Roland Vially, géologue à l’Intitut Français du Pétrole et Energies Nouvelles, chef de projet Évaluation des ressources et des réserves au sein de l’IFPEN, revient sur le récent plaidoyer d’Arnaud Montebourg sur le gaz de houille, précisant la nature et le potentiel de cette énergie, bien connue par les mineurs sous le nom de grisou.
Le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg vient de vanter les mérites du gaz de houille, de quoi s’agit-il ?
Le gaz de houille, c’est du méthane donc un gaz naturel, qui est absorbé sous le charbon. C’est à dire que chimiquement, le méthane se trouve en connection avec le charbon. Quand on pratique l’exploitation du charbon, on diminue la pression et ce méthane se répand dans l’atmopshère. C’est le fameux coup de grisou tant redouté par les mineurs, parce que ce méthane qui arrivait dans l’air pouvait alors provoquer des explosions.
Actuellement, on sait produire ce méthane. Soit dans des mines abandonnées, en faisant circuler de l’air et en récupérant le gaz de façon tout à fait naturel au sortir de la mine. Soit en faisant des puits, en provoquant une dépressuration. On pompe un peu d’eau pour provoquer une chute de pression et on produit ce méthane tout à fait naturellement par un puits. C’est ce qu’on appelle le gaz de houille, en anglais le coal bed methane, en français, le grisou.
On le retrouve à quelles profondeurs ?
Dès qu’on a du charbon. Il n’y a pas de profondeur minimale. Dès lors qu’il y a charbon, on a du méthane qui y est associé. Dans les faits, on le retrouve à toutes les profondeurs en France. Très anciens, les bassins charbonniers français ont subi d’importants impacts tectoniques il y a plus de 300 millions d’années, qui les ont porté à de très grandes profondeurs, ce qui leur a donné cet important pouvoir calorifique, mais d’autres phases tectoniques les ont remonté à différentes profondeurs.
A-t-on une idée précise des ressources en France ?
Il faut d’abord définir ce qu’est une ressource. Quand un géologue va vous parler de ressource de gaz de houille, c’est tout le gaz de houille contenu dans le charbon. On va donc essayer de volumétrer le charbon qu’il reste dans le bassin sédimentaire pour connaître la teneur en méthane de ces charbons et pour faire le calcul du volume total. On obtient alors de très gros chiffres.
Il ne faut pas confondre ressource et réserve. On ne va pas pouvoir produire 100% de cette ressource, quand bien même cette estimation serait vrai. On va pouvoir techniquement en récupérer une petite partie. Il faut également faire entrer en ligne de compte l’aspect économique. Ce n’est pas parce qu’on va pouvoir techniquement produire du méthane que c’est économique intéressant de le faire.
Pour le moment, on sait donc que l’on a une grosse ressource de méthane dans les charbons, il va falloir tester, grâce à des puits d’exploration la faisabilité technique, ensuite la faisabilité économique, et c’est alors au cas par cas que les explorateurs titulaires d’un permis décideront de produire ou non.
Même si vous ne voulez pas avancer de chiffres précis, pouvez-vous donner une fourchette de ces grosses ressources ?
Ce qui a été publié par European Gas Limited, qui a des permis dans le bassin lorrain, c’est de l’ordre de 370 milliards de m3. A titre de comparaison, la consommation annuelle française de méthane est de l’ordre de 40 milliards de m3. Mais attention, il faut bien rappeler que l’on parle de ressources d’un côté et de consommation de l’autre. Il est parfaitement prématuré d’affirmer aujourd’hui que cela représente 9 ans de consommation. Ce qu’on produira sera forcément moins important que la ressource du gaz en place.
Cette production existe à l’étranger et notamment aux Etats-Unis, on parle de quel volume extrait ?
Le volume extrait est particulièrement important aux USA. La production y est de l’ordre de 50 milliards de m3 par an ce qui représente 10 à 15% de la production américaine, sachant que la production américaine est la première mondiale. Les volumes de coal bed methane sont donc particulièrement important.
D’autres pays comme l’Australie, en produisent également beaucoup. Mais on en produit en France aussi un tout petit peu, mais avec une technique un peu différente. On n’utilise pas de puits d’exploration pétrolier, mais en faisant circuler de l’air dans d’anciennes mines et notamment dans le bassin du Nord-Pas-de-Calais. On produit ainsi 40 millions de m3 par an.
Qu’en est-il de l’impact environnemental de cette production, notamment si on la compare à celle si controversée du gaz de schiste ?
Concrètement, le charbon a la particularité de se fracturer très facilement. Lors des forages, on récoupe des centaines de fractures déjà existantes ce qui permet naturellement de produire le gaz contenu dans le charbon. Il n’est pas nécessaire de pratiquer de fracturation hydraulique pour arriver à des productions commercialement intéressantes.
Techniquement, l’exploitation pourrait donc être très rapide ?
Très rapidement, n’exagerons pas. C’est quand même une exploitation de type gazier avec toute une phase d’exploration à faire. Il faut valider les ressources, et s’assurer que ça soit faisable techniquement et rentable économiquement. Et cela devrait prendre quelques années, 2 à 3 ans. Ensuite il faudra réaliser les centaines de puits qui produiront le gaz.
Quelles sont les régions françaises les plus prometteuses ?
En gros, les grands bassins charbonniers français, la Lorraine et le Nord-Pas-de-Calais. On connait la ressource en charbon, et on sait également qu’il contient beaucoup de méthane. C’est d’ailleurs ce gaz qui est à l’origine de terribles catastrophes comme en celle de Courrières en 1906, qui a provoqué la mort de 1099 mineurs à la suite d’un coup de grisou.
Va-t-on exploiter rapidement ce gaz en houille en France ?
Je ne peux pas parler au nom du gouvernement. Il y a des permis d’exploration qui ont été accordés à European Gas Limited qui doit faire une estimation de la ressource.
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