Alors que la France n’est pas parvenue à tenir ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour l’année 2016, le secteur du bâtiment est une fois de plus montré du doigt. Représentant près du quart des émissions de CO2 à l’échelle nationale, la filière constitue un des enjeux prioritaires dans la lutte contre le changement climatique et devrait être le fer de lance d’une politique de transition vers un parc de Bâtiments Bas Carbone. Au lieu de cela, la règlementation thermique actuelle continue de privilégier les énergies fossiles polluantes dans les logements malgré leurs coûts élevés et leurs effets nocifs aussi bien pour l’environnement et que pour la santé des usagers.
Le bâtiment, un des secteurs les plus émetteurs de CO2
L’urgence des enjeux climatiques et la volonté croissante de réduire nos consommations d’énergie, a remis à l’ordre du jour (via le projet de loi de transition énergétique) le rôle significatif du bâtiment dans la réduction des émissions de CO2 à l’échelle nationale et la nécessité de mettre en place un parc de Bâtiments Bas Carbone. Selon le dernier rapport de l’Ademe publié fin 2016, les bâtiments arrivent en tête du classement des secteurs les plus énergivores avec plus de 43% de la consommation énergétique française, et en troisième position du classement des secteurs les plus émetteurs de CO2 avec 19% des émissions nationales, derrière les transports et l’agriculture.
Un constat qui ne fait qu’empirer si l‘on croit les mauvais résultats de notre pays sur le plan des émissions de gaz à effet de serre pour l’année 2016. En effet, malgré la mise en place en novembre 2015 d’une stratégie nationale bas carbone (SNBC), la France aurait émis 463 millions de tonnes de gaz à effet de serre (en équivalent CO2) en 2016, soit 3,6% de plus que ce qui était prévu. Un dérapage qui s’explique en grande partie par la forte hausse des émissions dans les transports et le bâtiment donc, qui ont vu leurs rejets de CO2 augmenter respectivement de 6 et 11%.
Des énergies fossiles toujours privilégiées dans le bâtiment
Si notre ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, pointe du doigt des éléments conjoncturels comme la faiblesse des prix des énergies fossiles pour expliquer une telle dérive, la vraie question à se poser ici est surtout de savoir pourquoi le secteur a-t-il toujours recours dans de telles proportions aux énergies fossiles et pourquoi les usagers continuent de chauffer leur logement via des énergies carbonées ? Le secteur du bâtiment est celui qui affiche le plus gros potentiel d’économies d’énergie et de réduction d’émissions, et malgré toutes les bonnes intentions du gouvernement qui encourage avec plus ou moins de succès la rénovation énergétique (l’Anah n’a toujours pas réalisé ses objectifs de rénovation en 2017), le gaz et le fioul demeurent encore et toujours largement favorisés par les normes actuelles.
La Réglementation thermique 2012 (RT 2012) par exemple, dont le but affiché est de réduire la consommation énergétique des bâtiments et ainsi diminuer leurs émissions de carbone, a fixé une valeur maximale de 50 kWh/m2/an pour les nouveaux bâtiments, tout en conservant des coefficients inégalitaires selon les types d’énergie utilisée. Ainsi, bénéficiant d’un coefficient 1 contre 2.58 pour l’électricité (justifié par le fait que l’électricité n’existe pas à l’état naturel !), le fioul et le gaz sont privilégiés par les consommateurs qui peuvent consommer une quantité plus importante de combustibles tout en restant dans la norme. Pour exemple, une maison qui consomme 50 kWh de fioul à coefficient 1, sera dans la norme tandis qu’un logement équivalent équipé à l’électricité, et qui consomme lui aussi 50 kWh à coefficient 2.58, atteindra une note de 129 largement au-dessus du plafond autorisé.
Pollution intérieure et tarifs excessifs, le fioul sur le banc des accusés
Résultat, les chauffages au fioul représentent toujours près de 20% des foyers français et cela malgré les rejets de polluants qu’ils impliquent et des prix de moins en moins attractifs. Les polluants chimiques sont en effet très abondants et très courants dans l’air intérieur d’un logement chauffé au fioul, et le monoxyde de carbone ou CO (gaz incolore, inodore et mortel à forte concentration) se dégage en quantité importante quand des appareils de chauffage ou de production d’eau chaude à combustion sont mal entretenus ou fonctionnent dans une atmosphère confinée, appauvrie en oxygène.
Tout ça pour un coût qui n’est même plus aussi avantageux que par le passé. Considéré depuis toujours comme une énergie abordable aux performances excellentes, le fioul a vu ses prix s’envoler ces dernières années. Les chiffres 2017 des dépenses de chauffage des Français publiés par le site QuelleEnergie.fr sont en effet sans appel. Alors que les dépenses globales restaient relativement stables par rapport à 2016 (+4,5% à 1683 euros), le fioul a enregistré une hausse de plus de 18% en l’espace d’une année, les utilisateurs de fioul dépensant en moyenne 2230 euros pour leur chauffage en 2017, contre 1475 euros pour le gaz et 1750 euros pour l’électricité. Et cela ne fait que commencer. Avec la mise en place d’une fiscalité climatique à partir du 1er janvier 2018, une nouvelle hausse de 12% du prix du fioul est prévue, soit une facture alourdie en moyenne de 239 euros sur l’année. « Le fioul, énergie de chauffage fossile, devient de plus en plus onéreux et il est à contre-courant de toute notion d’éco responsabilité », explique Maël Thomas, Directeur Général de QuelleEnergie.fr.
Des alternatives subventionnées par l’Etat encore méconnues
Cela semble donc être le moment opportun pour changer d’installation et opter pour des équipements efficients à la fois plus économiques et durables. Plusieurs alternatives sont envisageables dans ce cadre comme le chauffage au bois qui est de loin la solution la plus économique (facture annuelle moyenne de 769 euros en 2017, en baisse de 5% par rapport à 2016), mais reste en revanche responsable de fortes émissions de CO2, ou la Pompe à chaleur (PAC), qui propose, malgré un coût d’installation élevé, le moyen le plus écologique et économique pour se chauffer en France.
Même si beaucoup de Français l’ignorent encore (50% des Français s’estiment mal informés au sujet des aides à leur disposition, selon un récent sondage PAP), des aides financières existent aujourd’hui pour convaincre les ménages de sauter le pas et d’abandonner une fois pour toute leur vieux système de chauffage au fioul. « Pour inciter les particuliers à rénover leur installation de chauffage et abandonner cette énergie, des aides de l’Etat existent. Malheureusement, trop peu de consommateurs le savent », poursuit Maël Thomas. Le gouvernement aurait donc tout intérêt à promouvoir davantage les aides mises en place en faveur de la rénovation énergétique et de favoriser enfin les énergies propres et peu émettrices de CO2 dans la réglementation thermique des bâtiments s’il veut à terme, avoir une chance de rattraper son retard d’objectifs dans les émissions de gaz à effet de serre.
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