L’urgence des énergies décarbonées pour lutter contre le changement climatique

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Avec la prise de conscience mondiale du réchauffement climatique, l’heure est à la réflexion pour trouver des solutions permettant d’atteindre réellement les objectifs fixés par l’Accord de Paris. Après plusieurs décennies de critiques, le nucléaire semble retrouver grâce aux yeux des institutions, des scientifiques et même des défenseurs de l’environnement.

Pour la première fois depuis 20 ans, la vénérable Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié mardi 28 mai un rapport sur l’énergie nucléaire. La raison ? Peser de son tout poids pour réhabiliter l’atome dans les politiques énergétiques nationales. L’AIE s’inquiète en effet des conséquences de son déclin annoncé pour les émissions de gaz à effet de serre mondiales. Pour l’agence, prolonger la durée de vie des centrales constituerait la solution la plus compétitive, économiquement et environnementalement, afin de continuer à bénéficier d’une électricité décarbonée à prix raisonnable et en quantité suffisante. « Ces dernières décennies, les énergies renouvelables ont connu une forte croissance et pourtant, la part des énergies non carbonées dans le monde est restée stable, alerte Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE. La raison est le déclin du nucléaire. Si les gouvernements ne modifient pas leurs politiques actuelles, les économies avancées seront en chemin pour perdre les deux-tiers de leur flotte nucléaire, risquant une énorme augmentation des émissions de CO2. » Selon l’AIE, le remplacement des réacteurs nucléaires arrivant en fin de vie par des installations d’énergies renouvelables coûterait beaucoup trop cher pour obtenir un système énergétique durable. « Remplacer le nucléaire à 100 % par des énergies renouvelables n’est tout simplement pas possible, affirme Fatih Birol. Dans les 20 prochaines années, si l’on ne remplaçait pas les centrales nucléaires fermées ou si on ne les prolonge pas, il faudrait construire cinq fois plus de capacités renouvelables [que ces 20 dernières années]. » Or, rallonger la durée de vie des centrales existantes reviendrait moins cher que de construire de nouvelles installations nucléaires, solaires, éoliennes ou à gaz, assure-t-il.

Le nucléaire devient-il populaire ?

Pour pallier l’insuffisance du développement des énergies vertes, il faudrait même augmenter la production d’énergie nucléaire de 80 % d’ici 2040, recommande l’AIE. Une trajectoire dans laquelle s’inscrit parfaitement la Chine, où 11 réacteurs sont actuellement en construction, soit 20 % des projets mondiaux. D’ici sept ans, l’Empire du Milieu deviendra ainsi la première puissance nucléaire au monde, détrônant les États-Unis et son parc vieillissant. Contrairement aux énergies solaires, éoliennes, l’atome ne souffre pas de l’intermittence des éléments. Son exploitation émet seulement 12 grammes d’équivalent C02 par KWh produit, soit autant que l’éolien, deux fois moins que l’hydroélectricité (24 grammes), 40 fois moins que le gaz (490 grammes) et près de 70 fois moins que le charbon (820 grammes), selon la SFEN (Société française d’énergie nucléaire). Loin d’être un pavé dans la mare, les conclusions de l’AIE font écho à une théorie de plus en plus audible dans le paysage politico-médiatique : celle que seul le nucléaire peut permettre de limiter la hausse de la température terrestre d’1,5 à 2°C d’ici 2100 par rapport à l’ère préindustrielle, comme défini par l’Accord de Paris. Conscients de l’intérêt de décarbonation de l’atome, scientifiques, défenseurs de l’environnement et personnalités publiques n’hésitent plus à relayer le message de l’AIE, comme du GIEC. Le Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a ainsi rappelé dans son dernier rapport que les émissions mondiales de gaz à effet de serre devaient initier le décroissance « bien avant 2030 » pour « éviter le pire ». En décembre 2018, Jean-Louis Étienne, explorateur mondialement connu, a déclaré qu’ « il ne fa[llai]t pas arrêter la recherche sur le nucléaire ». Bill Gates, le fondateur de Microsoft, a quant à lui plaidé la cause du nucléaire au Congrès américain. « Le nucléaire est idéal pour lutter contre le changement climatique car il s’agit de la seule source d’énergie évolutive sans carbone, disponible 24 heures sur 24 », a-t-il dit.

