Pierre MARHIC, président de l’ANVVEN, association nationale des vétérans victimes des essais nucléaires qui tente d’obtenir une reconnaissance globale et générale du service rendu et parvenir à une indemnisation pour les milliers de militaires exposés. Réagissant à l’étude publiée par l’Inserm qui établit un lien « vraisemblable » entre ces essais et la survenue de certains cancers, l’ancien militaire malade notamment d’un lymphome demande au gouvernement d’amender rapidement la loi Morin.
Florent de Vathaire, chercheur à l’Inserm vient de confier au Parisien avoir établi un lien « vraisemblable » entre les essais nucléaires français réalisés au Sahara et dans le Pacifique, et le déclenchement de certains cancers. Cette étude est-elle une avancée pour votre combat ?
Oui, même si cette étude ne me paraît pas capitale. C’est mieux que rien mais ce faisceau de preuves reste insuffisant pour établir un vrai lien de causalité entre les essais nucléaires et les cancers qui frappent les militaires vétérans, un problème auquel nous sommes confrontés depuis 30 ans.
Depuis le début de votre combat il y a une trentaine d’années, avez-vous le sentiment que les choses ont peu évolué ?
Je trouve que cela n’avance pas beaucoup. Il y a d’un côté l’aspect pénal, qui pourrait faire condamner l’Etat dans 3, 5, 10 ans voire plus. Il y a des procédures qui ont été engagés par les militaires pour obtenir une pension. Il existe le tribunal des pensions militaires d’invalidité, qui est une juridiction d’exception pour les militaires dont les cancers ne sont pas reconnus dans la loi Morin, comme les cancers de la prostate ou des testicules. Les plaignants doivent apporter la preuve du lien direct et certain entre leur pathologie et le service rendu sur les sites d’essais nucléaires, autant dire mission impossible.
J’ai saisi le Médiateur de la République, l’excellent Jean-Paul Delevoye, qui a reconnu qu’il y avait effectivement un problème, les militaires se retrouvant dans une quasi impossibilité de faire la preuve de ce lien de causalité. Il a écrit aux 3 ministres concernés dont celui de la Défense pour leur demander de modifier le code des pensions et assouplir la charge de la preuve.
Qu’a changé la loi Morin ?
La loi Morin votée le 12 janvier 2010 a reconnu 21 cancers radio-induits en France, ouvrant droit en principe, à une reconnaissance et une indemnisation. Cette loi a mis en place une procédure administrative via le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), en charge d’instruire les dossiers, d’expertiser et de rendre des recommandations.
C’est un processus qui est toujours en cours ?
A la date du 29 juin, le CIVEN avait examiné 549 dossiers pour attribuer seulement 4 indemnités minables, soit un taux de rejet de 99,3%.
Pourquoi ce comité rejette autant de dossiers ?
Le piège de cette loi Morin réside dans l’article 4. Nous nous battons depuis 3 ans pour modifier cet article. Trahisant la volonté d’Hervé Morin qui voulait renverser la charge de la preuve, les parlementaires de droite ont torpillé cette loi.
Je demande aujourd’hui à la gauche de tenir ses engagements qui n’a pas voulu voter en son temps la loi Morin, et notamment à Jean-Yves Le Drian, l’actuel ministre de la Défense, Christine Taubira et Marylise Lebranchu de faire le nécessaire avant Noël pour corriger cet article 4 par un amendement.
Quels sont les principaux impacts sanitaires qui touchent les vétérans de ces essais nucléaires ?
Nous souffrons de beaucoup de pathologies, comme les cancers du poumon, du foie, du colon, des glandes salivaires, de l’oesophage, bref des cancers généraux. C’est d’ailleurs ce qu’on nous reproche en arguant que rien ne dit que ces cancers sont la conséquence des essais.
Existe-t-il des études épidémiologiques précises sur les vétérans de ces essais nucléaires ?
Il n’existe pas d’étude générale sur ce problème. Une étude de mortalité menée par des chercheurs de Pau a révélé que les vétérans mourraient plus que la population générale de certaines pathologies comme les lymphomes. Une étude de morbidité sur les personnes malades est actuellement menée par une équipe du Morbihan qui devrait livrer ses résultats à l’automne.
Combien de vétérans sont susceptibles d’avoir été victimes de ces essais nucléaires ?
Au total, on cite le chiffre de 150 000 vétérans qui pourraient être concernés. De façon certaine, les victimes réelles se comptent par milliers.
Quelles étaient les mesures de protection prises à l’époque lors de ces essais ?
Pratiquement aucune. A titre d’exemple, sur les bateaux autour des atolls, le personnel de bord était confiné à l’intérieur au moment des tirs, avec une ventilation en sourdine. Mais une heure après, tout le monde était dehors à seulement 80 km des bombes qui sautaient comme des pétards.
On tournait autour en envoyant des avions qui prenaient notamment des photos et revenaient contaminés sur les bateaux, qui étaient nettoyés ensuite au balai brosse et à la mousse qui se retrouvait sur les matelots. Sur les atolls, les militaires étaient en short et chemisettes à l’air libre quelques heures seulement après les tirs.
Pour en savoir + : http://www.anvven.net/LE_menu.html
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