Dr Jean-Paul Hamon, médecin généraliste et président de la Fédération des Médecins de France. Le représentant de la FMF réagit à la polémique sur les pilules de 3ème génération qui inquiètent des milliers de femmes et annonce le dépôt d’une plainte contre l’Agence des médicaments.
La fédération que vous présidez envisage de déposer une plainte à l’encontre de l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments, pourquoi s’en prendre à l’ANSM ?
Il y a eu une communication désastreuse du directeur l’ANSM dans le dossier des pilules de troisième génération. Il nous dit que cette pilule est dangereuse et annonce que l’on va supprimer sa prescription par les médecins généralistes. Cela appelle deux remarques.
La première est que le directeur de l’ANSM ignore qui prescrit cette pilule. Les statistiques récentes montrent que ces pilules de troisième génération sont prescrites à 70% par des gynécologues. Cela n’est pas étonnant, étant donné qu’il s’agit d’une pilule de seconde intention. Méconnaitre ces prescriptions lorsque l’on annonce une telle mesure me semble un peu désolant pour un directeur d’agence.
Indépendamment de cela, la décision ministérielle de dérembourser ces pilules, montre que le souci de l’ANSM et du ministère est de protéger leur administration plutôt que les patientes. Qu’est-il en train de se passer ? On a affolé la population et ensuite on désigne les médecins comme responsables de ces prescriptions. Les pouvoirs publics prennent des mesures incohérentes puisque, si le médicament est dangereux, on doit le retirer du marché. On laisse donc les médecins tous seuls pour faire face à cette inquiétude alors ce sont des choses qui sont connues depuis 10 ans, aussi bien de l’ANSM que du ministère de la Santé.
Quels sont les risques inhérents à la prise de cette pilule de troisième génération ?
Il existe un réel problème de santé publique et la contraception est une chose sérieuse. La pilule de seconde génération fait courir un risque trombo-embolique dans des proportions de 20 pour 100.000. Les pilules de troisième génération double cette proportion la faisant passer à 40 cas sur 100.000. Mais, en cas de grossesse, ce risque trombo-embolique passe à 60 cas sur 100.000. Il est donc supérieur lors d’une grossesse que lors de la prise d’une pilule, même de troisième génération.
Alors quand on veut affoler tout le monde, on dit que le risque trombo-embolique est deux fois plus important avec ces pilules de troisième génération, mais il aurait mieux valu faire une vraie campagne d’information. Seulement, la plainte d’une femme victime d’un AVC a fait sortir le directeur de l’ANSM du bois.
Il aura donc fallu cette plainte pour que l’affaire sorte, alors même que ce risque était connu depuis de nombreuses années ?
Bien évidemment ! C’est insupportable et c’est pour cela que l’on se décide à déposer cette plainte. Les agences ne sont pas créées pour se protéger elles-mêmes. Elles sont créées pour informer les patients des risques médicamenteux.
Mais, c’est très bien que cette polémique arrive sur le devant de la scène. Les femmes prendront notamment conscience que la contraception n’est pas quelque chose que l’on réclame en passant à son médecin, mais qui nécessite une vraie consultation. Il aurait été souhaitable de prévenir ces femmes que ce risque trombo-embolique n’existe que dans la première année de prise de cette pillule.
On assiste à l’ouverture de parapluie sur parapluie par les autorités, laissant les médecins en première ligne. Soit on autorise des médicaments en précisant que, comme tout médicament, ils comportent un risque, soit on les interdit mais on ne peut pas se contenter de les dérembourser. C’est une demi-mesure hypocrite qui ne sert qu’à protéger l’administration.
On ne délivre jamais ce type de pilule sans avoir au préalable, interrogé la femme, au cours d’une consultation, sur ses antécédents trombo-embollique familiaux. S’il existe des cas de phlébite, on vérifie alors par des examens complémentaires. Généralistes et gynécolgues sont alors parfaitement compétents pour prescrire cette pilule en seconde intention.
On ne prescrit donc ces pilules qu’en seconde intention, c’est-à-dire à des femmes ayant déjà pris une autre pilule au préalable ?
On ne débute jamais une contraception par une pilule de troisième génération. On doit toujours débuter par une seconde génération. Et c’est seulement si cette pilule de seconde génération n’est pas supportée, que l’on change. Personnellement, les femmes que je surveille en gynécologie, prennent très majoritairement des pilules de seconde génération.
Finalement au regard de ce risque, qu’est-ce qu’elles apportent de plus ces pilules de troisième génération ?
Elles s’adressent aux femmes qui prennent du poids, ou qui ont de l’acné, ou qui plus généralement ne supportent pas leur pilule de seconde génération. Mais elles sont toutefois très prescrites.
Trop ?
A mon avis, il n’y a pas autant de femmes qui supportent si mal que ça leur pilule de seconde génération. Il s’agit peut-être plus d’un souci de modernité mal placée !
Cette polémique ne risque-t-elle pas d’augmenter le nombre d’IVG en France, comme en Grande-Bretagne ?
C’est aussi pour cela que l’on est énervé. Il y a effectivement l’angoisse des patientes, la responsabilité accrue des médecins qui prescrivent, mais il y a aussi le risque d’un arrêt brutal de la pilule, sans conseil de son médecin, et donc d’une exposition à une grossesse non désirée. Il faut rappeler qu’un tiers des grossesses ne sont pas désirées en France aujourd’hui.
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