Jérome Vergne, ingénieur géophysicien et chercheur à l’École et Observatoire des Sciences de la Terre de Strasbourg, revient sur le séisme enregistré hier, dans le Sud Est de la France. L’occasion de faire le point sur la situation sismique de la France, l’état de la recherche en matière de prévision et des zones les plus dangereuses dans le monde, dont la Californie, le Japon, la Turquie mais aussi… les Antilles.
Le séisme enregistré hier soir dans le Sud-Est de l’Hexagone est-il exceptionnel ?
Il n’est pas exceptionnel mais il est rare. C’est le type d’événement qui se produit en moyenne tous les 10 ans en France métropolitaine et tous les 20 à 30 ans dans cette partie des Alpes. Il n’est pas exceptionnel dans le sens où l’on a déjà enregistré dans le passé sur le territoire métropolitain des séismes d’une magnitude supérieure à celui-là.
Pourquoi un tel séisme, peut-on l’expliquer ?
Un séisme, c’est à chaque fois une rupture rapide et brutale de la croute terrestre le long d’une faille tectonique. L’épicentre du séisme d’hier soir est une zone qui comprend de nombreuses failles sismiques. C’est l’une des régions les plus actives de France puisqu’elle a déjà connu des gros séismes et ce que l’on appelle des essaims sismiques, c’est à dire des milliers de micro séismes, la plupart non ressentis.
On est ici dans les Alpes, lieu de rencontre de deux plaques tectoniques : la plaque européenne au nord et la plaque adriatique. Les Alpes sont l’expression de surface du raccourcissement qui se produit dans cette région. Tout cela engendre des failles qui relâchent brutalement toute la contrainte accumulée durant toutes ces années et c’est ce qui produit les ondes sismiques et ensuite le séisme.
Quel est le séisme le plus fort jamais enregistré en France ?
Si vous entendez par enregistré avec des appareils, c’est à dire des sismomètres, il faut remonter à 1909, début de la sismologie moderne. Il s’était alors produit un séisme d’une magnitude de 6,2/6,3 à Lambesc, au nord de Marseille. Ce séisme avait produit de nombreux dégâts, détruit de nombreux villages et causé la mort de plus de 80 personnes.
Si l’on remonte plus dans le passé, un séisme avait du atteindre une magnitude comprise entre 6,5 et 7 à Bâle en 1356, à côté de la frontière française, détruisant l’ensemble de la ville et de nombreuses constructions de l’époque dans le sud de l’Alsace.
Quelle est la situation sismologique de l’Hexagone et plus globalement de la France outre-mer ?
L’Hexagone est une région avec un risque sismique qualifié de modéré. Il est toutefois variable en fonction de la zone géographique considérée. Il est faible voire très faible dans les bassins parisien et aquitain, et il est considéré comme moyen dans une bonne partie des Pyrénées, des Alpes et du sud du fossé rhénan.
En revanche, la zone où le risque sismique est le plus fort en France reste les Antilles, où là, il existe des risques de séismes nettement plus dévastateurs dont la magnitude pourrait dépasser le niveau 8 sur l’échelle de Ritcher.
On sait qu’en matière de séisme, la prévision est très difficile, mais est-ce que la recherche progresse ?
C’est effectivement une difficulté car on est incapable de prédire un séisme comme on prédit la météo par exemple. Le déclenchement d’un séisme est un phénomène extrêmement complexe, en partie chaotique donc difficilement prévisible. Malgré tout, il existe tout un ensemble de recherches qui s’orientent vers la détermination de signaux précurseurs, des signes indiquant qu’un séisme va se produire : augmentation de l’activité micro-sismique, des diffusions de gaz dans l’atmosphère…
Mais on n’a pas encore trouvé de signaux précurseurs à n’importe quel séisme. Les signaux recensés ne sont donc pas fiables étant donné qu’ils n’ont pas été constatés avant tous les séismes. Donc malgré les recherches qui continuent dans ce domaine, nous n’avons pas encore à ce jour de signal précurseur fiable de la survenue d’un séisme.
Une autre partie des actions de recherche, qui sont selon moi tout aussi importantes, ce sont des actions de prévention à long terme, avec un suivi de l’activité sismique régulière : on est en mesure de mieux connaitre les zones avec un risque sismique important. Il existe également des actions de prévention ou de prévision à court terme, pour essayer de prendre des mesures juste après que le séisme se soit produit et avant qu’il ne fasse trop de dégâts. Mais, cela n’existe pour l’instant que dans les pays où le risque sismique est très fort comme au Japon ou en Italie.
Plus globalement quelles sont les zones les plus sismiques en Europe et dans le monde ?
Dans le monde, les zones les plus à risques sont celles où les plaques tectoniques se rapprochent les unes des autres à une vitesse très élevée. Il existe des endroits où ces vitesses moyennes de plaques sont de plusieurs dizaines de centimètres par an. C’est notamment le cas de tout le pourtour Pacifique, comme au Japon mais aussi la Californie, le Chili ou le sud du plateau tibétain.
A l’échelle européenne, il existe des zones à l’activité sismique nettement plus importante qu’en France métropolitaine, comme la Grèce, l’Italie et le nord du Maghreb. On y retrouve historiquement des séismes dépassant les 7 ou même les 8.
Doit-on craindre un séisme important dans les prochaines années ?
La connaissance que l’on a pu accumuler sur la petite activité micro-sismique et la mécanique de la croûte terrestre et des failles tectoniques nous permet de faire des estimations dites « probabilistes », c’est à dire de donner une probabilité d’occurrence d’un séisme dans telle zone. On sait relativement bien le faire dans les zones de très grandes failles tectoniques, mais pas sur des failles, comme celles que l’on a en France, où la période de retour des séismes est extrêmement longue car les déformations sont extrêmement petites. C’est un challenge pour le futur.
Quels sont les zones à très fort risque sismique dans les années à venir ?
On sait par exemple que la faille de San Andreas en Californie représente un risque majeur de séisme pour cette région dans les années à venir, d’ici 10 ans, de magnitude 7 ou 8. On peut estimer ce risque à 50%. Il existe le même type de probabilité au sud de la ville d’Istanbul, dans la mer Marmara.
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