Jean-Claude Guillaneau, directeur de la Direction Géoressources du Bureau de Recherches Géologiques et Minières fait écho à la volonté d’Arnaud Montebourg de relancer l’activité minière en France. Le directeur des Géoressources du BRGM estime que l’hexagone dispose de ressources significatives qui pourraient être exploitées, pour certaines relativement rapidement.
Arnaud Montebourg vient d’affirmer que la France doit redevenir un pays minier, est-ce possible ?
Nous disposons d’un inventaire que nous avons réalisé dans les années 80, mais il ne couvre qu’environ 20% du territoire et a été réalisé avec les technologies de l’époque bien entendu. On ne connaît donc pas précisément l’ensemble des ressources du territoire.
Mais il est possible d’exploiter un certain nombre de mines sur le territoire relativement rapidement sur d’anciens sites existants. Ces exploitations pourraient se révéler intéressantes car les cours de certains métaux précieux ont progressé, et les technologies ont par ailleurs évolué.
Vous pensez à quoi ?
C’est le cas par exemple du tungstène, de l’antimoine, du cuivre, de l’or, ou encore des gisements de plomb et de zinc éventuellement avec du germanium. On connait les sites et leurs réserves respectives, ce qui permettrait de déclencher des investigations plus poussées de la part d’entrepreneurs si le contexte s’y prête.
Où se situent ces réserves ?
Ces gisements sont concentrés en priorité dans ce qu’on appelle les socles, c’est à dire le Massif Armoricain, le Massif Central, et les Pyrénées, mais pas seulement. La dernière mine en activité se situait par exemple dans la Sarthe.
Est-ce que l’exploitation de ces mines dans l’hexagone serait rentable ?
Absolument. Les volumes seraient suffisants pour couvrir l’investissement nécessaire, les recherches préalables mais aussi la remise en état des sites.
Existe-t-il des mines encore en activité en France et si oui combien ?
Non, il n’y a plus d’activité significative en mines métalliques dans l’hexagone. Il en existe en Nouvelle-Calédonie qui exploite notamment le nickel et certaines plus artisanales en Guyane. (NDLR : Après vérification il reste encore aujourd’hui une mine de bauxite exploitée dans le département de l’Hérault (34) et une exploitation d’oxyde de tantale dans une carrière dans l’Allier (03)).
Comment détermine-t-on précisément l’existence de ces ressources ?
Le premier procédé est la géophysique aéroportée. Elle utilise des avions ou des hélicoptères qui survolent l’ensemble d’un territoire, comme cela a été le cas dans certains pays africains, au Canada ou en Finlande par exemple. Cela permet d’identifier ce qu’on appelle des anomalies, c’est-à-dire des zones à fortes concentrations en métaux. Après avoir identifié ces anomalies et leurs volumes, on va sur le terrain pour réaliser des prélèvements afin d’obtenir des échantillonnages minéralogiques, géochimiques, etc.
Quand on se retrouve en présence d’une zone intéressante, et qu’on remplit toutes les conditions, on peut passer à une seconde étape. Il s’agit à ce stade de réaliser des forages d’exploration afin d’identifier en profondeur la réalité de cette ressource.
Tout cela est un processus assez long…
Oui, c’est pour cette raison que l’exploitation des sites déjà existants pourrait se déclencher plus rapidement. Il s’agirait en l’espèce de mines déjà étudiées, pour lesquelles on connait précisément la nature des réserves et qui pourraient permettre de lancer une exploitation.
Nous pourrions reprendre l’inventaire de manière graduelle. Il s’agirait tout d’abord de reprendre les données relevées dans les années 80, dont on a conservé les échantillons. Nous pourrions aller rechercher des terres rares, ou du germanium, utilisé notamment pour les fibres optiques et l’industrie photovoltaïque, des métaux qui n’avaient pas été étudiés à l’époque. Par ailleurs, nous pourrions rechercher en France des signatures proches de celles que l’on trouve à l’international pour identifier des zones potentiellement riches de ces nouveaux métaux.
Exploitation minière et respect de l’environnement sont-ils compatibles ?
