Eolienne sur l’île de Sein, le parcours du combattant

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Comme plusieurs autres îles du Ponant, l’île de Sein a pris en main sa propre transition énergétique afin d’atteindre l’autonomie en énergie d’ici 2030. Mais à l’heure d’installer une éolienne pour réduire sa consommation de fioul, la municipalité se heurte aux vociférations d’une association parisienne, soucieuse du manque d’esthétique de l’installation. Ses militants sont bien décidés à s’appuyer sur la complexe réglementation française pour faire capoter le projet.

Le sujet de la discorde : une éolienne…

Le succès de la transition énergétique en France est-il en train de se jouer sur un petit bout de terre de 150 habitants au large du Finistère ? C’est la question que doit se poser en ce moment Dominique Salvert, maire de l’île de Sein, à quelques jours du dépôt de permis de construire pour son projet d’éolienne terrestre. Dans cette commune non reliée au réseau électrique du continent, la consommation d’énergie est un sujet de préoccupation majeur, qui a incité la mairie à engager une démarche volontariste afin de mieux maîtriser sa demande en électricité et développer les énergies renouvelables sur l’île.

Suite à l’adoption de la loi sur la transition énergétique le 17 août 2015, l’île de Sein compte bien se passer d’ici 2030 des trois moteurs à fioul qui l’alimentent à l’année et produire la moitié de son électricité à partir d’énergies vertes dès 2023, comme les autres îles du Ponant. C’est dans cette optique que le projet d’installation d’une éolienne terrestre a vu le jour en 2015 pour pourvoir à 40 % des besoins en électricité des 150 habitants de l’île. Mais après plus de deux ans d’études de faisabilité et un changement d’implantation pour préserver le phare suite à son classement au titre de monument historique, le dépôt imminent du permis de construire est aujourd’hui menacé par la Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France. Celle-ci s’est plainte par courrier au maire et au préfet de l’impact négatif du projet sur l’esthétique de l’île. D’aucuns noteront d’ailleurs que ladite association est basée dans le VIIe arrondissement de Paris, loin, très loin de la Bretagne, et encore plus de la mer d’Iroise…

Une protestation qui va à l’encontre de l’intérêt général

Révolté par cette opposition de plus en plus fréquente à l’installation d’éoliennes, Dominique Salvert, le maire de l’île, juge cette offensive « incompréhensible dans la dynamique des énergies vertes engagée dans l’ensemble des îles du Ponant. [C’est] incroyable dans un contexte politique où l’on nous incite à développer les énergies vertes alors que le cadre légal nous empêche d’avancer. Si en plus, des associations représentées par des personnes qui n’habitent pas sur l’île viennent mettre leur grain de sel, cela va être compliqué d’atteindre 100 % énergies vertes sur nos bouts de terre en mer. » Si le premier édile est tellement ému par cette contestation,
 c’est parce qu’il connaît trop bien les tracasseries réglementaires et juridiques auxquelles sont confrontés de tels projets dans des îles protégées comme la sienne. Loi littoral, Natura 2000, règle des 500 mètres, site classé et site inscrit sont autant de garde-fous utiles quand il s’agit de préserver l’environnement et le patrimoine, mais allergiques à toute innovation technologique ou économique.

L’intérêt d’installer l’éolienne d’une trentaine de mètres de hauteur sur l’île (dont l’emplacement reste encore à déterminer) regroupe justement ces deux dimensions, ô combien d’actualité. En produisant 250 kW d’électricité en continu grâce au vent moyen de 8,5 m/s qui souffle sur l’île, la turbine, qui tournera à plein régime l’hiver, quand la demande est à son maximum, couvrira 40 % des besoins de la population. Les expériences passées montrent qu’elle permettra également d’effectuer des économies d’énergies significatives pour les habitants.

La transition énergétique, une volonté réelle de l’État français ?

Regroupées au sein d’une association, les îles du Ponant ont déjà réalisé des avancées importantes en matière de transition énergétique. En partenariat avec la région, l’Ademe et la direction Systèmes énergétiques insulaires d’EDF (EDF-SEI), plusieurs actions d’envergure ont été mises en place, comme la distribution d’ampoules LED, la réalisation de travaux d’isolation dans les bâtiments publics, l’aide au remplacement des appareils à froid trop énergivores, ou encore l’incitation financière à la rénovation énergétique des logements. Depuis 2012, 105 projets ont ainsi été menés à bien pour un budget total d’1,6 millions d’euros et des économies d’énergie d’1 100 MWh, soit la consommation annuelle en fioul de l’île de Sein. Les émissions de CO2 ont également fondu de 16 % sur les îles d’Ouessant, Molène et Sein.

En 2015, l’association des îles du Ponant a remporté l’appel à projets national Territoires à énergie positive pour la croissance verte, avec à la clé un prix de 500 000 euros alloué par le ministère de l’environnement pour les îles du Finistère, dont celle de Sein. Mais voilà que cette nouvelle étape dans la transition énergétique de l’île est aujourd’hui remise en cause par une entité extérieure, qui plus est sûre de son fait. « Il y a des cas flagrants et un grand nombre de jurisprudences sur le sujet, affirme Jean-Pierre Le Gorgeu, membre de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France. Vous avez vu le nombre de niveaux de protection qui interagissent sur une île comme Sein ? Le projet ne sera pas difficile à attaquer. » « Il faut savoir ce qu’on veut !, s’insurge à juste titre le maire Dominique Salvert. On nous demande d’atteindre 100 % d’autonomie énergétique. Pour cela, il faut des dérogations. On ira jusqu’au bout concernant cette éolienne. » Sur l’île d’Ouessant, le projet d’implantation d’une ou deux éoliennes en 2020 est également en danger. « On a l’impression que l’île est un sanctuaire !, peste aussi Denis Palluel, maire d’Ouessant. […] On ne cherche pas à implanter un champ éolien ! Juste un ou deux machines qui pourraient, en plus, n’être que provisoires. » Le découragement est tel que sur l’île voisine de Molène, la municipalité aurait tout bonnement abandonné l’idée pour éviter les « problèmes ». De quoi se demander si l’État français veut réellement se donner les moyens de sa transition…

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