Les forêts vierges de la Terre ont rétréci chaque année de près de 90 000 kilomètres carrés – une superficie équivalente à celle de l’Autriche – de 2014 à 2016, soit 20% de plus que durant les 13 années précédentes, selon les résultats d’une étude présentée à Oxford.
Malgré les efforts menés par l’ONU pour stopper la déforestation, près de 10% des forêts encore intactes ont été fragmentées, dégradées ou simplement abattues depuis 2000, selon l’analyse de l’imagerie satellitaire.
La perte quotidienne moyenne au cours des 17 premières années de ce siècle était de plus de 200 kilomètres carrés.
« La dégradation de la forêt vierge représente une tragédie mondiale, car nous détruisons de manière systématique une base cruciale de la stabilité du climat», a déclaré Frances Seymour, éminente experte du World Resources Institute et contributrice de la recherche.
« Les forêts sont la seule infrastructure sûre, naturelle, éprouvée et abordable dont nous disposons pour capturer et stocker le carbone. »
11,6 millions de KM2 de forêts vierges restantes dans le monde en 2017
Les dernières frontières forestières jouent également un rôle essentiel dans le maintien de la biodiversité, la stabilité des conditions météorologiques, la qualité de l’air et la qualité de l’eau.
Quelque 500 millions de personnes dans le monde dépendent directement des forêts pour leur subsistance.
Les « paysages forestiers primaires» – qui peuvent inclure des zones humides et des pâturages naturels – sont définis comme des zones d’au moins 500 kilomètres carrés sans aucune preuve visible au travers des images satellites d’une utilisation humaine à grande échelle.
Concrètement, cela signifie : pas de routes, ni d’agriculture industrielle, de mines, de voies ferrées, de canaux ou de lignes de transmission.
En janvier 2017, il y avait environ 11,6 millions de kilomètres carrés de forêts dans le monde entier qui répondaient toujours à ces critères.
« De nombreux pays pourraient perdre toutes leurs terres forestières dans les 15 à 20 prochaines années », a déclaré à l’AFP Peter Potapov, professeur agrégé à l’Université du Maryland et chercheur principal de cette étude.
Selon les tendances actuelles, les forêts primaires disparaîtront d’ici 2030 au Paraguay, au Laos et en Guinée équatoriale, et d’ici à 2040 en République centrafricaine, au Nicaragua, au Myanmar (ex Birmanie), au Cambodge et en Angola.
« Il pourrait arriver dans le futur un moment où aucune zone du monde ne serait encore » primaire » », a déclaré Tom Evans, directeur de la conservation des forêts et de l’atténuation du changement climatique à la Wildlife Conservation Society. « C’est très inquiétant. »
Dans les pays tropicaux, les principales causes de la perte des forêts vierges sont la conversion à l’agriculture et l’exploitation forestière. Au Canada et aux États-Unis, le feu est le principal coupable, tandis qu’en Russie et en Australie, la destruction a été provoquée par les incendies, l’exploitation minière et l’extraction d’énergie.
Par rapport aux baisses annuelles constatées au cours de la période 2000-2013, la Russie a perdu, en moyenne, 90% de plus chaque année de 2014 à 2016. Pour l’Indonésie, cela correspondait à 62% et pour le Brésil 16%.
Un label contesté
« Les données à haute résolution, comme celles collectées par le programme Landsat, nous permettent de détecter l’altération causée par l’homme et la fragmentation des zones forestières », a déclaré Peter Potapov.
Présenté lors de la conférence « les forêts vierges au 21èmesiècle » de l’Université d’Oxford, le résultat de la recherche sera soumis à une publication évaluée par des pairs, a déclaré Peter Potapov.
S’adressant à des collègues du monde entier, il a également contesté l’efficacité d’un système de certification volontaire mondial.
Créée en 1994 et soutenue par des groupes écologiques tels que le World Wildlife Fund, la mission auto-proclamée du Forest Stewardship Council (FSC) est de « promouvoir une gestion écologiquement appropriée, socialement bénéfique et économiquement viable des forêts du monde».
De nombreux produits forestiers portent le label FSC, destiné à rassurer les consommateurs soucieux de l’environnement.
Mais selon les nouvelles analyses satellites, environ la moitié des paysages forestiers primaires des concessions certifiées FSC ont été perdus de 2000 à 2016 au Gabon et en République du Congo.
Au Cameroun, environ 90% des terres forestières contrôlées par le FSC ont disparu.
Les parcs nationaux et régionaux ont contribué à ralentir le rythme du déclin.
Malgré ces chiffres, les chercheurs ont constaté que les risques de perte de forêts étaient trois fois plus élevés en dehors des zones protégées qu’à l’intérieur de ces zones.
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