Les mentalités évoluent et la prise de conscience s’accélère, selon le baromètre de la perception du changement climatique réalisé par EDF et Ipsos dans 30 pays.
En matière de réchauffement climatique, chacun voit midi à sa porte. C’était le principal enseignement d’une étude menée par la société d’études de marché YouGov dans 28 pays et publiée le 15 septembre.
Les pays producteurs d’hydrocarbures sont, en effet, les pus climatosceptiques, révélait l’étude. Ainsi, seuls 35 % des Norvégiens et des Saoudiens sont enclins à penser que le changement climatique est en train de se produire et que l’humanité est au moins en partie responsable. Et ce, alors que seulement 0 à 6 % des personnes interrogées par YouGov pensent qu’il n’y a aucun changement climatique et qu’elles ne sont que 1 à 9 % à affirmer que le changement climatique se produit, mais qu’il n’a rien à voir avec les activités humaines.
Cet enseignement vient d’être rigoureusement confirmé par une grande étude menée par EDF et Ipsos dans 30 pays. Selon l’Observatoire international Climat et opinions publiques (Obs’COP 2019), le changement climatique est une réalité « incontestée par quasiment tous les répondants dans le monde : 92 % sont convaincus que le changement climatique est une réalité et 62 % de manière certaine ».
Seulement, si 69 % des habitants de la planète pensent que le phénomène est causé par l’homme, ils sont 23 % à l’attribuer à un phénomène naturel ou inconnu. Les Saoudiens, les Australiens, les Américains, les Chinois et les Norvégiens, soit les habitants des pays très émetteurs de CO2, sont les plus sceptiques quant à l’origine humaine du changement climatique.
Afin de réaliser ce baromètre de la perception du changement climatique, l’électricien français et l’institut de sondages ont posé 29 questions à plus de 24 000 personnes dans 30 pays.
Campagnes de désinformation
Sans surprise, les personnes ayant déjà subi les effets du réchauffement climatique sont les moins susceptibles de méconnaître ou de nier le phénomène. Ce qui rappelle au passage que les pays les plus émetteurs de CO2 (la Chine, les Etats-Unis, l’Inde) ne sont pas nécessairement ceux où les effets du réchauffement climatique se font le plus ressentir.
Ainsi, près de 8 personnes sur 10 (78 %) constatent les effets du réchauffement climatique dans leur propre région, mais il s’agit principalement d’habitants des pays du sud (Colombie, Chili, Inde, Brésil). Inversement, les Européens (en particulier les Espagnols, les Italiens, les Polonais et les Britanniques) ou encore les Japonais disent n’avoir remarqué que faiblement les conséquences du changement climatique.
Alors, comment expliquer que les populations des plus gros émetteurs soient pour partie plongées dans une forme de déni ? De nombreux chercheurs se sont penchés sur la question et ont émis plusieurs hypothèses. Pour Riley E. Dunlap, du département de sociologie de l’université d’Etat de l’Oklahoma, cela est loin d’être un hasard.
« Dès le début, une campagne de « désinformation » a utilisé la complexité du réchauffement climatique dû aux activités humaines et les incertitudes inévitables de la recherche scientifique pour susciter le scepticisme et le déni », dénonce le chercheur, pour qui la principale stratégie employée par cette campagne a été de « fabriquer de l’inconscience » en attaquant la science et les scientifiques.
Vers la fin du climatoscepticisme ?
Dans son livre Tout peut changer. Capitalisme & changement climatique (Actes Sud, 2015), la célèbre journaliste, essayiste, réalisatrice et altermondialiste nord-américaine Naomi Klein pointe du doigt les intérêts industriels opposés à la réglementation ou la taxation de CO2, en particulier les lobbies du charbon et des énergies fossiles.
En 2017, une étude réalisée par deux professeurs de l’université Harvard et publiée dans Environmental Research Letter mettait au jour le double discours tenu par le pétrolier Exxon Mobil pendant plus de 40 ans.
Alors que 83 % des publications scientifiques et 80 % des documents internes étudiés entre 1977 et 2014 reconnaissaient que le changement climatique est « réel et causé par les hommes », la grande majorité (81 %) des publirédactionnels diffusés par la société dans le New York Times au cours de la même période exprimaient un doute sur la question.
Mais les mentalités évoluent et la prise de conscience s’accélère. Selon l’Obs’COP 2019, les trois quarts des habitants des pays interrogés se disent plus inquiets qu’il y a cinq ans : 37 % se disent « beaucoup plus » inquiets et 37 % « un peu plus inquiets ». Les Sud-Américains sont particulièrement concernés : 69 % des Colombiens, 65 % des Chiliens, 60 % des Mexicains et 52 % des Brésiliens se déclarent « beaucoup plus inquiets » qu’il y a cinq ans.
Enfin, les jeunes sont également « beaucoup plus inquiets » que leurs aînés, notamment en Europe (43 % vs 30 % pour les 55 ans et plus) et en Amérique du Nord (44 % vs 27 % pour les 55 ans et plus). Les jours du climatoscepticisme seraient-ils comptés ?
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