Malgré une tradition plus que centenaire, les habitants des territoires d’outre-mer continuent de découvrir les atouts de la culture de la canne à sucre. Elle protège les sols contre l’érosion et contribue à lutter contre l’effet de serre. Mais elle constitue également un élément clé de la transition et l’autonomie énergétiques des zones insulaires.
En matière d’énergies renouvelables, les territoires d’outre-mer n’ont certainement pas dit leur dernier mot. Certes, les systèmes électriques insulaires sont confrontés à des problématiques de coût et d’alimentation contraignantes, du fait de l’absence d’accès à un grand réseau électrique. Mais si la production d’électricité y dépend encore du pétrole et du charbon, le potentiel d’énergies renouvelables est immense, du soleil à la géothermie en passant par la houle… et la bagasse.
Il s’agit du résidu fibreux issu du broyage de la canne à sucre une fois extrait le jus. La canne à sucre, en effet, est un élément aux multiples ressources. Productrice de sucre, de rhum et d’éthanol, elle a forgé l’économie des îles de la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion, et constitue aujourd’hui le symbole de l’agriculture des territoires d’outre-mer.
Mais la filière présente également un potentiel d’exploitation important sur le plan énergétique, la bagasse permettant de produire de la chaleur et de l’électricité. Comme d’autres biomasses, ce résidu permet de faire fonctionner, par la vapeur issue de sa combustion, une turbine et un alternateur. La bagasse est ainsi exploitée dans des centrales thermiques en complément de l’utilisation classique du charbon.
Déjà deux centrales de bagasse à la Réunion
D’après EDF-SEI, une direction d’EDF qui a en charge le service public de l’électricité en Corse et dans les départements d’outre-mer, « la bagasse est la première source d’énergie renouvelable de la Martinique (58 % en 2008) ». Cette année-là, la biomasse était à l’origine de 9 % de l’électricité renouvelable de l’île, l’incinération des déchets produisant la majeure partie restante (70 %).
A La Réunion, territoire qui consacre 57 % de ses terres agricoles à l’exploitation de la canne à sucre, la bagasse est exploitée par deux centrales thermiques qui fonctionnent par un mix de charbon/bagasse : l’usine du Gol, à l’ouest de l’île, et l’usine de Bois Rouge, au nord.
L’usine du Gol génère de la vapeur basse pression, nécessaire au traitement de la canne à sucre. Mais elle produit également de l’électricité à partir des déchets qu’elle génère, soit la bagasse durant la période de récole sucrière (de juillet à décembre). Plus de 300 000 tonnes de bagasse peuvent être disponibles comme combustible lors de chaque campagne sucrière, et la centrale peut fournir une puissance maximale de 95 MW en fonctionnement bagasse.
De son côté, l’usine de Bois Rouge reçoit et extrait le sucre de la totalité des cannes récoltées sur la côte-au-vent de Saint-Denis, à Sainte-Rose. Comme l’usine du Gol, elle produit de la vapeur pour le traitement de la canne mais aussi de l’électricité à partir de la bagasse au cours de la campagne sucrière. En 2007, la puissance installée de l’usine était de 108 MW et elle a produit 721 GWh.
Ensemble, ces deux centrales fournissent 60 % de l’électricité de La Réunion, 50 % étant tirée de l’exploitation du charbon et 10 % de la bagasse.
La bagasse, c’est bon pour l’environnement… et pour l’économie !
Enfin, la bagasse représentait en 2008 3,6 % de la production totale d’électricité en Guadeloupe. D’après le rapport « Les chiffres de l’énergie en Guadeloupe », la distillerie de Bologne, à Basse-Terre, livre sur le réseau une production d’électricité issue de la valorisation de la bagasse, mais également de la méthanisation de ses vinasses (biogaz). La bagasse a permis de produire 56 234 MWh en 2015 et a représenté 3 % de la production d’électricité selon la source d’énergie primaire.
Afin de « développer les énergies renouvelables et de conforter la filière canne-sucre-rhum-bagasse dans les outre-mer », le gouvernement a décidé de revaloriser la « prime bagasse » en octobre 2015. Il s’agit de la prime versée aux installations qui produisent de l’électricité à partir de biomasse issue de canne à sucre dans les départements d’outre-mer.
Le montant de la prime était jusqu’alors indexé sur le cours du charbon, mais le gouvernement a décidé de mettre fin à cette indexation pour réduire « la dépendance des systèmes électriques insulaires à la fluctuation du cours des énergies fossiles ». L’aide versée est ainsi passée de 13 à 14,5 euros par tonne.
Pour le gouvernement et les territoires d’outre-mer, l’enjeu est de taille. Dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, les territoires ultramarins se sont fixés l’objectif d’atteindre l’autonomie énergétique pour 2030, avec un palier à 50 % d’EnR en 2020. Le développement d’énergies innovantes et moins intermittentes s’avère indispensable afin d’atteindre les performances environnementales souhaitées.
Mais la production d’énergies renouvelables est également gage d’un potentiel d’industrialisation, d’une relance économique et de création d’emplois. Elle pourrait en outre faire de l’Outre-mer des territoires d’innovation en matière de réseau électriques intelligents.
Par Anne-Sophie Durano
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