L’Inra a remis au gouvernement son rapport sur la sortie du glyphosate pour l’agriculture d’ici à trois ans. Pas de solution miracle, mais un ensemble de mesures cohérentes, face auxquelles l’obstacle majeur est l’organisation même de l’agriculture. L’Inra ne se prononce cependant pas sur la possibilité ou non de les généraliser d’ici trois ans, comme le veut Emmanuel Macron.
Suite au vote européen du 27 novembre dernier, autorisant l’utilisation du glyphosate pour cinq années supplémentaires, Emmanuel Macron avait exprimé sa volonté de trouver des alternatives à cet herbicide d’ici trois ans « au plus tard » en France. Ainsi, le vendredi 1er décembre, l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) a remis au gouvernement son rapport intitulé « Usages et alternatives au glyphosate dans l’agriculture française ». Chaque année, 9.100 tonnes de glyphosate sont utilisées en France, rappelle l’Inra dans son rapport.
« En bloquant la chaine de synthèse des précurseurs d’acides aminés essentiels, le glyphosate présente le seul mode d’action herbicide avec la double propriété d’être total (…) et systémique (il migre dans les tissus lui permettant d’atteindre les systèmes racinaires). Ceci permet de détruire ou contenir des couverts végétaux et de contrôler des espèces adventices préoccupantes », indiquent les chercheurs. Il s’agit donc de faire état des alternatives qui sont à disposition des agriculteurs.
« La durée courte allouée pour répondre à la saisine a conduit à privilégier une analyse à partir des données rapidement mobilisables (fermes des réseaux Dephy Ecophyto, rapports nationaux et internationaux, publications scientifiques et techniques) et d’une consultation d’experts de l’Inra, du Cirad et d’Irstea, des Instituts Techniques Agricoles, des Chambres d’Agriculture et des organisations professionnelles agricoles », expliquent les auteurs du rapport.
Désherbage mécanique, labour et nouveaux équipements
Si le glyphosate était interdit, pour maintenir leur niveau de revenu et de rendement, les agriculteurs devraient utiliser d’autres outils, seuls ou combinés : désherbage mécanique et le travail superficiel du sol, labour, agro-équipements permettant le hachage de la végétation (afin d’éviter le recours à une destruction chimique totale), la culture sous mulchs vivants… L’Inra n’exclut pas l’usage d’autres pesticides : « l‘utilisation ciblée d’autres herbicides homologués (mais qui peuvent avoir des profils toxiques/écotoxiques plus défavorables que celui du glyphosate), pourra être nécessaire pendant une période de transition pour traiter les adventices vivaces qui résisteraient aux options précédentes ». Ces leviers, déjà expérimentés au sein du réseau Dephy Ecophyto, « sont donc possibles et même économiquement viables quand ils sont réfléchis avec l’optique d’un couplage des interventions pour en limiter le surcout, et dans une réflexion à l’échelle du système de culture », selon l’Institut.
A noter que, compte tenu des cours délais imposés à l’Inra, les impacts économiques et sur le temps de travail d’un arrêt du glyphosate, n’ont pour l’heure pas pu être chiffrés ni détaillés.
Des aides multiples à déployer
« La recherche et la recherche appliquée ont depuis plus de 20 ans réalisé des travaux pour minimiser les usages, voire se passer du recours aux produits phytopharmaceutiques », note le rapport. Et tous convergent vers « l’importance des mesures prophylactiques limitant la pression des adventices », souligne l’Inra. De fait, les principaux blocages pour se passer de cette molécule-phare de l’agrochimie sont structurels : des exploitations de grande taille, avec peu de personnel, la spécialisation des territoires qui « sélectionne une flore adventice difficile », et la demande de produits standardisés.
« Ce rapport va désormais être analysé par les services de l’Etat. Avec les autres travaux en cours, il permettra au gouvernement de présenter, lors de la clôture des Etats Généraux de l’alimentation, une feuille de route ambitieuse visant une agriculture moins dépendante aux pesticides, dont le glyphosate », ont déclaré les ministres de l’agriculture, de la transition écologique, de la santé et de la recherche. La feuille de route en question devrait être finalisée début 2018.
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