On évoque souvent les travailleurs du nucléaire, employés des centrales, des centres de traitement des déchets… Mais Europe 1 revient aujourd’hui sur des travailleurs oubliés : les militaires du site du plateau d’Albion. Plusieurs d’entre-eux ont travaillé durant des années tout à coté des têtes nucléaires des missiles et peinent aujourd’hui à faire reconnaitre les maladies dont ils souffrent.
Le plateau d’Albion est une base militaire ultra-secrète, hébergeant entre 1971 et 1996 des missiles nucléaires. Mais aujourd’hui, après plusieurs morts suspectes liées à des cancers extrêmement rares, d’anciens militaires du site tentent de faire reconnaitre leur maladie auprès des autorités. Europe 1 a interrogé des anciens du plateau d’Albion et notamment Leny Paris, un militaire de 42 ans en mission pendant un an sur le site dans les années 90 et qui souffre aujourd’hui d’une nécrose des os, une maladie qui touche généralement les personnes âgées.
« On avait des tenues qui aurait dû empêcher tous rayons, mais elles étaient déchirées. Le pire est que cette tenue était donnée aussitôt à un autre commando, donc les scientifiques devaient être au courant« , explique Leny Paris. « J’ai rapetissé, de part ma nécrose, de quatre centimètres. Tout est difficile, ne serait-ce que balayer, de prendre le téléphone. Je passe des journées de vieillard« , ajoute-t-il au micro. Il accuse alors, comme d’autres, les autorités de l’avoir exposé à un risque pourtant connu. Mais, pour ces dernières, le lien n’est pas si simple à établir.
Un lien difficile
Pour le ministère de la Défense interrogé par le Parisien, « les études menées sur le site (…) ont montré que son fonctionnement n’avait entrainé aucune contamination radioactive, et qu’il n’existait aucun risque d’exposition externe« . Pourtant, les faits sont là, plusieurs personnes ayant travaillé sur le site sont victimes de pathologies « étranges ». Europe 1 évoque un ancien employé décédé d’un sarcome, forme rare de cancer, ou un autre victime d’une leucémie foudroyante.
Si certains évoquent la difficulté à établir le lien entre le plateau d’Albion et l’apparition de ces maladies, la sociologue de la santé et directrice de l’unité Inserm sur les cancers d’origine professionnels, Annie Thébaud-Mony, juge de son côté un lien entre radioactivité et cancer très clair. « Dans la mesure où la radioactivité est un des cancérogènes avérés, il n’y a aucun doute sur sa relation avec le cancer », déclare-t-elle à Europe 1.
« Je prends une situation parallèle : l’Arsenal de Brest, où des travailleurs de l’Etat ont travaillé pendant 25 ans sans aucune information sur la radioactivité, poursuit-elle. Ils étaient au contact de têtes de missiles, ils ont développé des cancers reconnus en maladie professionnelle, et le ministère de la Défense a admis la faute inexcusable de l’employeur, sa responsabilité dans cette histoire.«
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