Le ministre de l’Écologie et de l’Énergie a refusé d’autoriser la mutation, au profit de la société Hess Oil, de sept permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures, délivrés par le gouvernement précédent à la société Toréador et situés dans le bassin parisien.
« Pour traiter ce dossier, j’ai choisi le travail, la transparence et la concertation. J’ai en effet tenu – ce qui ne s’était jamais fait auparavant – à croiser l’expertise technique de mes services à l’expertise citoyenne des collectifs anti-gaz et huiles de schiste qui ont été reçus à plusieurs reprises accompagnés des élus concernés par ces permis. Je prends mes décisions en connaissance de cause et je les assume« , explique Philippe Martin, le ministre de l’Ecologie, dans un communiqué officiel.
Il ressort de ces expertises que ces sept permis présentent une difficulté commune : la filiale française de la société américaine Hess Oil, qui a déposé les demandes de mutation, s’apparente à une « coquille vide » qui ne dispose pas des compétences techniques propres, qui sont requises par le droit minier. Par ailleurs, deux permis (permis dits d’« Aufferville » et de « Courtenay ») sont désormais expirés et, de ce fait, ne peuvent plus être transférés à un nouveau titulaire.
Une mutation sans objet
Enfin, certains permis, comme celui dit de « Château-Thierry », posent la question de savoir si l’on peut aujourd’hui, compte tenu de l’interdiction générale et absolue de recourir à la fracturation hydraulique posée par la loi du 13 juillet 2011, autoriser la mutation d’un permis dont les objectifs initiaux étaient incontestablement et exclusivement d’explorer des huiles et gaz de schiste.
Même si la société Hess Oil a déclaré, afin de se conformer à cette loi, qu’elle ne l’utiliserait pas, les roches-mères visées par cette société dans ses demandes de mutation ne pourraient être explorées que par cette technique interdite sur le territoire national. Dans ces conditions, les permis concernés ne peuvent plus déboucher sur une exploration effective, notamment sur aucun forage pilote.
La mutation demandée est donc selon Philippe Martin, dans ce cas sans objet. Par ailleurs, l’État avait déjà dû, au début de l’année 2013, interdire à Hess Oil d’effectuer un forage horizontal, caractéristique de la fracturation hydraulique, et preuve que cette société n’avait pas renoncé à son projet initial.
Un sujet controversé
Philippe Martin précise qu’il a, pour sa part, souhaité avant de rendre sa décision sur ces demandes de mutation, attendre la décision du Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la société texane Schuepbach, dont deux permis avaient été abrogés en application de la loi du 13 juillet 2011. Le Conseil constitutionnel, saisi le 12 juillet 2013 par le Conseil d’État, a rendu le 11 octobre dernier une décision qui a changé la donne juridiquement puisque l’interdiction de la fracturation, dont les dangers sont désormais établis, est ainsi devenue définitive.
En outre, le ministre rappelle que « le sujet des gaz de schiste et de leur prétendue manne financière est un sujet controversé. La compétitivité de nos entreprises et l’amélioration du pouvoir d’achat des Français passent par la transition énergétique et par la mise en ?uvre d’un nouvel équilibre de notre approvisionnement : moins d’énergies fossiles, moins de nucléaire et davantage de renouvelables et d’efficacité énergétique. Je déposerai le projet de loi sur la transition énergétique au Parlement au printemps 2014« .
30 000 euros par demande
Le 26 septembre 2013, l’État avait été condamné, dans le cadre du contentieux ouvert par Hess Oil, à prendre rapidement, et sous astreinte, position sur ces demandes. Cette société réclame aujourd’hui à l’État environ 30 000 euros par demande de mutation. Une décision étant désormais prise, le ministère demandera, lors de l’audience prévue le 6 décembre prochain, une remise de cette somme.
Enfin, dans son communiqué, Philippe Martin tient à affirmer sa confiance aux services du ministère qui ont été injustement mis en cause publiquement au cours de ces dernières semaines et qui ont, tout au long de ce dossier, parfaitement fait leur travail.
Et la réforme du code minier ?
Sans surprise, l’Union Française des Industries Pétrolières regrette cette décision, en rappelant qu’il s’agit de permis régulièrement attribués dont la mutation a été instruite et validée par l’Administration. L’UFIP déplore que l’image de la France auprès des investisseurs internationaux soit « à nouveau dégradée par une telle instabilité juridique ».
L’UFIP rappelle que l’activité d’exploration-production d’hydrocarbures en France est menacée de paralysie du fait du blocage de près d’une centaine de demandes de permis de recherche d’hydrocarbures depuis de nombreux mois voire plusieurs années. Les pétroliers souhaitent que la réforme du code minier qui a été engagée soit menée à bien dans les meilleurs délais, afin de rétablir un fonctionnement normal de cette activité en France.
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