Avec l’arrivée en fin de vie de la première génération d’éoliennes se profile leur remplacement par des modèles plus performants. Ce procédé, baptisé « repowering », pourrait permettre à la filière éolienne d’atteindre ses objectifs décennaux.
Depuis un peu plus d’un an, les acteurs des énergies renouvelables disposent d’objectifs précis à tenir pour 2028. Fin novembre 2018, le gouvernement a en effet dévoilé sa programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour la décennie en cours. Afin d’accélérer la transition énergétique de la France, la production d’énergie solaire devra ainsi être multipliée par cinq ; et celle de l’éolien par 2,5. Moins ambitieux à première vue, les objectifs nationaux pour l’éolien prennent toutefois en considération les contraintes propres à la filière, à savoir la complexité entourant la construction d’un parc sur le territoire français. Contrairement aux panneaux photovoltaïques qui se fondent dans les sols ou les toitures, les installations éoliennes sont plus imposantes dans le paysage. Leur implantation nécessite au préalable d’importants travaux d’étude ainsi que la conduite d’un débat public local, qui astreignent chaque projet à plusieurs longues années d’attente avant un éventuel feu vert. Pour atteindre les 34,1 GW inscrits dans la PPE pour 2028 (contre 15 GW fin 2018), le « repowering » pourrait représenter un atout au service de la filière éolienne française et internationale.
Le repowering, quèsaco ?
Traduit en français par « renouvellement », cet anglicisme désigne plus précisément le « remplacement » partiel ou intégral d’une éolienne en fin d’exploitation par un modèle plus performant. En France, ce type d’opération n’en est qu’à ses balbutiements, les premiers parcs éoliens n’ayant été mis en service qu’au tout début des années 2000. Le repowering est en revanche déjà répandu au Danemark, où les premières turbines à vent ont commencé à essaimer dans les années 70. Le principe est simple : remplacer les anciennes éoliennes peu performantes (moins d’1 MW) par de plus récentes à la puissance trois à quatre fois supérieure (jusqu’à 4 MW). En 20 ans, la technologie a fortement évolué et gagné en rendement. Avec le même nombre de mâts, il est possible de produire beaucoup plus d’électricité qu’auparavant. Dans le parc danois de Klim, le récent remplacement des 35 éoliennes de 600 kW par 22 unités de 3,2 MW a permis de multiplier par plus de trois la puissance installée tout en réduisant le nombre de mâts d’un tiers. En France aussi, le repowering doit permettre de limiter le nombre d’éoliennes neuves à construire. Pour multiplier par 2,5 sa capacité, le parc éolien français devrait passer de 8 000 à 14 500 mâts d’ici 2028, soit une augmentation de seulement 6 500 unités (+81 %), d’après Christophe Soulier, responsable Nouveaux projets et repowering au sein du groupe RES spécialisé dans le développement d’éoliennes terrestres.« Dans six ans, cela devrait représenter 5,5 GW », soit plus d’un tiers du parc actuel, estime-t-il.
Des avantages décisifs
Parce qu’il ne nécessite pas de construire de nouveaux parcs, le repowering ouvre également la porte à d’autres avantages, comme la réduction des contraintes et des délais de réalisation des projets. Les remplacements de mâts, turbines et autres pales d’éolienne s’effectuant sur des sites déjà existants, donc autorisés, et acceptés par la population. « Le développement de tels projets bénéficie du retour d’expérience et des suivis environnementaux effectués pour le parc existant, confirme Paul Elfassi, associé chez BCTG Avocats. Les enjeux propres à chaque site, dont les impacts sonores, sont mieux pris en compte. Et dans tous les cas, les éoliennes sont modernisées et optimisées sans consommer d’espace supplémentaire à des endroits où les parcs sont déjà bien acceptés socialement. » Si le nouvel ouvrage ne dépasse pas plus de 10 % la taille de l’ancien, son aménagement ne nécessite pas de nouvelle demande d’autorisation. Entre 10 et 50 %, l’instruction des dossiers s’effectue au cas par cas afin de déterminer si une procédure simplifiée peut être accordée ou non. « Cela laisse une large plage d’interprétation aux administration, note Christophe Soulier de RES. À nous de prouver que les impacts [sur l’environnement alentour] restent inchangés. » Et lorsque l’augmentation de la taille s’élève à plus de 50 %, une nouvelle évaluation administrative s’impose… Pour les développeurs d’éoliennes, mieux vaut donc privilégier les projets bénéficiant d’une procédure simplifiée s’ils veulent les mener à bien dans des délais raisonnables. D’autant que dans ce cas de figure, ils bénéficient également de l’antériorité des réglementations, qui se sont souvent durcies au fil des années.
Premiers renouvellements de parc éoliens en France
En France, les premiers projets de repowering ont été lancés récemment. Celui du parc éolien de Petit-Canal (Guadeloupe), opéré par EDF Renouvelables, a ainsi démarré en octobre 2018. Ses 32 éoliennes, installées en 1999, produisaient un total de 7 MW. Elles ont été remplacées par 10 unités plus performantes, qui génèrent désormais 9 MW. Les nouvelles éoliennes disposent d’une technologie anticyclonique innovante mais aussi d’un système de stockage qui permet de maintenir l’alimentation électrique, même en cas de cyclone ou de coupure de courant. À terme, un total de 14 éoliennes fournira 12,6 MW de puissance installée, soit assez d’électricité pour alimenter près de 12 000 habitants. À l’échelle du territoire, la Guadeloupe prévoit ainsi, grâce au repowering, d’augmenter ses capacités éoliennes de 82 MW d’ici 2023. Deux mois plus tôt, un premier projet de renouvellement a pris fin au parc de Goulien, dans le Finistère. L’opération menée par l’entreprise Quadran (Groupe Direct Énergie) a duré moins d’un an et a permis de remplacer les huit unités de 750 kW par de plus récentes de 800 kW. Bien qu’à peine plus puissantes sur le papier, les nouvelles éoliennes sont en revanche beaucoup plus adaptées au fort souffle du vent. Elles ont permis une amélioration de la production électrique d’environ 20 %. En Ardèche, un projet de repowering est, quant à lui, en cours sur le parc éolien de Cham Longe, à près de 1 500 m d’altitude. Situé dans une zone de radars aériens, il ne pouvait pas accueillir d’éoliennes plus hautes que les précédentes. Bénéficiant d’une procédure simplifiée, le chantier piloté par Boralex a obtenu une autorisation rapide pour démanteler et remplacer 12 des 14 éoliennes du site. Les nouveaux modèles seront plus performants, avec des équipements permettant là aussi de fonctionner en toutes circonstances météorologiques. Une fois le renouvellement terminé, le parc devrait afficher 77 % de rendement en plus en 2020 (39,95 MW contre 22,6 auparavant).
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