Respect des mannequins, bien-être animal : vers une mode plus éthique

Pendant longtemps, le milieu de la mode a eu tendance à considérer les mannequins et les animaux comme des objets exploitables à l’infini, sans considération pour leur bien-être. Dans le sillage du mouvement #MeToo et des préoccupations sociétales en faveur des animaux, les grands groupes de luxe modifient leurs pratiques et se posent en exemples pour le secteur.

« Les maisons de luxe qui n’embauchent (…) que des mannequins blanches ; les stylistes qui s’acharnent à faire travailler des mannequins de 15 ans (…) ; le harcèlement sexuel bien réel sur les séances photos ; (…) l’absence (…) de collation correcte dans les coulisses de défilés ; les conditions de vie pendant les fashion weeks avec (…) pas un siège pour s’asseoir, (…) ; les horaires des essayages totalement élastiques, où l’on peut attendre jusqu’à 4 heures du matin, sans rien à manger (…). Le grand réajustement moral qui s’est passé dans le cinéma avec l’affaire Weinstein va donc s’opérer dans la mode », écrit le journaliste Loïc Prigent dans l’édition du 13 septembre des Echos.

De l’affaire Weinstein à Cameron Russel : la parole des mannequins se libère

Si l’affaire Weinstein a fortement contribué à « libérer la parole » des mannequins femmes, selon l’expression consacrée, d’autres événements propres au monde de la mode ont servi de déclencheurs. Il y a eu « l’incident de la minuterie », également rappelé par Loïc Prigent – en février 2017, les modèles patientant dans l’escalier de Balenciaga, propriété du groupe Kering, avaient été abandonnées dans le noir pendant de longues minutes – et, une semaine après les premières révélations sur le producteur de cinéma hollywoodien, la publication sur son compte Instagram d’un message du mannequin américain Cameron Russel, reprenant le témoignage d’une consoeur lui racontant qu’un célèbre photographe avait abusé d’elle. A 15 ans.

Suivie par quelque 160 000 abonnés, la page de Cameron Russel devient alors un exutoire. Le mannequin y publie plusieurs dizaines de témoignages anonymes dénonçant le harcèlement sexuel dans le milieu de la mode. Un hashtag #MyJobShouldNotIncludeAbuse (« la maltraitance ne fait pas partie de mon métier ») fleurit sur les réseaux sociaux. En 2016 déjà, le site américain Models.com avait invité des mannequins à témoigner sur leurs difficiles conditions de travail, révélant un nombre important de cas de harcèlement sexuel. Les regards se sont alors portés sur le photographe star Terry Richardson, depuis banni des pages de Vogue, GQ, Vanity Fair ou I-D.

En septembre dernier, les groupes de luxe Kering et LVMH ont annoncé la création d’une « charte sur les relations de travail et le bien-être des mannequins ». Applicable à l’ensemble de leurs maisons et partout dans le monde, ce document contraint les marques « à ne travailler qu’avec des mannequins en possession d’un certificat médical valide (et) à supprimer de leurs demandes de casting la taille 32 chez les femmes et la taille 42 chez les hommes ». De plus, stipule la charte, « aucun mannequin de moins de 16 ans ne sera recruté pour participer à des défilés ou à des séances photos représentant des adultes».

« Le bien-être des mannequins est pour nous quelque chose de fondamental, a déclaré à cette occasion Antoine Arnault, membre du conseil d’administration de LVMH et directeur général de Berluti. En tant que groupe leader dans le domaine du luxe, nous estimons qu’il est de notre devoir d’être en première ligne sur cette initiative. Nous avons la responsabilité d’établir de nouveaux standards dans la mode, et nous espérons être suivis en cela par d’autres acteurs de notre secteur », peut-on lire sur le site Internet du groupe. Un comité de suivi est également mis sur pied, chargé de contrôler l’application de la charte au moins une fois par an.

Bien-être animal : des engagements forts

Si les groupes et grandes maisons du luxe se sont dotés de chartes protégeant les droits des mannequins, ils se sont aussi fortement engagés afin de prendre en compte le bien-être animal. C’est le cas, par exemple, de LVMH, qui « s’engage à n’utiliser que des espèces dont la conservation n’est pas menacée, à respecter CITES (la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) et à soutenir et encourager les efforts de conservation de ses fournisseurs ». Le numéro 1 mondial du luxe s’engage également à ce que « d’ici à 2025, 100% des matières premières d’origine animale (respectent) les meilleurs standards environnementaux, sociaux et de bien-être animal ».

Signe d’une prise de conscience de plus en plus importante de la société, l’utilisation de la fourrure est en déclin depuis plusieurs années. A l’instar de Burberry, de nombreuses marques de vêtements et de luxe ont annoncé renoncer à la fourrure animale, et la Fashion Week londonienne, qui vient de se terminer, a inauguré sa première édition « fur-free ». En France, la réglementation en matière de fourrure est très stricte, le piégeage des animaux sauvages étant interdits. Dans le monde cependant, 56 millions de bêtes sont encore tuées chaque année pour leur fourrure.

Julie Delorme

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