Dr Dominique-Michel Courtois, président de l’Association d’aide aux Victimes de l’Isoméride et du Mediator (Avim). Représentant les victimes du médicament des Laboratoires Servier, le chirurgien bordelais réagit à la faiblesse des indemnisations actuelles par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam).
La presse vient de révéler qu’une grande majorité des dossiers de demandes d’indemnisation des victimes du Mediator a été refusée. Comment expliquez-vous cette situation ?
Sur tous les dossiers qui ont été présentés à l’Oniam, il y a environ 86% des dossiers pour lesquels les propositions ont été rejetées. Mais, personnellement, les dossiers présentés via mon association sont moins concernés puisque que nous n’envoyons que les dossiers qui ont déjà été étudiés par un médecin expert. Ce sont donc des dossiers pour lesquels la notion de lien de causalité entre le Médiator et les pathologies a déjà été établie.
Mais, il est vrai que pour les autres dossiers, il existe des problèmes. Suite à la mise en place du fond d’indemnisations des victimes du Mediator, des dossiers ont été présentés par des associations, mais aussi par des individus à titre personnel alors même qu’il n’y a aucun lien entre leurs pathologies et la prise de Mediator. Les personnes victimes d’infarctus, de pose de stents, d’hémiplégie, d’AVC, ont cru pouvoir bénéficier d’une indemnisation, compte tenu du manque de clarté du message. Tout le monde a pensé que si on avait pris du Mediator et qu’on était malade, de n’importe quoi, on allait être indemnisé.
Donc, au final, sur les 86% de rejets, je pense qu’il y a au moins 60% de dossiers qui, de toute manière, n’auraient jamais du être présentés à l’Oniam.
Quels sont justement les critères retenus pour obtenir une indemnisation ?
Lors du comité de suivi des victimes du Mediator, il avait été décidé qu’une prise de Mediator depuis 3 mois avec une atteinte d’une valve cardiaque sans raison particulière, sans antécédent, ouvrirait un droit à indemnisation. Le doute devait par ailleurs bénéficié à la victime.
Or depuis quelques temps, le collège d’experts exige des critères complètement différents. Il ne faut pas avoir eu d’angine dans l’enfance, il ne faut pas avoir pris de médicaments anti-migraineux, il faut, au moment de la prise du Mediator, apporter la preuve que vous ne souffriez pas d’atteintes vasculaires… Quand vous avez pris du Mediator en 1976 ou 1980, si vous alliez bien, on ne vous a pas fait de bilan avant ! Apporter 20 ans après, la preuve par écrit, que vous étiez en bonne santé quand vous avez pris du Mediator, ça me paraît très aléatoire.
Par ailleurs, ils partent également du principe que quand vous avez plus de 60 ou 65 ans, et bien vous êtes vieux, et donc vous auriez peut-être eu aussi une atteinte des valves cardiaques même sans Mediator.
Pourquoi ces critères ont-ils changé en cours de route ?
Sur ce point, je suis d’accord avec Irène Frachon. Je pense que c’est parce que le collège d’experts regroupe un médecin représentant Servier en son sein. Par ailleurs, des avocats exercent des pressions quasi journalières sur ce collège d’experts et donc, je pense qu’il est très frileux et très restrictif. J’émets donc quelques doutes sur l’efficacité de ce collège d’experts par rapport aux victimes du Mediator.
Par ailleurs, Servier refuse d’indemniser, et c’est donc le gouvernement qui doit faire l’avance. Est-ce que le gouvernement a les moyens d’assumer ce qui avait été décidé avant les grandes vacances, je ne le sais pas non plus.
Quelle va être la suite pour les victimes laissées de côté. Existe-t-il un recours ?
Nous allons bien évidemment faire appel de toutes les décisions que l’on fait systématiquement étudier par Irène Franchon et d’autres médecins experts. Nous sommes dans tous les cas très sereins. Ce n’est qu’un épiphénomène, il ne faut pas s’en inquiéter outre-mesure.
Vous vous sentez soutenu par le nouveau gouvernement dans votre combat ?
Nous sommes trois associations à avoir écrit à Marisol Touraine (ministre de la Santé, NDLR) il y a plus d’un mois, et on attend toujours un accusé de réception. Nous n’avons toujours aucune nouvelle de notre demande d’audience. On reste alors très circonspect sur la volonté du ministère actuel de faire avancer le dossier.
D’autant que nous avions auparavant trouvé en Xavier Bertrand, quelqu’un qui pouvait faire face aux lobbys des laboratoires, et Servier en particulier, et qui avait mené à bien, pour la première fois en France, la mise en place d’un fond d’indemnisations en trois mois.
Quelle est la suite aujourd’hui ?
Nous, associations de victimes, nous allons continuer de contester les rapports, qui parfois deviennent bons uniquement parce qu’ils ont été contestés par Irène Frachon, ou par des cardiologues compétents. Et pour les autres, on ira devant la Cour d’appel.
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