Inquiet par l’effort financier croissant qu’il va falloir consentir pour atteindre « des objectifs plus ambitieux que de nombreux pays européens » comme celui des 23% d’électricité consommée issue des énergies renouvelables d’ici 2020, la Cour des comptes recommande de redéfinir « des choix de long terme soutenables ».
« L’atteinte des objectifs fixés pour 2020 et au-delà aura un coût élevé pour la collectivité, et conduit à s’interroger sur leur soutenabilité » affirme la Cour des comptes dans un rapport publié aujourd’hui sur la politique de développement des énergies renouvelables. L’ensemble des coûts publics de la politique de soutien aux énergies renouvelables peut être globalement estimé à 14,3 milliards d’euros pour la période 2005-2011, estime le rapport, dont 3,3 milliards au titre de la contribution au service public de l’électricité (CSPE).
Sans bouleversement de la politique de soutien menée jusqu’à présent, et en ne prenant en compte que la seule CSPE, le coût pourrait atteindre 40,5 milliards d’euros pour la période 2012-2020, directement supportés par les consommateurs d’électricité, particuliers ou professionnels, estiment les sages. S’y ajouteront les dépenses fiscales, les autres aides budgétaires à l’investissement et le financement public de la recherche. Parallèlement, le coût de l’adaptation des réseaux est estimé par ERDF et RTE à 5,5 milliards à l’horizon 2020.
Des arbitrages s’imposent
« L’interrogation sur la soutenabilité est d’autant plus importante que les contreparties attendues du soutien financier apporté aux filières renouvelables ne sont pas au rendez-vous, tant en termes de développement industriels que de créations d’emplois » souligne le rapport. Afin de préserver les atouts énergétiques français tout en soutenant le développement des énergies renouvelables, « des arbitrages s’imposent » affirment les sages.
La Cour recommande de faire des choix entre les filières à soutenir, notamment en fonction du coût relatif de leur soutien au regard de leur contribution au mix énergétique. L’efficience des dispositifs de soutien (tarifs d’achat, appels d’offres, aides à l’investissement) doit également être un critère de choix estime le rapport qui précise que la soutenabilité à long terme de la politique requiert aussi une valorisation réaliste du coût des émissions de CO2, soit par les mécanismes du marché, soit par la fiscalité.
Globalement, les sages constatent que les coûts de production de la plupart des énergies renouvelables, qui varient dans des proportions très importantes entre les filières et au sein même des filières, sont encore aujourd’hui « trop élevés pour assurer leur déploiement sans un soutien public ». Plus précisément, le rapport note que « l’énergie solaire est, globalement, très largement plus coûteuse que les autres sources d’énergie » avec, en outre, un large éventail de coûts de production.
L?énergie solaire très coûteuse à la différence de la biomasse ou de la géotherrmie
De son côté, la filière éolienne terrestre se situe dans une position intermédiaire souvent « très proche de la rentabilité », ce qui en fait « une énergie sur le point d’être compétitive ». Par ailleurs, la Cour souligne que les coûts de production d’énergie à partir de la biomasse, de la géothermie ou de la puissance hydraulique sont globalement les moins élevés.
L’État met en ?uvre de multiples moyens de soutien, souvent complexes : aides à l’investissement, achat de la production à prix garantis, mesures fiscales ou encore financement de programmes de recherche, rappelle le rapport. La Cour regrette un dispositif d’aide « insuffisamment organisé » et « dispersant ses efforts » en « n’évaluant pas suffisamment les effets socio-économiques de ses décisions » en particulier en matière d’emploi et d’impact sur la balance extérieure.
Le rapport précise également que « le cadre juridique ne facilite pas l’association des collectivités locales ». Par ailleurs, « l’acceptabilité sociale des énergies renouvelables, leurs contraintes physiques, voire les conflits d’usage (notamment en ce qui concerne les cours d’eau et l’usage de la biomasse), posent des problèmes difficiles à surmonter » s’inquiète la Cour.
« Réserver les moyens de soutien aux installations les plus efficientes »
Devant cette impasse, la Cour formule 8 recommandations. Elle propose notamment la mise en palce d’un « dispositif centralisé du suivi statistique » permettant de donner toute la visibilité requise pour éclairer les décisions, notamment en matière de connaissance des coûts de production par filière, des emplois et des marchés. Le rapport préconise également de simplifier le régime juridique applicable à la production d’énergies renouvelables (géothermie, éolien terrestre).
La Cour des comptes recommande également de mettre en ?uvre une planification et une cartographie des énergies renouvelables en tenant compte des contraintes de raccordement aux réseaux électriques et globalement d’arbitrer entre les différentes filières pour « réserver les moyens de soutien aux installations les plus efficientes compte tenu de leur coût, de leur part dans la production énergétique et de leur contenu en emplois ».
Enfin, le rapport conseille de revoir le principe du financement par le seul consommateur d’électricité des charges de soutien aux énergies renouvelables électriques, compensées par la CSPE, une recommandation déjà formulée par la Cour en 2011.
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