Des décennies d’alpinisme « commercial » ont transformé le mont Everest en la décharge la plus haute du monde, alors qu’un nombre croissant d’alpinistes accordent peu d’attention à l’empreinte qu’ils laissent derrière eux.
Des tentes fluorescentes, des équipements d’escalade abandonnés, des bouteilles de gaz vides et même des excréments humains jonchent la route bien achalandée jusqu’au sommet du pic de 8 848 mètres.
« C’est dégueulasse, une horreur », a déclaré à l’AFP Pemba Dorji, qui a franchi l’Everest 18 fois. « La montagne comporte des tonnes de déchets. »
Une consigne de 4 000 $ pour inciter à ramener ses ordures
Depuis que le nombre de grimpeurs sur la montagne a grimpé en flèche – au moins 600 personnes ont escaladé le plus haut sommet du monde depuis début 2018 – le problème s’est aggravé.
Par ailleurs, la fonte des glaciers causée par le réchauffement climatique expose les déchets qui se sont accumulés sur la montagne depuis qu’Edmund Hillary et Tenzing Norgay ont fait la première ascension couronnée de succès, il y a de cela 65 ans.
Des efforts ont été entrepris. Il y a cinq ans, le Népal a mis en place d’une consigne d’une valeur de 4 000 dollars par équipe, qui serait remboursé si chaque grimpeur ramenait à l’issue au moins huit kilogrammes de déchets.
Du côté tibétain de la montagne de l’Himalaya, la même pratique a été instaurée, sachant qu’ils sont condamnés en plus à verser une amende de 100 dollars par kilogramme s’ils ne le font pas.
En 2017, les grimpeurs du Népal ont ramené près de 25 tonnes de déchets et 15 tonnes de déchets humains – selon le Comité de contrôle de la pollution de Sagarmatha (SPCC).
Cette saison encore davantage de déchets ont été redescendus, mais ce n’est qu’une fraction des déchets déversés chaque année, seulement la moitié des alpinistes transportent les quantités requises, selon le SPCC.
Au lieu de cela, de nombreux grimpeurs choisissent de renoncer à l’argent qu’ils ont déposé, ce qui représente une goutte dans l’océan par rapport aux 20 000 à 100 000 dollars qu’ils auront déboursés pour l’expérience.
Certains fonctionnaires aggravent le système en acceptant des petits pots-de-vin pour fermer les yeux sur ce qui se passe, regrette Pemba Dorji
« Il n’y a tout simplement pas assez de surveillance dans les campements d’altitude pour s’assurer que la montagne reste propre », ajoute-t-il.
« L’industrie Everest » a connu un essor au cours des deux dernières décennies.
Cela a fait émerger des préoccupations liées à la foule sur place ainsi que des craintes que des alpinistes de plus en plus inexpérimentés soient attirés par des opérateurs d’expédition à bas coûts en quête (désespérée) de clients.
Cette inexpérience exacerbe le problème des ordures, prévient Damian Benegas, qui gravit l’Everest depuis plus de deux décennies avec son frère jumeau Willie.
Les Sherpas, les guides de haute altitude et les travailleurs du groupe indigène local, transportent les articles les plus lourds, y compris les tentes, les bouteilles d’oxygène supplémentaires et les cordes tout en haut de la montagne, puis redescendent.
Auparavant, la plupart des grimpeurs prenaient leurs propres affaires comme des vêtements supplémentaires, de la nourriture, un sac de couchage ainsi que de l’oxygène supplémentaire. Dorénavant, tandis que la plupart des grimpeurs ne peuvent pas gérer ce poids, cela laisse les Sherpas tout transporter.
« Ils doivent porter l’équipement du client, qui se sent également incapable de transporter ses ordures », a déclaré Damian Benegas.
Il a ajouté que les opérateurs ont besoin d’employer plus d’experts de haute altitude pour s’assurer que tous les clients, leurs équipements et leurs déchets puissent monter et descendre la montagne en toute sécurité.
Pollution des cours d’eau
Les écologistes craignent que la pollution de l’Everest affecte également les sources d’eau dans la vallée.
À l’heure actuelle, les eaux usées du camp de base sont transportées jusqu’au village suivant (à une heure de marche) et déversées dans des tranchées.
« Cela s’écoule dans la rivière pendant la mousse », a déclaré Garry Porter, un ingénieur américain qui, avec son équipe, pourrait avoir une solution.
Ils envisagent d’installer une usine de biogaz près du camp de base de l’Everest qui transformerait les excréments des grimpeurs en engrais utile.
Une autre solution, estime Ang Tsering, ancien président de l’Association Népalaise d’Alpinisme, serait d’instaurer une équipe de collecte des ordures.
Asian Trekking, avec qui il travaille, et qui gère « l’expédition écologique de l’Everest» depuis dix ans, a éliminé plus de 18 tonnes de déchets pendant cette période, en plus du quota de huit kilos.
A noter que le mois dernier, une équipe de nettoyage de 30 personnes a récupéré 8,5 tonnes de déchets des pentes nordiques de la montagne, a rapporté le journal officiel Global Times de Chine.
« Ce n’est pas une tâche facile, le gouvernement doit motiver les groupes à nettoyer et appliquer les règles plus strictement », a déclaré Ang Tsering.
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