Avec 58 réacteurs en fonction, la France doit gérer l’un des plus gros stocks de déchets radioactifs de la planète : 85 000 m3 de résidus hautement contaminés. Toxiques plus de 100 000 ans, ils devraient être stockés à partir de 2030 à Bure (Meuse) si le gendarme du nucléaire autorise l’ouverture du site.
Prévu dans le cadre d’une politique de gestion responsable des déchets produits notamment par l’activité de production électronucléaire, Cigéo pour « Centre industriel de stockage géologique » est le premier projet français de centre de stockage profond de déchets radioactifs. Il est conçu pour stocker les déchets hautement radioactifs et à vie longue produits par l’ensemble des installations nucléaires actuelles, jusqu’à leur démantèlement, et par le traitement des combustibles usés utilisés dans les centrales nucléaires.
Les colis de déchets, vitrifiés, stockés dans des fûts ou des conteneurs en aciers, seront entreposés à 500 mètres sous terre dans une épaisse couche d’argile censée « confiner » la radioactivité.
Une « solution pas entièrement satisfaisante » selon Nicolas Hulot
Enfouir des déchets nucléaires radioactifs n’est « pas une solution entièrement satisfaisante » mais c’est la « moins mauvaise », a déclaré jeudi le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, des propos immédiatement dénoncés par les associations antinucléaires.
L’industrie nucléaire, « pas aussi vertueuse qu’on voudrait nous le dire, nous laisse un tragique héritage de déchets à très haute intensité de radioactivité et de durée de vie très longue, et que cela me déplaise ou pas, ils sont là, donc il va bien falloir qu’on s’en occupe », a déclaré le ministre au sénat lors d’une séance de questions au gouvernement.
« C’est une question de choix de société, une question éthique et morale, que celle de laisser des déchets enfouis, ou gérés autrement, à des générations futures dont nous ignorons tout », a-t-il précisé, rappelant que la France avait « fait le choix de l’enfouissement en site géologique profond ».
« Pour être très sincère avec vous, cette solution n’est pas entièrement satisfaisante, mais disons que c’est la moins mauvaise. Et pour vous dire le fond de ma pensée, je pense qu’il n’y a pas malheureusement de solution miracle à un problème aussi complexe », a estimé le ministre.
« Après avoir différé à 2035, la réduction à 50% de la production électronucléaire (le ministre) déclare sa préférence pour l’enfouissement et Cigéo et s’enlise ainsi dans le bourbier nucléaire en reniant par ailleurs ses engagements » a souligné Burestop (coordination d’associations lorraines anti-Cigéo) dans un communiqué.
Dialoguer pour éviter un nouveau « Notre-Dame-des-Landes »
En juillet, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) avait annoncé que la construction de Cigéo ne débuterait pas avant 2022, pour un lancement de la phase pilote autour de 2025. Le dépôt de la demande de construction a en effet été reporté de mi-2018 à mi-2019 et l’instruction de cette demande exigera environ trois ans.
« Il nous faut déposer une demande d’autorisation de création d’une installation nucléaire d’ici à 2019, explique Frédéric Launeau, directeur de Cigéo. Mais ce projet est gravé dans la loi. Il est considéré d’intérêt national ».
Nicolas Hulot a assuré que le processus ne se ferait pas dans la « brutalité » mais dans le « dialogue », notamment avec les collectivités locales. Et dans cette optique, « le gouvernement nommera un garant des procédures de concertation ».
Alors qu’il s’est retrouvé cette semaine sous le feu des critiques des écologistes à propos d’un autre dossier nucléaire, après avoir annoncé le report à 2030, voire 2035 l’objectif de ramener à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité, le ministre a appelé à en « finir avec les passions sur ce sujet ».
« On ne peut pas laisser les passions, et pas plus l’irrationnel, guider nos choix énergétiques surtout lorsqu’ils sont aussi déterminants que la question du nucléaire », a-t-il ainsi déclaré.
Critiqué par les associations écologistes, le choix du stockage géologique profond dans la gestion de nos déchets nucléaires fait encore débat et pose la question de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures. Peut-on laisser nos enfants démunis face à l’accumulation de nos déchets radioactifs sans proposer de solutions même temporaires ?
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