Oui, tout à fait mais il faut être vigilant de A à Z. La France a décroché depuis 30 ans dans ce domaine, mais de nombreuses mines rouvrent en Grande-Bretagne, en Irlande, en Finlande, en Suède, en Espagne, et des projets existent en Allemagne. Nous travaillons sur un démonstrateur de mine responsable, qui vise à comparer les expériences internationales pour s’inspirer des bonnes pratiques mises en place notamment en Australie ou en Finlande du type Green mining. L’idée est de définir un cahier des charges d’une mine responsable et d’ensuite faire un appel à manifestations d’intérêt pour encourager des projets industriels rentables et encadrés par les pouvoirs publics, en toute transparence.
Certaines bonnes pratiques sont-elles reconnues officiellement sur le plan international ?
Non, il n’existe pas de règlement international dans ce domaine. Des associations internationales s’intéressent à la question et des initiatives existent notamment au Canada avec un document sur l’exploration responsable par exemple. En fait, 80% des impacts d’une mine sont ceux de toute industrie, les 20% restants étant véritablement liés aux ouvrages souterrains qui dépendent d’ailleurs du métal recherché avec des volumes et des procédés de traitement très différents.
Est-ce que le BRGM a un rôle à jouer dans le débat très sensible sur le gaz de schiste ?
L’appui au MEDDE concerne le démonstrateur de mine responsable et non pas les gaz de schiste. Pour l’instant, nous n’avons aucune sollicitation à ce sujet sur le territoire.
En tant que scientifiques, nous considérons qu’il serait intéressant de connaître la ressource, ce qui n’est pas le cas. Les estimations dont nous disposons actuellement sont américaines, comme celles d’ailleurs réalisées en Pologne. Lorsque les Polonais ont commencé à regarder la réalité de ces ressources, ils en ont trouvé cinq fois moins.
Mais le contexte actuel est devenu tellement tendu que faire seulement un forage de recherche devient totalement impossible. Je pense qu’il faut laisser du temps au temps sur le sujet.
Le ministre du Redressement productif a regretté qu’aucun groupe français de référence ne soit présent dans les activités minières, c’est la réalité et si oui comment l’expliquez-vous ?
Arnaud Montebourg a parlé de groupes polyvalents. Nous disposons d’une industrie paraminière française performante. Un groupe français comme Imerys par exemple, exploite la plus grande mine de talc d’Europe dans les Pyrénées et est le n°1 mondial dans les minéraux industriels. Il y a bien sur Lafarge dans le ciment.
Dans le domaine de la mine métallique, la France compte deux grands groupes avec Areva, uniquement focalisé aujourd’hui sur l’uranium, et Eramet, qui produit du nickel essentiellement en Nouvelle-Calédonie et du manganèse principalement au Gabon, mais qui est présent sur d’autres métaux comme le lithium par exemple.
S’agissant des métaux rares, qui est représente aujourd’hui un enjeu géo-stratégique majeur dans la compétition internationale, la France est-elle présente ?
La société Rhodia est présente dans la séparation des terres rares par exemple, avec une usine en pointe sur cette activité à La Rochelle. Grâce à cette compétence, la filiale du groupe Solvay manipule environ 20% des terres rares du monde.
La France dispose-t-elle de terres rares ?
Actuellement, la France ne produit pas de terres rares. Nous ne disposons pas d’inventaire en la matière même si nous savons qu’il existe des teneurs intéressantes en lithium par exemple sur certains sites. La France dispose d’un certain potentiel en matière de terres rares.
Où se situeraient ces ressources ?
On sait qu’il y a du lithium plutôt dans la partie centrale de l’hexagone. Par ailleurs, nous pensons qu’il y a des terres rares avec des volumes significatifs en Bretagne et dans le Jura. Et il peut en avoir autre part.
Un nouveau code minier devrait voir le jour dans les prochains mois, quels sont les réformes souhaitables selon vous ?
Les changements attendus devraient concerner en priorité la communication avec le public, sur les enquêtes ou les études d’impact. Un certain nombre d’étapes dans le code actuel échappe à cette transparence nécessaire, en termes d’information et de consultation, même si le code avait déjà évolué notamment pour la géothermie.
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