Marcel Kuntz, biologiste, directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire de Physiologie Cellulaire Végétale et enseignant à l’Université Joseph Fourier de Grenoble. Alors que le gouvernement vient de confirmer sa volonté de poursuivre le moratoire sur les OGM, malgré la décision du Conseil d’Etat, l’expert en biotechnologie réagit à la fin de la recherche française en plein champ annoncée récemment par l’Inra.
Quelle est votre réaction après l’annonce par l’Inra de l’arrêt de la dernière expérimentation d’OGM en plein champs en France ?
C’est un signal assez déplorable. Il n’y a plus de possibilité de faire de la recherche OGM en France. Si on ne peut plus faire d’essais aux champs, on ne peut pas développer de nouvelles variétés résistantes à la sécheresse par exemple, qu’il s’agisse d’une société privée ou un laboratoire public.
On se prive de l’innovation génétique en général car cela dépasse les OGM qui sont souvent utilisés pour vérifier un concept. La variété développée au final ne sera peut-être pas OGM mais elle aura profité en amont de cette recherche variétale.
A quoi servent exactement ces expérimentations en plein champ ?
On comprend de mieux en mieux à quoi servent les gênes. Ces expérimentations peuvent servir évidemment à développer de nouvelles variétés de plantes à usage agricole ou industriel, pour produire de nouveaux médicaments par exemple. Il s’agit de mieux connaissance les propriétés génomiques des plantes pour développer des variétés de plantes résistantes à la sécheresse, aux insectes, ou d’augmenter les rendements.
Ces expérimentations peuvent apporter des réponses aux défis de l’agriculture mondiale d’aujourd’hui et de demain, dans le cadre d’un développement durable et soutenable de la production, en réduisant son impact sur l’environnement, en consommation par exemple moins d’eau ou moins de produits chimiques.
En se privant de ces recherches, la France se prive d’acquis scientifiques dans le domaine des génomes, qui peuvent être extrêmement intéressants, c’est très dommage. Les autres pays avancent en la matière et nous serons contraints d’importer leurs produits.
Est-ce que cette recherche peut se faire uniquement en laboratoire ?
Elle commence en laboratoire. Personnellement, je travaille sur des connaissances de mécanismes fondamentaux extrêmement en amont. Je suis très loin de l’application concrète dans des variétés agricoles.
J’ai travaillé sur des plantes résistantes à la sécheresse en laboratoire, ce qui est assez facile à réaliser. Mais il est beaucoup difficile d’obtenir les mêmes résultats aux champs, soumis à de nombreux paramètres comme le soleil ou la chaleur.
Est-ce que vous comprenez la peur des écologistes mais plus globalement de l’opinion publique vis-à-vis des OGM ?
Toute cette histoire a commencé avec un petit groupe de personnes qui se sont opposés à la mondialisation. Ces altermondialistes sont contre l’économie mondialisée, et notamment l’intégration de cette agriculture dans cette économie capitaliste, c’est leur droit.
En France, il existe différentes agricultures : une agriculture de produits du terroir, une agriculture périurbaine qui aliment les citadins, et une agriculture tournée vers l’exportation qui vend sur les marchés internationaux. Cette dernière agriculture est un atout économique pour la France mais aussi celle qui pose le plus de problèmes environnementaux et qui a donc le plus besoin d’améliorer les variétés.
Cette opposition des écologistes vient de là et pas d’un problème sanitaire ou environnementale qui n’existe pas. Les OGM ne sont qu’un bouc émissaire pour mener leur vrai combat comme l’agriculture mondialisée, comme la destruction d’un Mc Donald’s avait été en son temps également un bouc émissaire qui avait permis de médiatiser leur combat.
Qu’est-ce que fait concrètement le MON810, le seul maïs à avoir été autorisé en France ? Il permet de résister à des chenilles comme la pyralle qui font des dégâts parfois importants dans les récoltes. Pour empêcher ces dégâts, que font les agriculteurs ? Ils n’ont pas le choix, les bestioles leur mangent une partie de leur récolte, ils mettent des insecticides.
Ce type d’OGM permet de réduire l’utilisation des produits chimiques et on l’interdit. Il faut être cohérent. Le principe actif de ce maïs transgénique est utilisé en agriculture biologique en épandage, c’est le même qui tue les chenilles. Ce ne serait absolument pas toxique lorsque c’est utilisé en agriculture biologique et en jardinage, et il deviendrait toxique dès que c’est produit par Monsanto. Il faut arrêter de se moquer du monde et tenir un discours de vérité.
Comment se fait-il que ce discours de vérité que vous évoquez ne passe pas ou peu dans les médias ? Pourquoi les scientifiques sont quasiment absents de ce débat ?
Il faut rappeler que les pouvoirs publics ont financé dans les années 80 la recherche dans les biotechnologies végétales, pas toujours à bon escient, mais ils l’ont fait. Dès que la polémique sur les OGM est née, ils ont tout arrêté pour ne plus financer désormais que l’évaluation des risques.
La gestion des politiques est incohérente. On a perdu toute la recherche qui avait été financée pendant une dizaine d’années. Pourquoi ne pas avoir pas financé la recherche sur l’évaluation des risques en même temps que la recherche sur les biotechnologies ?
Depuis 2007, c’est encore pire. C’est devenu une monnaie d’échange. On interdit les OGM pour plaire aux écologistes et qu’ils acceptent de participer au Grenelle de l’environnement. Voilà la politique agricole française. Il n’y a pas de vision. C’est lamentable.
Si les OGM ne présentent aucun risque sanitaire sérieux pour la santé ou pour l’environnement selon vous, la culture des plantes génétiquement modifiées est cependant susceptible de se retrouver dans les champs voisins, ce qui pose problème…
Le maïs ne va pas envahir la nature. Ce n’est pas une plante invasive. Cela dépend des plantes. Le colza par exemple est semi invasif, on peut donc le retrouver autour du champ cultivé, mais cela ne va pas aller très loin. S’agissant de la question du pollen, les essais aux champs avec des maïs castrés, qui ne produisaient pas de pollen, ont également été détruits par les opposants. C’est une preuve de plus que ce combat est politique avec des arguments fallacieux.
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