Et, cela coûte pas loin de 20 millions d’euros à la région Rhône-Alpes.
C’est nouveau cette mobilisation autour de l’ambroisie ?
Cela fait une trentaine d’années qu’elle est arrivée en France et qu’elle se développe. Au début elle se cantonnait dans le Nivernais, mais avec les travaux routiers, le long de la nationale 7, elle s’est bien installée dans la région lyonnaise. En revanche ce qui est nouveau, c’est qu’on en parle.
Grâce aux capteurs que l’on a installés depuis 25 ans autour de Lyon, on constate que la quantité de pollens d’ambroisie a été multipliée par dix ces vingt dernières années et le nombre de jours à risque par cinq. C’est donc clairement un phénomène qui s’amplifie.
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