Des énergies vertes loin d’être suffisantes

En mars, l’auteur écologiste américain Michael Shellenberger s’est même fendu d’une tribune dans le magazine australien Quillette pour défendre l’énergie nucléaire. Selon lui, l’atome, par sa densité énergétique et la taille très réduite de ses déchets, serait beaucoup plus pertinent que n’importe quelle autre source d’énergie, y compris renouvelable. Outre les millions d’oiseaux tués chaque année par les pâles d’éoliennes et les milliers d’animaux déplacés pour installer des parcs solaires très étendus en surface, le militant explique que le nucléaire a déjà permis de sauver près de deux millions de vies humaines des conséquences de la pollution atmosphérique. Il va même jusqu’à affirmer que les énergies renouvelables, sur l’ensemble de leur cycle de vie, ne sont pas viables écologiquement et économiquement. En prenant des exemples locaux, Michael Shellenberger démontre que la réduction du nucléaire et l’essor des énergies renouvelables, souvent associés à un recours aux énergies fossiles, n’ont fait qu’augmenter le prix de l’électricité sans faire baisser les émissions de CO2. En Californie, où le coût des panneaux solaires a diminué de 75 % entre 2011 et 2017, le prix de l’électricité a augmenté cinq fois plus vite que dans le reste des États-Unis. En Allemagne, où les centrales de charbon ont rouvert en prévision de la sortie du nucléaire en 2022, les 580 milliards de dollars investis dans les énergies vertes jusqu’en 2025 ont fait bondir le prix de l’électricité de 50 %  tandis que les émissions de GES ont stagné depuis 2009. Quant à la France, les 33 milliards de dollars déboursés pour les EnR ces 10 dernières années n’ont pas non plus empêché les tarifs d’augmenter… « Maintenant que nous savons que les énergies renouvelables ne vont pas sauver la planète, allons-nous réellement rester les bras croisés et les laisser la détruire ? », interroge-t-il en référence aux opposants au nucléaire.

La France vers un faux-pas

La situation énergétique de l’Hexagone est pourtant proche des recommandations de l’AIE. La deuxième puissance nucléaire au monde dispose d’un mix électrique constitué à plus de 70 % par l’atome. Les 58 réacteurs répartis sur le territoire français garantissent une sécurité d’approvisionnement élevée, avec une capacité de variation de puissance de 20 % à 100 % en une demi-heure, ainsi qu’un prix de l’électricité parmi les plus bas d’Europe. La France est ainsi un des six pays européens les moins émetteurs de CO2 pour leur production électrique (16 g CO2/KWh contre 300 pour la moyenne européenne). Les atouts du nucléaire devraient se révéler d’autant plus précieux que d’ici 2050, la production électrique mondiale devra doubler tout en diminuant de moitié les émissions de CO2 pour espérer atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Mais alors que bon nombre de centrales arrivent en fin de vie, le gouvernement prévoit non pas d’allonger leur durée d’exploitation, comme recommandé par l’AIE, mais au contraire de réduire la voilure. Fin novembre, suite au débat public sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), Emmanuel Macron a annoncé la fermeture de 14 réacteurs d’ici 2035 pour diminuer la part du nucléaire à 50 % du mix électrique national. Face aux conséquences néfastes d’une telle décision sur le bilan carbone de la France, le chef de l’État n’a toutefois pas fermé la porte à la construction de nouvelles centrales à l’avenir. Une possibilité qui rejoint l’une des solutions proposées par l’AIE, à savoir la construction de réacteurs de petite taille, plus économiques et plus faciles à implanter, comme les SMR (« small modular reactor »). D’une manière ou d’une autre, l’énergie nucléaire ne semble donc pas prête de disparaître…

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