Alors que la France a connu une vague de chaleur et de sécheresse sans précédent au mois de mai 2022, le risque incendie s’aggrave. Dans le Sud bien sûr, mais aussi sur l’ensemble du territoire métropolitain. Politiques et professionnels de la forêt s’adaptent. Explications.
17,8°C. C’était la température moyenne observée en mai de cette année, sur le territoire français. Ce qui en fait le deuxième mois de mai le plus chaud depuis le début des relevés. Plus inquiétant encore, celui-là a été aussi le plus sec jamais enregistré : en moyenne, le déficit de précipitations s’est élevé à 65 %.
Un risque incendie accru
Si nombre de Français s’en sont réjouis, ce mois de mai n’a pas fait les beaux jours des forêts. Et pour cause ! Entre le manque d’eau et les fortes chaleurs, les incendies sont malheureusement précoces. Notamment dans le sud du pays, en régions Languedoc et Paca, où le risque est classé « très extrême », ces prochaines semaines.
Dans le contexte de changement climatique, ces périodes exceptionnelles le seront de moins en moins. Et les choses ne devraient pas aller en s’améliorant, plus particulièrement dans le sud de la France. Rendu en juin 2020, le rapport du ministère de la Transition écologique et solidaire, intitulé « Feux de forêt : les prévenir et s’en protéger », était déjà édifiant sur le sujet. Il relevait déjà que les deux tiers des surfaces forestières incendiées étaient situées en zone méditerranéenne et avançait que 50% des forêts métropolitaines seront soumises au risque incendie élevé dès 2050.
Feux de forêts : une préoccupation nationale
Certes, le Sud a toujours connu de terribles incendies. La nouveauté, c’est que tout le territoire est désormais concerné et de plus en plus menacé. La preuve par les chiffres : 290 feux en 2006, 162 en 2007, puis 585 en 2017 et 737 en 2019.
« Avant, en Lorraine, il pleuvait tout le temps, ce n’est plus le cas. C’était impensable il y a trente ans », remarquait Christophe Colette, directeur départemental de l’Office National des Forêts (ONF) dans un reportage du Figaro.
D’autant que le Sud et le Sud-Ouest, mais aussi l’ensemble de l’Hexagone, vivent une remontée de la « sensibilité feu météorologique ». Laquelle correspond au risque d’incendies déclenchés par la météo plutôt que par l’homme. Plus inquiétant encore, on observe une « remontée sur des territoires qui n’étaient historiquement pas concernés. », rapportait, sur Franceinfo, Mathieu Regimbeau, ingénieur en agrométéorologie et feux de forêt chez Météo France. Selon les estimations de Météo France, les « surfaces sensibles représentent actuellement environ un tiers des surfaces forestières métropolitaines ». Mais elles « pourraient augmenter de 30% à l’échéance 2040 ».
Des populations menacées
Face à ces situations inédites, les pompiers dans le nord du pays se préparent d’ores et déjà en empruntant les méthodes de leurs collègues du sud de la France. Ils ont, par exemple, enrichi leurs casernes de quadrillage des massifs pour aider au repérage. Des pistes réservées aux véhicules de pompiers ont été tracées, afin de faciliter les accès. De son côté, l’ONF a modifié ses techniques de stockage, dispersant les arbres abattus en plusieurs piles plutôt que de les concentrer sur d’immenses rangées.
Au Sud comme au Nord, ce risque élevé n’est pas pris à la légère, tant il menace aussi directement les populations. A ce titre, le ministère de la Transition écologique et solidaire, à travers les Plans de prévention des risques incendies de forêts (PPRIF), mène une politique visant à intégrer le risque incendie dans l’aménagement du territoire et l’urbanisme.
Ces plans, élaborés avec les élus et les habitants, visent à contrôler le développement de l’urbanisme dans les zones les plus exposées. Comment ? En énonçant des préconisations et mesures de prévention décidées au cas par cas, en fonction de la situation. « Il existe ainsi différents degrés de prévention selon l’exposition au risque des territoires, pouvant aller de la simple prévention à l’inconstructibilité, ou à la prescription de mesures de sécurité individuelles », détaille ce même ministère dans son rapport.
Sur le terrain, les élus locaux assurent la réalisation de débroussaillage en zones exposées. Cette pratique vise à limiter la propagation des incendies en éliminant la matière végétale, comme l’herbe, les branchages, les feuilles, susceptibles de prendre feu rapidement et surtout de le propager.
Forts de leurs expériences, certains élus incitent à aller plus loin. De l’avis de Cédric Clémente, maire de Lirac dans le Gard, « il faut aller au-delà des obligations légales de débroussaillement et créer une coupure de combustible, qui permettra aux pompiers, dans un premier temps, d’établir leur lance et de combattre le feu en sécurité. Il faut aussi maintenir une distance assez importante entre les premières habitations et le massif forestier ».
La gestion forestière : un moyen de prévention du risque incendie
Face au risque incendie, une gestion active des forêts prend toute son importance, de l’avis des professionnels de la forêt. Les arbres morts, par exemple, représentent un réel danger, car très inflammables. De même, les fougères aigles, en séchant, tapissent littéralement le sol, et se transforment alors en un redoutable combustible.
Autre facteur aggravant, la sécheresse en forêt favorise le développement des scolytes. Ces insectes, installés sous l’écorce des épicéas, prolifèrent à mesure que monte le thermomètre. Résultat : les arbres meurent en grand nombre, devenant alors autant de combustibles. En plus de saccager le visage des forêts françaises.
Car c’est là l’autre aspect, les forêts françaises sont bel et bien en train de changer. A marche forcée ? Pas nécessairement. Les professionnels de la forêt travaillent à accompagner le changement climatique. Par exemple, en plantant des arbres plus robustes au réchauffement climatique. La méthode tient compte de la manière dont les modifications de composition et de configuration des paysages vont pouvoir enrayer la propagation des incendies. Par exemple, il peut s’agir de limiter la quantité et la continuité des combustibles. Ou encore de rendre les écosystèmes plus résilients en privilégiant des espèces mieux adaptées au climat futur.
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