Longtemps voué aux gémonies, le plastique signe un retour fracassant – et inquiétant – à l’occasion de la crise sanitaire. Car pour protéger les aliments d’une éventuelle contamination, les emballages plastiques ont prospérées ces dernières semaines dans les étals des magasins.
« Le plastique, c’est fantastique » : la célèbre ritournelle destinée, lors des terribles années Sida, à convaincre les Français d’adopter le port du préservatif, pourrait bien redevenir à la mode. La faute à un autre virus, le Covid-19, qui a engendré une nouvelle pandémie mondiale aux effets dévastateurs. La crise sanitaire et le confinement ont entraîné un retour en force du plastique, tout en faisant exploser les ventes de produits jetables, jugés plus « hygiéniques » et protecteurs que leurs équivalents réutilisables.
Le retour en grâce du plastique
Un certain nombre de phénomènes encouragés par l’épidémie et ses conséquences ont par ailleurs contribué à recourir au plastique sous tous ses usages : fermeture des marchés de plein air, suremballage des fruits et légumes en supermarchés, courses effectuées online et par « drive », achat et renouvellement de produits de protection (masques, gants, visières – le plus souvent en plastique ou en contenant), etc. En plein cœur de la crise sanitaire, « l’objectif était de faire ses courses rapidement et l’hygiénisme amenait à envisager un retour à l’emballage », résume auprès du Figaro le consultant en agroalimentaire Philippe Goetzmann.
L’emballage plastique correspond à « une attente des consommateurs qui se méfient du vrac, pour les fruits et légumes notamment. L’environnement passe au second plan », confirme dans les mêmes pages la cofondatrice de l’Observatoire de société et de consommation (Obsoco), Nathalie Damry. Des habitudes qui risquent de durer. Déconfinés, les Français ne semblent en effet pas prêts à reprendre des risques pour leur santé et celle de leurs proches, tournant volontiers le dos à des années d’efforts et de promotion, par les pouvoirs publics, d’un mode de vie plus respectueux de l’environnement.
Hasard du calendrier, les premiers cas de Covid-19 se sont déclarés en France peu de temps après le vote de la loi du 1er janvier 2020, dite loi « sur l’économie circulaire ». Celle-ci prévoit notamment l’interdiction des emballages à usage unique d’ici à 2040, ses premiers décrets d’application devant entrer en vigueur cette année. La crise sanitaire a fourni aux industriels du plastique l’occasion, inespérée de leur point de vue, de promouvoir à nouveau leurs produits tombés en disgrâce : « tous ces lobbies, on les a fait sortir par la grande porte à l’occasion de la loi antigaspillage (…) et ils sont en train de revenir par la fenêtre », déplorait ainsi la secrétaire d’Etat à la Transition écologique, Brune Poirson.
Vers la fin du plastique chez Danone ?
La crise liée au Covid-19 signera-t-elle donc le retour irrémédiable du plastique – avec ses conséquences potentiellement désastreuses sur l’environnement, que l’on parle de sa production, grande consommatrice d’énergies fossiles, ou de la pollution qu’il engendre, les micro-plastiques se retrouvant aussi bien au fond des océans que dans nos assiettes ? Ce serait oublier un peu vite que la crise sanitaire a servi d’électrochoc pour bon nombre d’acteurs : citoyens lambdas, hommes et femmes politiques, entreprises, etc. Et, pour les patrons de ces dernières, il y aura définitivement un « avant » et un « après » Covid-19.
C’est le cas, éloquent, chez le Français Danone. Déjà largement engagée dans une réduction de l’usage du plastique, la multinationale de l’agroalimentaire accélère sa transformation en entreprise « responsable », devenant la première de cette taille à adopter le statut « d’entreprise à mission ». « Ce choix », justifie son patron Emmanuel Faber dans les colonnes de La Croix, « c’est mettre la mission de Danone – »apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre » – au cœur de nos statuts (…). Cela ne change rien, et cela change tout. Nous nous engageons à ce que, demain, les produits et les services que nous vendons contribuent à la santé (et) à la préservation des ressources de la planète ».
Repoussant toute accusation de greenwashing, Emmanuel Faber a décidé de mettre 2 milliards d’euros pour accompagner Danone dans sa transition. Une somme considérable, dont presque la moitié sera consacrée à la délicate question des emballages : le groupe s’est ainsi engagé à se passer de polystyrène dans ses pots de yaourt d’ici à 2025, souhaitant, selon son PDG, s’orienter « vers du PET, du rPET (polytéréphtalate d’éthylène recyclé) ou des matériaux biosourcés comme le papier carton ou le polymère à base de déchets de l’agriculture ». 200 millions d’euros seront par ailleurs consacrés à la recherche de nouvelles solutions d’emballage. A l’issue de ce plan sans égal dans le monde, 95% des emballages plastiques de Danone seront recyclables et 50% recyclés. Une bonne nouvelle, quand on connait le poids de ce fleuron français dans le monde.
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