Selon une étude, l’exposition à la pollution de l’air aurait un impact sur la morphologie des spermatozoïdes et pourrait entraîner l’infertilité. Cette étude ne fait pas l’unanimité
On savait déjà que la pollution de l’air augmentait considérablement les risques de mourir d’un cancer du poumon, d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ou d’un infarctus.
Une étude publiée mardi 21 novembre dans la revue Occupational & Environmental Medecine suggère désormais qu’elle pourrait également expliquer l’infertilité d’un « nombre significatif de couples ». On estime aujourd’hui à 48,5 millions les couples sont touchés par l’infertilité dans le monde et la majorité des cas a pour origine l’homme.
Menée à Taïwan entre 2001 et 2014 sur une population de 6 457 hommes âgés de 15 à 49 ans, l’étude conclut à un « lien fort » entre l’exposition aux particules fines PM 2,5 (de diamètre inférieur à 2,5 µm) et une dégradation de la qualité du sperme.
Plus précisément, sur une période d’observation de deux ans, à chaque augmentation de 5 µg/m³ de PM 2,5 est associée une baisse de 1,29 % du nombre de spermatozoïdes à la morphologie (taille, forme et mouvement) normale et à une augmentation de 26 % du risque d’avoir un taux de spermatozoïdes normal limité à 10 %.
Les niveaux de PM2.5 ont été estimés pour l’adresse du domicile de chaque participant pendant une période de trois mois, correspondant à la durée nécessaire pour générer le sperme, et sur deux ans en moyenne, en utilisant une approche mathématique combinée aux données satellites de la NASA.
A l’inverse, une hausse de la concentration du sperme (1,03 x 106/ml) est également constatée.
La fiabilité de l’étude remise en question
Une explication qui n’a guère de fondements scientifiques, critique Sheena Lewis, professeur émérite de médecine reproductive à la Queen’s University de Belfast. L’étude basée sur l’observation n’établit « pas de lien de causal » entre la pollution et les modifications du sperme enregistrées, souligne le professeur Kevin McConway, statisticien (Open University, Royaume-Uni).
Les chercheurs ont tenu compte, statistiquement, de plusieurs facteurs tels que l’âge, l’éducation, l’indice de masse corporelle (qui mesure le surpoids), le tabagisme ou la consommation d’alcool, susceptibles d’influer sur les résultats.
Mais, argumente le Pr McConway, « ils ignoraient où travaillaient ces hommes » et n’avaient, par exemple, que des « informations limitées » sur leur exposition à d’éventuels effets nocifs au travail et « donc ne pouvaient pas prendre tout en compte ».
Pour sa part, le professeur Allan Pacey, spécialiste britannique d’andrologie, relève que « l’évaluation de la taille et de la forme des spermatozoïdes (morphologie) est l’un des tests les plus difficiles à réaliser » et peut donc être moins précise. En outre, ce critère ne serait pas aussi cliniquement pertinent qu’on le pensait, d’après de « nombreux médecins et scientifiques », note-t-il dans un commentaire auprès du Science Media Centre de Londres.
Minimiser l’impact de la pollution sur la santé reproductive
Jusqu’à maintenant, les études scientifiques avaient mis en évidence que l’exposition à des produits chimiques avait un effet néfaste sur la qualité du sperme mais ne s’était jamais intéressée au rôle que pouvait jouer la pollution de l’air.
Les auteurs de l’étude recommandent que d’autres recherches soient menées sur ce thème pour mieux cerner comment la pollution de l’air peut interférer sur le développement des spermatozoïdes. Même si des études complémentaires sont recommandées par les auteurs de l’étude, afin de mieux comprendre l’impact de la pollution de l’air sur le développement des spermatozoïdes, des études expérimentales ont déjà montré que de nombreux composants des particules fines, comme les métaux lourds et les hydrocarbures aromatiques polycycliques, étaient associés à une détérioration de la qualité du sperme.
Les auteurs en appellent donc à une « stratégie globale » pour minimiser l’impact de la pollution de l’air sur la santé reproductive. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise de limiter l’exposition aux PM 2,5 à 10 µg/m3 en moyenne annuelle. Des recommandations qui ne sont pas suivies au niveau de l’Union européenne, qui fixe depuis 2015 une limite de 25 µg/m3.
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