E-commerce : la rançon (environnementale) du succès

Le e-commerce explose partout dans le monde. Un mode de consommation qui a toutefois un impact négatif sur l’environnement. 

Au commencement était le vert

En plein boom depuis 10 ans, le commerce sur internet a engendré un chiffre d’affaires ayant, rien qu’en France, dépassé les 90 milliards d’euros en 2018. Un chiffre en hausse de 13,4% par rapport à 2018, et qui devrait connaître une croissance similaire cette année.

Ce nouveau mode de consommation aurait dû constituer une bonne nouvelle pour l’environnement. En tout cas selon la Fédération du e-commerce, qui prétend que la vente à distance génère 4 fois moins de CO2 qu’un achat classique. Selon l’organisation professionnelle, le « tour des magasins » que réalisent les clients en voiture serait remplacé par le passage d’un seul camion de livraison, économisant au passage un rejet de CO2 dans l’atmosphère. Tendance qui aurait dû être renforcée par un gain énergétique réalisé dans les entrepôts de stockages, où les marchandises n’auraient pas à être mises en valeur (moins d’éclairage) tout en réalisant un gain s’espace de stockage. La réalité est pourtant bien différente.

Un engrenage néfaste pour l’environnement

Malgré ses avantages évidents, tout n’est pas vert au royaume du e-commerce. Un examen plus attentif met à mal l’image d’Épinal que tentent d’imposer les professionnels du secteur. La navigation sur internet, par exemple, nécessite des milliers de serveurs (qui hébergent les sites ou permettent de naviguer entre eux) qui, compte tenu de leur taille et de leur besoin d’être refroidis en permanence, sont énergivores.

Si la livraison à domicile était à l’origine source d’économie d’énergie, la multiplication des colis et des livraisons express est en train de renverser la tendance. « Le commerce électronique présente des avantages sur le plan climatique, mais ceux-ci disparaissent peu à peu au profit de la diminution du temps de livraison » explique ainsi Miguel Jaller, professeur à l’Université de Californie.

Et de fait, les livraisons en moins de 24h — voire même 2 heures dans certains cas — se multiplient. Lancée par Amazon avec son offre Prime (qui livre jusqu’à 100 millions de produits, quelle que soit leur taille), les expéditions ultrarapides sont dorénavant proposées aux États-Unis par Target et Wal-Mart, le numéro 1 de la grande distribution. Les géants du e-commerce entendent ainsi éliminer le dernier inconvénient qui les pénalisait par rapport au commerce de proximité : l’immédiateté de l’achat.

Cette facilité et cette rapidité encouragent les e-consommateurs à réaliser de plus en plus de commandes qui peuvent concerner des produits du quotidien, de petite taille et/ou de faible valeur, comme le montre la baisse du prix du panier moyen en ligne (qui avoisine encore les 60€ en France). Or, au lieu d’être regroupés dans un colis contenant plusieurs articles, ces multiples produits sont fréquemment envoyés seuls, ce qui augmente le nombre d’allers-retours de véhicules (parfois presque vides !) entre les points de livraison et les entrepôts – entrepôts dont le nombre explose en périphérie des villes en raison d’une absence de mutualisation et afin de permettre des livraisons toujours plus rapides.

L’équivalent de 7 millions de voitures

 Cette multiplication des expéditions est telle qu’aux États-Unis les émissions de gaz à effet de serre de FedEx, d’UPS et d’US Postal équivalent aux émissions annuelles de plus de 7 millions de voitures. Au total, elles représentent désormais 0,5 % des 6 milliards de tonnes de CO2 émises chaque année par la première puissance mondiale. Cela peut paraître marginal, mais ce chiffre est en croissance constante et rapide – et ne prend même pas en compte les livraisons du géant Amazon.

Et ce n’est pas tout : le matériel d’empaquetage des colis est l’un des principaux moteurs de la crise mondiale des déchets plastiques, et l’emploi souvent abusif de cartons d’emballage accentue la déforestation. Tant au niveau de son empreinte carbone que de sa consommation de ressources naturelles, une proportion de plus en plus importante d’achats sur internet a désormais un impact négatif sur l’environnement. Un contrecoup environnemental qui s’accompagne par ailleurs d’un coût fiscal, les géants comme Amazon ne payant ni la taxe sur les surfaces commerciales ni la taxe GAFAM pourtant instaurée dans le but de lutter contre la concurrence déloyale dans le numérique. Plutôt que des mesurettes appliquées de façon homéopathique, le gouvernement devrait d’avantage embrasser une révolution holistique qui, entre fiscalité et écologie, adresserait les sujets de suremballage, de camion tournant à vide et d’envois gratuit. Moderniser le principe de pollueur, payeur en somme.

 

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