La tempête Xynthia n’a pas fait que des victimes mais aussi quelques heureux bénéficiaires. C’est en substance, l’une des conclusions des magistrats de la Cour des comptes qui viennent de publier un rapport très critique qui tire les enseignements des inondations de 2010 sur le littoral atlantique mais aussi dans le Var.
Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, Jean-Pierre Bayle, président de chambre, et Jean-Marie Bertrand, rapporteur général, ont présenté hier leur rapport sur les enseignements des inondations qui ont frappé le 27 février 2010 le littoral atlantique avec la tempête Xynthia, et le 15 juin de la même année, plusieurs communes du Var. Fustigeant une prévention insuffisante et une gestion dispendieuse de ces catastrophes, la Cour et trois chambres régionales des comptes conseillent à l’Etat d’engager « une véritable stratégie nationale face aux risques d’inondation ».
Dans ces deux catastrophes qui ont frappé la France en 2010, 64 personnes ont perdu la vie et 2 ont été portées disparues. Mais si le coût humain a été trop lourd, le coût financier s’est révélé également très élevé. Au total, la Cour des comptes chiffre la facture globale de ces 2 catastrophes à environ 2 milliards d’euros.
Ainsi, les inondations Xynthia ont représenté 457 millions d’euros de dépenses publiques et 690 millions d’indemnités d’assurances. Dans le Var, la catastrophe a occasionné 201 millions de dépenses publiques et 615 millions d’indemnités d’assurances. Sur le montant total de 1,3 millions d’indemnités d’assurances, 640 millions ont été pris en charge par le régime d’assurance des catastrophes naturelles, qui bénéficie de la garantie de l’Etat. Ces sommes importantes contrastent avec la « faiblesse des crédits consacrés avant ces deux catastrophes à l’alerte et à la protection des zones concernées » soulignent les magistrats.
Systèmes d’alerte et de secours peu efficaces
« Les inondations ont touché des territoires vulnérables » note la Cour des comptes, où l’urbanisation a accru les risques. Le rapport évoque « une véritable soif » de construire chez des populations toujours plus nombreuses, un mouvement encouragé par les promoteurs, et soutenu par les élus et insuffisamment maîtrisée par l’Etat alors que d’autres catastrophes similaires avaient déjà frappé ces territoires par le passé qui ont été oubliées, rappellent les magistrats qui constatent « une faible culture du risque ».
Soulignant que l’amélioration des systèmes d’alerte et de secours permet de sauver des vies, avec un coût limité par rapport à leur impact en cas de crise, la Cour des comptes reconnaît cependant que les faiblesses du dispositif de prévision météorologique lors des catastrophes de 2010 ont été « en partie corrigées depuis ». Mais l’alerte aux populations, très insuffisante tant sur le littoral atlantique que dans le Var, peut être encore améliorée. Plusieurs casernes de sapeurs-pompiers ont été inondées et restent à relocaliser remarquent les magistrats.
Des insuffisances persistantes en termes de prévention
La prévention de ces crises passe d’abord par « la fermeté des décideurs publics face aux pressions pour urbaniser les zones à risque ». Avant les inondations, « l’Etat a souvent fait preuve de faiblesse » dans l’établissement des plans de prévention des risques et en réponse aux projets de construction dans les zones inondables affirme la Cour des comptes. Les exemples de La-Faute-sur-Mer, de Fréjus, et de Draguignan, détaillés dans le rapport, en témoignent. La volonté nouvelle exprimée par l’Etat depuis ces crises doit perdurer affirment les magistrats.
Une prévention appropriée exige également une information adéquate sur les risques. Là encore, « de sérieuses défaillances sont apparues », qu’il s’agisse des atlas des zones inondables ou de l’information des acquéreurs et locataires (IAL). Et « certaines subsistent » regrette la Cour des comptes.
Protection défaillante des zones bâties et rachats incohérents
Face à la mer, le « mauvais entretien » des digues et l’absence de gestion des rivières dans le Var ont entrainé de lourdes conséquences à l’image des digues de Charron (17) et de La Faute-sur-Mer (85). La question majeure de la gouvernance des digues, posée de longue date, n’est toujours pas réglée affirme le rapport.
Mais l’après crise est également épinglée par les magistrats. La politique de rachats de maisons sur la côte atlantique a été très coûteuse, à hauteur de 316 millions, et révèle « de nombreuses incohérences ». Les analyses faites par exemple sur la zone des Boucholeurs (17) ou pour les rachats de certains commerces en constituent des illustrations affirme le rapport. Le montant des maisons rachetées mais situées hors zone d’expropriation s’élève à 84 millions.
A la lumière de ces événements, « la politique de protection des zones les plus dangereuses sur le littoral français reste à préciser » affirme la Cour des comptes, même si des efforts ont toutefois été entrepris à l’échelon national, notamment avec l’élaboration du plan submersions rapides (PSR) rendu public en février 2011. La Cour et les chambres régionales des comptes soulignent « la nécessité de définir une stratégie nationale face aux risques d’inondation, en particulier dans les territoires à risque important ».
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