Alors que les températures chutent, des gestes simples peuvent permettre à tout un chacun de ne pas faire flamber sa facture d’électricité ou « fondre la banquise », tout en restant au chaud. L’innovation nous est également d’une précieuse aide dans cette démarche.
Depuis deux semaines, une vague de froid généralisée venue de Scandinavie souffle sur la France, si bien qu’on observe des températures de 5 à 10 °C en dessous des normales saisonnières selon Météo France. Cette tendance va affecter la consommation en énergie du pays. Si la vague de froid n’est pas exceptionnelle (un phénomène similaire a par exemple eu lieu en 2012) elle intervient à un moment délicat : la France fait habituellement fonctionner 58 réacteurs dans 19 centrales nucléaires, mais une douzaine de réacteurs sont actuellement à l’arrêt pour des raisons de maintenance. De plus, nombre de centrales au charbon et au fioul ont fermé dans l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique.
La ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, s’est voulue rassurante : un blackout sur le réseau électrique français est très improbable. « Aujourd’hui, avec les très bonnes conditions météorologiques, les énergies renouvelables, l’éolien et le solaire, vont produire l’équivalent de huit réacteurs nucléaires, huit gigawatts », expliquait-elle le 18 janvier. De même, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) a relativisé le risque. Il a par ailleurs annoncé qu’il allait déclencher des mesures d’équilibrage : « chacun des appareils de tous les Français va être un petit peu moins efficace, de l’ordre de 5%. Ce sera quasiment imperceptibles pour eux. Mais cela va permettre de réduire la consommation d’une quantité d’énergie équivalente à la production de quatre réacteurs nucléaires ».
Eviter le gaspillage pour consommer moins
Pour éviter un pic de la consommation trop important aux heures de pointe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) conseille de « mettre en route la programmation [des chauffages] un petit peu plus tôt, afin d’éviter de trop solliciter le chauffage pendant la période de pointe, qui est de 17 heures à 20 heures ». Une économie d’énergie est aussi possible grâce à des gestes simples que chacun peut faire chez soi. Il faut d’abord s’assurer de la bonne isolation des portes et les fenêtres : joints décollés, entrées d’air réparables, le bricolage suffit parfois pour économiser de précieux degrés. Un double vitrage permet, lui, d’économiser 10% d’énergie par rapport à un vitrage simple.
De même, fermer les volets, les stores ou les rideaux permet de limiter la déperdition de chaleur. S’il faut renouveler l’air des lieux de vie tous les jours – 5 à 10 minutes par jour suffisent, il est recommandé de fermer les portes de votre logement afin que la chaleur ne s’éparpille pas et que chaque pièce soit chauffée en fonction de son usage. De petits gestes de bon sens qui peuvent avoir un impact considérable s’ils sont suivis pas suffisamment de ménages. Ainsi, baisser le chauffage d’un degré permet d’économiser 7 % d’énergie. Attention toutefois à maintenir une température constante minimum de 12°C pour éviter que les canalisations ne gèlent.
L’innovation au service d’une moindre consommation
L’assainissement de notre consommation passe par un ensemble de solutions innovantes et de changement de comportements énergétiques. Bruno Alomar, économiste, ancien membre du cabinet du Commissaire européen à l’énergie soulignait dans les colonnes de la Tribune le double enjeu de l’époque contemporaine : « conjuguer l’augmentation de la population sur des espaces réduits – le plus souvent avec des tendances à la consommation énergétique fortes » et « prendre en compte l’autre phénomène majeur de ce nouveau siècle : le changement climatique ». Il faut donc à la fois rationaliser notre consommation (tant en changeant nos habitudes qu’en évitant la surconsommation structurelle – par exemple en cas de mauvais isolation) et renforcer les performances de nos équipements.
On parle alors d’efficacité énergétique. Elle est possible, selon Bruno Alomar, « en intégrant toujours plus de connections et de réactivité dans tous les aspects de la gestion urbaine » dans des « villes intelligentes » (smart cities). Celles-ci sont bâties sur des « smart grids », ces réseaux de transport d’électricité dit « intelligents », qui utilisent des technologies informatiques d’optimisation de la production, de la distribution et de la consommation. Enedis (ex-ERDF) déploie actuellement en France son compteur connecté Linky. La barre des 3 millions devrait être franchie en février, et celle des 7 millions d’ici la fin de l’année, selon ses prévisions. Un déploiement qui vise à « transformer les villes en de gigantesques réseaux » en mesure « de répondre aux besoins des habitants de manière efficace et immédiate ».
Patrice Geoffron, directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières rattaché à l’université Paris-Dauphine, plaide lui aussi pour un gain en « agilité » dans nos consommations électriques. « Cela sera plus facile avec les compteurs intelligents (Linky) », explique-t-il, précisant qu’« en s’adaptant, [la France] peut économiser l’équivalent de 3 ou 4 réacteurs nucléaires ». Il s’agit donc d’aller plus loin dans le sens de cette innovation – et le pays peut se vanter d’une avance sensible dans le domaine. Un enthousiasme partagé par Bruno Alomar : « La création d’un réseau électrique intelligent national permettra d’être plus réactif lors d’évènements touchant la production (difficultés d’approvisionnements, problèmes sur les centrales, etc.) et de maintenir le niveau d’excellence environnementale de la France en matière d’émissions de CO2 par habitant. »
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