Le Pentagone tourne le dos à la crise environnementale

Alors que les preuves du dérèglement climatique s’accumulent, la nouvelle administration américaine décide de regarder ailleurs. Le changement de cap est brutal, assumé et inquiétant.

Le climat n’est plus une priorité à Washington. Depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, l’approche environnementale des institutions fédérales américaines a subi un net virage à droite. Le Département de la Défense, autrefois engagé dans la transition énergétique et la prévention des risques climatiques, fait désormais machine arrière. L’idée même que le réchauffement climatique constitue une menace stratégique n’a plus sa place dans la doctrine sécuritaire américaine.

Un climat politique glacial pour les scientifiques

La NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), organisme central dans l’étude du climat et la protection des ressources marines, est désormais dans la ligne de mire. Sous l’impulsion de la nouvelle majorité républicaine, l’agence subit des coupes drastiques. Résultat : des centaines de scientifiques ont perdu leur emploi et les programmes environnementaux sont démantelés les uns après les autres.

Cette purge s’inscrit dans une volonté affichée de rompre avec la politique de l’administration Biden. Dès les premières semaines de son mandat, Trump a révoqué plusieurs décrets liés à la lutte contre la crise climatique, dont celui du 27 janvier 2021 qui plaçait l’environnement au cœur des priorités nationales et internationales. Ce revirement marque un profond désengagement vis-à-vis des engagements environnementaux pris ces dernières années.

La Défense se déclare étrangère aux enjeux climatiques

Le ton a été donné dès le mois de mars par le nouveau secrétaire à la Défense, Peter Hegseth, qui a tranché sans ambiguïté : « Le ministère de la Défense ne s’occupe pas des absurdités climatiques ; il s’occupe de préparation militaire et d’opérations de guerre. » Cette déclaration, à l’antenne de CNN, répondait aux révélations de la journaliste Haley Britzky. Elle pointait la suppression de plusieurs programmes environnementaux, notamment ceux visant à atténuer l’impact des changements climatiques sur les infrastructures militaires.

Effectivement, 377 millions de dollars de crédits liés à des projets environnementaux ont été retirés du budget du Pentagone, à la suite de pressions exercées par les élus républicains. Le Department of Government Efficiency (DOGE), dirigé par Elon Musk, a participé à cette offensive contre les politiques climatiques, sous prétexte de rationalisation des dépenses publiques.

Sécurité nationale : le climat n’est plus une menace

Le retrait du changement climatique des priorités sécuritaires est particulièrement préoccupant pour les experts du domaine. Le Centre pour le Climat et la Sécurité (CCS), un groupe de réflexion spécialisé, tire la sonnette d’alarme. Dans ses dernières publications, il souligne les conséquences graves d’un tel désengagement sur la capacité de l’armée américaine à anticiper les crises liées au climat.

Le directeur adjoint du CCS, Tom Ellison, a publié un article fin janvier, intitulé « What Just Happened : Trump’s Executive Actions on Environment and Implications for US Climate Security », dans lequel il détaille les reculs politiques et leurs impacts sur la sécurité nationale. Pour lui, ignorer le climat revient à affaiblir la résilience des forces armées face aux menaces émergentes.

« Woke », un mot devenu prétexte au démantèlement

L’argument du « wokisme » est désormais omniprésent dans la rhétorique gouvernementale pour justifier les coupes budgétaires et les suppressions de programmes. Robert Salesses, alors secrétaire à la Défense par intérim, dénonçait dès février les initiatives liées à ce qu’il appelait « le prétendu changement climatique » et autres « programmes woke ». Plus récemment, un porte-parole officiel du Pentagone a même raillé ce qu’il considère comme « les délires climatiques des gauchistes ».

Ces attaques verbales ne sont pas anodines : elles reflètent une stratégie politique assumée, où les préoccupations environnementales sont assimilées à un agenda idéologique. Ce glissement de langage permet de discréditer tout projet lié à la transition écologique et de marginaliser ceux qui tirent la sonnette d’alarme.

Un décalage avec la société américaine

Pourtant, l’opinion publique américaine ne suit pas nécessairement cette ligne dure. D’après un sondage Gallup réalisé en décembre 2024, 61 % des Américains se déclarent préoccupés par le changement climatique. Cette majorité silencieuse semble de plus en plus en contradiction avec les décisions prises à Washington, où l’on préfère parler de suprématie militaire plutôt que de résilience écologique.

À l’heure où les rapports scientifiques confirment l’aggravation des phénomènes climatiques — comme l’a souligné l’Organisation météorologique mondiale dans son rapport annuel —, les États-Unis semblent se détourner d’un enjeu pourtant central pour leur avenir… et pour celui de la planète.

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