Le nucléaire au secours de la voiture électrique en Europe ?

Nucléaire voiture électrique

Alors que les ventes européennes de voitures électriques affichent une croissance à deux chiffres, la mutation du marché automobile requiert encore d’importants efforts. Mais le passage au tout électrique demande aussi des capacités de production adaptées à la future explosion de la demande en électricité.

Avec 39 % de ventes supplémentaires en 2017 et 33 % en 2018, le marché européen du véhicule électrique ne pourrait pas mieux se porter…en apparence ! En France aussi, la progression sur le premier semestre 2019 s’est élevée à 46 %, un taux à faire saliver n’importe quel secteur d’activité. Et pourtant, la mutation du moteur thermique à l’électrique n’est pas aussi rapide que prévu. Dans l’Hexagone, le cap des 200 000 voitures électriques a été dépassé en octobre 2019, mais elles ne représentent encore que 1,5 % du parc automobile national. En Europe, 408 000 véhicules à batteries ont été immatriculés en 2018, soit à peine 2,7 % du marché. C’est beaucoup moins que les projections du cabinet PwC qui prévoyait que 40 % du parc automobile européen serait converti à l’électrique en 2023… Face à ce retard au décollage, l’Union européenne entend opérer une transition au forceps. Suite à un accord conclu en 2013 entre le Parlement et la Commission, les constructeurs européens ne respectant pas les normes en matière d’émissions de CO2 au 31 décembre 2020 (95 g par km) seront sanctionnés à hauteur 95 euros par gramme excédentaire sur chaque voiture vendue. En 2018, les émissions moyennes oscillaient entre 117 et 118 g/km pour les véhicules à essence et 110 g/km pour ceux au diesel. Bruxelles s’apprêteraient donc à infliger entre 500 millions et 1 milliard d’euros d’amendes par marque à acquitter en 2021, estime un récent rapport commandé par Emmanuel Macron.

Pour compenser la menace européenne tout en se donnant les moyens d’atteindre l’objectif gouvernemental d’un million de véhicules électriques d’ici 2022, le gouvernement français s’est engagé à aider les constructeurs automobiles tricolores. En février, il a annoncé la mobilisation de 700 millions d’euros sur cinq ans pour développer un « Airbus des batteries » pour voitures électriques. Début décembre, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a pour sa part promis une aide estimée à 50 millions d’euros, qui sera prélevée sur les véhicules les plus polluants (plus de 173 g/km de CO2). Une goutte d’eau par rapport aux 145 milliards d’euros investis dans l’électrique par les constructeurs au niveau mondial… Et qui n’ont pas encore suffi à gommer les freins à l’achat.

Car malgré ces investissements conséquents, le développement de l’offre de modèles (près de 200 d’ici 2021) et la baisse des prix à venir, la demande européenne resterait insuffisante, voire « nulle », comme l’a déclaré Klaus Fröhlich, directeur du développement de BMW, fin juin. Selon Guillaume Crunelle, du cabinet Deloitte France, le principal blocage résiderait en effet dans le manque d’infrastructures de recharge. Selon l’association des constructeurs européens (ACEA), l’Europe ne compterait actuellement que 161 000 points de recharge, contre 1,2 million nécessaire en 2025…

 

La filière nucléaire fait valoir ses atouts

Si la mutation électrique des transports se révèle plus lente que prévu, elle implique également de pouvoir répondre à la future explosion de la demande en électricité. Dans un marché de l’énergie en tension et sujet à d’importantes variations des prix, l’approvisionnement en électricité revêt donc un enjeu capital. Pressée de verdir son parc automobile, l’Union européenne ne pourra probablement pas se passer de son parc nucléaire.

Dans l’UE, la part de production nucléaire dans le mix électrique est proche de 26 %, contre à peine 11 % au niveau mondial. Le rôle de l’atome est même prédominant dans de nombreux pays européens. Leader continental avec 48 % de la production nucléaire, la France dépend à 71,6 % de l’atome pour sa consommation d’électricité. En Suède, Belgique, Suisse, République Tchèque, Slovaquie, Slovénie, Hongrie et Bulgarie, le nucléaire occupe également une part centrale, comprise entre 30 % et 60 % du mix électrique, selon RTE.

Malgré certaines critiques, la filière nucléaire semble pourtant appelée à jouer un rôle incontournable pour accompagner et accélérer le développement du transport électrique en Europe. Car face à la timide contribution des énergies renouvelables qui peinent à émerger dans le mix électrique continental, l’atome fait valoir plusieurs atouts de poids. Au premier rang desquels figure la stabilité de production, qui permet de faciliter l’effacement électrique. Cette caractéristique présente un intérêt majeur dans l’optique du tout électrique : celui de pouvoir « lisser » les futurs pics de consommation en fin de journée, quand les utilisateurs seront les plus nombreux à recharger leur voiture en rentrant du travail. Impossible de satisfaire la consommation électrique de plusieurs dizaines de millions d’automobilistes européens à heure fixe, chaque soir, en se reposant sur l’intermittence des énergies renouvelables.

La garantie d’une électricité peu chère grâce au nucléaire est également un argument important pour la transition vers des véhicules propres. Sans garantie de prix bas pour recharger leurs batteries, les consommateurs ne franchiront pas le pas d’acheter une voiture électrique.

Dernier avantage, et pas des moindres : la dimension décarbonnée de l’électricité produite par les centrales nucléaires, contre lequel les modèles thermiques ne peuvent évidemment pas lutter. En effet, difficile d’imaginer que les autorités européennes poussent le consommateur vers les véhicules électriques, si c’est pour approvisionner en énergie ces voitures avec des centrales au gaz ou à charbon…

Si la voiture électrique semble s’imposer comme un moyen de transport incontournable à l’avenir, l’Europe pourra donc difficilement se passer de la filière nucléaire pour pourvoir à la demande en électricité.

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