La Thaïlande submergée par les déchets de l’ouest après l’interdiction des importations par la Chine
Dans une usine déserte à l’extérieur de Bangkok, des « gratte-ciel » faits à partir de vastes blocs d’imprimantes écrasées, de consoles de jeux Xbox et de téléviseurs dominent les sols couverts d’écrans d’ordinateur brisés.
Cette image pourtant ne représente qu’une fraction infime des quelque 50 millions de tonnes de déchets électroniques générés chaque année au sien de l’Union Européenne et qui envahissent l’Asie du Sud-Est en provenance de l’UE, des États-Unis et du Japon.
Contamination de l’air et de l’eau
La Thaïlande, avec ses lois environnementales laxistes, est devenue le dépotoir pour ces déchets électroniques cette dernière année. Les autorités sont en train de réprimer ces lois, craignant que le pays ne devienne une « décharge mondiale». Les implications au niveau mondial pourraient être énormes.
Une usine de la province de Samut Prakan, au sud de Bangkok, fermée il y a plusieurs mois déjà lors d’un raid à la suite d’activités illégales, illustre l’ampleur gigantesque du problème. Les imprimantes fabriquées par Dell et HP, les téléviseurs Daewoo et les ordinateurs Apple étaient superposés à côté de piles précaires de claviers, de routeurs et de photocopieurs compressés. Les étiquettes indiquaient une provenance principale de l’étranger.
Pour les habitants, il est difficile de comprendre pourquoi la Thaïlande devrait récupérer ces déchets. L’usine de Samut Prakan est située au milieu de centaines de fermes à crevettes et elle craignait d’empoisonner le paysage, puisqu’aucune protection environnementale ni surveillance ne sont effectuées.
Paraton Gumkum, 32 ans, propriétaire d’une ferme de crevettes à proximité, a décrit l’odeur qui s’imprégnait dans la zone lorsque l’usine était en marche. « Je souhaite que la Thaïlande refuse les déchets électroniques. Je suis inquiet car cela contamine l’air et l’eau avec des produits chimiques dangereux », a-t-il déploré. « Nous craignions beaucoup que les produits chimiques ne s’infiltrent dans notre élevage de crevettes.»
Jusqu’en janvier 2018, la Chine était le destinataire volontaire des déchets électroniques du monde, qu’elle recyclait dans de vastes usines. Selon l’ONU, 70% de tous les déchets électroniques finissaient en Chine.
Mais après avoir calculé que l’impact environnemental l’emportait de loin sur les bénéfices à court terme, la Chine a fermé ses portes à pratiquement toutes les ordures étrangères. Cela a provoqué une sorte de crise mondiale, non seulement pour les déchets électroniques, mais également pour les déchets plastiques.
Déchets plastiques et électroniques, même combat
C’est alors que d’autres nations asiatiques telles que la Thaïlande, le Laos et le Cambodge sont intervenues. Des hommes d’affaires chinois s’efforcent depuis lors d’ouvrir une centaine d’usines de recyclage du plastique et des déchets électroniques en Thaïlande.
Toutefois, après plusieurs mois au cours desquels les importations de déchets électroniques ont augmenté (on pense que qu’une grande partie sont entrées illégalement), la Thaïlande est devenue le premier pays d’Asie du Sud-Est à suivre l’exemple de la Chine et à réprimer le droit légal et illégal de faire parvenir sur son sol des déchets électroniques.
« Nous avons déjà trop de déchets électroniques ici en Thaïlande. Il n’est pas de notre devoir de porter cette pollution du reste du monde à la prochaine génération de citoyens thaïlandais », a déclaré le chef adjoint de la police thaïlandaise, Wirachai Songmetta.
« Ces usines polluent l’environnement à cause de tous les métaux lourds contenus dans les déchets électroniques, comme le plomb et le cuivre, qui peuvent empoisonner le sol et l’eau », a-t-il déclaré. « Ils brûlent également le plastique, ce qui amène des vapeurs toxiques dans l’air. C’est donc très dangereux pour les Thaïlandais vivant à proximité de ces usines. »
Tandis que le mot recyclage sous-entend implicitement « faire du bien à la planète », la plupart des usines de recyclage de déchets électroniques utilisent en fait des procédés sales et toxiques pour extraire le plomb et le cuivre, qui causent d’énormes dégâts environnementaux. Le plastique contenu dans les déchets électroniques, tels que les boîtiers d’écrans d’ordinateur, contient également de grandes quantités de retardateurs de flamme qui sont toxiques en cas de combustion ou de recyclage dans des emballages alimentaires bon marché.
Les douaniers thaïlandais repoussent désormais chaque jour 20 conteneurs de déchets électroniques qui débarquent dans des ports thaïlandais. Le gouvernement envisage de légiférer pour interdire l’entrée de déchets électroniques et de déchets plastiques étrangers en Thaïlande dans les prochains mois.
Les pays américains et européens doivent prendre conscience qu’ils vont devoir commencer à recycler leurs propres déchets électroniques, cesser de faire porter les conséquences aux pays du sud, et en assumer la responsabilité.
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