Les territoires d’Outre-mer disposent d’atouts considérables en matière d’énergies renouvelables. Mais qui dit énergies renouvelables soumises au soleil, au vent, aux courants marins…, dit problèmes d’intermittence de ces énergies. Pour pallier ces manquements, il est nécessaire d’emmagasiner l’énergie non consommée pour la restituer ultérieurement. Des projets de stockage se développent donc un peu partout et font de l’Outre-mer un véritable territoire d’innovations pour notre avenir.
Et si l’avenir des énergies renouvelables françaises se jouait au-delà de l’Hexagone ? C’est loin d’être une idée incongrue. De par leur géographie et du fait qu’ils ne sont pas interconnectés au réseau continental, les énergies fossiles demeurent très utilisées dans les départements et territoires d’outre-mer. Ne bénéficiant pas non plus du nucléaire, énergie qui couvre aujourd’hui 77% de nos besoins en électricité en métropole, ces territoires sont fortement dépendants des importations de pétrole, de gaz et de charbon.
Mais les Systèmes électriques insulaires (SEI) disposent d’atouts considérables en matière d’énergies renouvelables, et la diversité des conditions naturelles permet d’y tester tous les modes de production dans des conditions réelles. « Ils préfigurent le paysage énergétique du territoire métropolitain dans les prochaines décennies », estime Stéphane Lascaud, chef de projet sur la gestion de l’intermittence à EDF.
Le gouvernement ne s’y est pas trompé. Avec le Grenelle de l’environnement, la France s’est en effet fixé l’objectif d’atteindre, dès 2020, 30 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale à Mayotte et 50 % au minimum dans les autres collectivités. Un objectif trop ambitieux ?
Non, à condition que les pouvoirs publics favorisent la montée en puissance des énergies renouvelables par des mesures incitatives et l’accroissement des capacités de recherche de l’Outre-mer. Les expériences et les initiatives innovantes doivent être soutenues, et la politique énergétique nationale doit être adaptée à ces territoires.
Stockage : le véritable enjeu
Pour Jean-Baptiste Bart, chef de groupe « Économie des systèmes électriques » chez EDF R&D « Aujourd’hui, le stockage de l’électricité est redevenu un enjeu, avec de nombreux challenges sur les rendements, les coûts, etc. Avec les énergies renouvelables et la modification de la demande, le stockage aura un rôle important à jouer dans l’avenir. Car c’est l’un des leviers pour la flexibilité, dont le système électrique aura de plus en plus besoin. »
Afin d’exploiter tout leur potentiel, les territoires ultramarins devront développer des systèmes capables d’emmagasiner l’énergie non consommée pour la restituer à la demande, en particulier sur les sites isolés, comme les îles et villages non raccordés au réseau local. Le stockage contribuera ainsi à optimiser au mieux le réseau en lissant pics et creux de production et en augmentant sa capacité d’accueil des énergies renouvelables intermittentes.
C’est d’ailleurs ce type de solutions que le gouvernement souhaitait faire émerger en lançant l’année dernière un appel d’offres dédié aux installations photovoltaïques couplées à des dispositifs de stockage de l’énergie dans les zones non interconnectées. Trente-trois projets ont été retenus pour les territoires insulaires (la Corse, la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la Guyane). Avec 51,8 MW de puissance, ils produiront 70 GWh par an à un coût de 204 euros par MWh.
Pour le ministère de l’Environnement, cet appel d’offres doit soutenir « le développement de projets aux perspectives industrielles ambitieuses » à même d’améliorer le lissage et la prévisibilité de la production solaire.
Des solutions de stockage qui ont fait leur preuve
Et d’autres projets ambitieux se développent un peu partout. En Guyane, EDF a mis en service Toucan, une centrale solaire innovante avec stockage. Les 55 000 panneaux solaires de cette centrale (5 MWc de puissance cumulée) sont reliés à un système de stockage de 4,5 MWh. Cela rend la centrale capable de stocker un tiers de l’énergie produite pendant trois heures. En alliant un système de stockage à celui de la production, Toucan constitue une des premières réponses à la problématique de l’intermittence des énergies renouvelables.
La première centrale éolienne avec stockage de France a pour sa part été inaugurée en 2016 à Capesterre-de-Marie-Galante, dans le département de la Guadeloupe. D’une puissance de 2,5 MW, cette première centrale éolienne avec stockage dispose d’un ensemble de batteries lithium-ion, permettant de faire face à l’intermittence de la production éolienne tout en ajustant la fourniture d’électricité aux besoins de l’île.
A la Réunion, EDF a installé une station solaire innovante, associant production d’électricité et stockage d’énergie avec batteries à hydrogène, une grande première. Pendant les périodes de faible consommation d’électricité, un électrolyseur intermittent décompose de l’eau en oxygène et en hydrogène. Cet hydrogène est ensuite comprimé, liquéfié ou stocké sous forme d’hydrure métallique.
Actuellement, seuls deux bâtiments possèdent un tel système de stockage. Le premier, une installation isolée dans les Alpes, n’est pour l’instant qu’expérimental. D’où l’importance de l’installation réunionnaise, qui permet d’alimenter les utilisateurs en continu en évitant l’usage du groupe électrogène et de l’essence.
Alors que la capacité de stockage d’énergie devrait tripler d’ici à 2020 selon un récent rapport du cabinet Clean Horizon Consulting, ces innovations pourraient s’avérer décisives pour la conception du système énergétique français de demain, dans les territoires ultramarins comme en métropole. Elles devraient également étendre l’influence régionale de l’Outre-mer, en lui permettant de contribuer à la diffusion technologique et aux échanges d’expériences vers les pays voisins.
Par Anne-Sophie Durano
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