Une étude menée par des chercheurs américains révèle un potentiel énergétique immense caché dans les courants océaniques. Mais pour l’exploiter, il faudra relever d’importants défis techniques et environnementaux.
Des centaines de milliers de kilomètres carrés d’océans pourraient bien devenir le théâtre d’une nouvelle révolution énergétique. C’est ce que suggère une récente étude de l’Université Atlantique de Floride, qui met en lumière les promesses encore largement inexploitées des courants marins comme source d’énergie renouvelable.
Un gisement d’énergie méconnu
Alors que l’humanité explore depuis des décennies les ressources énergétiques des océans – à travers les éoliennes offshore ou les centrales marémotrices – un acteur majeur est encore largement absent du paysage : les courants océaniques. Ces immenses rivières sous-marines, comme le Gulf Stream, transportent continuellement d’énormes volumes d’eau sur toute la planète. Et avec eux, une énergie cinétique impressionnante.
Contrairement au vent ou au soleil, dont la production d’énergie dépend de conditions parfois capricieuses, les courants marins présentent une stabilité remarquable. Ce caractère constant en fait un candidat idéal pour compléter le mix énergétique renouvelable, souvent critiqué pour son intermittence.
Des zones à fort rendement déjà identifiées
Les chercheurs américains n’en sont pas restés à une hypothèse théorique. En analysant près de 30 ans de données satellitaires recueillies par des bouées dérivantes, ils ont dressé une véritable cartographie des zones océaniques les plus propices à l’exploitation de cette énergie. Résultat : environ 490 000 km² de zones ont été identifiées comme particulièrement prometteuses.
Dans ces régions, les courants pourraient fournir entre 500 et 1000 watts par mètre carré, une performance comparable à celle des meilleurs sites d’éolien offshore. Certaines zones, notamment au large de la Floride ou de l’Afrique de l’Ouest, afficheraient même des rendements théoriques supérieurs à 2000 W/m². À ce niveau, peu de sources d’énergie renouvelable peuvent rivaliser en termes de densité énergétique.
Mais ces chiffres flatteurs sont à prendre avec précaution. Les auteurs de l’étude précisent que toutes ces zones ne sont pas automatiquement exploitables. La profondeur, la turbulence ou encore l’accessibilité peuvent réduire considérablement leur intérêt pratique.
Un défi technologique de taille
Si le potentiel est bien réel, le passage à l’exploitation concrète se heurte à des obstacles de taille. Le principal réside dans la vitesse des courants océaniques, qui reste modérée : en moyenne 2 mètres par seconde, soit bien moins que les vents typiquement captés par les éoliennes. Or, la production d’une turbine dépend de la vitesse du fluide au cube. Pour compenser cette différence, il faudrait donc concevoir des turbines sous-marines gigantesques.
Ce défi d’ingénierie est loin d’être anodin. Installer et entretenir des structures de cette taille à plusieurs centaines de mètres de profondeur impose des contraintes techniques majeures. L’environnement marin est extrêmement corrosif, et la faune marine – algues, coquillages, organismes divers – peut rapidement perturber le bon fonctionnement des installations. Les opérations de maintenance nécessiteraient des submersibles spécialisés, avec des coûts logistiques et humains considérables.
Un projet aux multiples implications
Au-delà de la technique, d’autres considérations viennent complexifier l’exploitation des courants marins. La localisation de ces flux énergétiques, souvent loin des côtes et en eaux profondes, rend leur raccordement aux réseaux électriques terrestres complexe et coûteux.
S’ajoutent aussi des enjeux géopolitiques. Les courants traversent parfois des zones disputées ou sujettes à des réglementations internationales floues, comme on le constate régulièrement dans les conflits liés à la pêche ou aux ressources maritimes. Sans oublier l’impact potentiel sur les écosystèmes, qui devra être rigoureusement évalué pour éviter des conséquences écologiques imprévues.
Un pari sur le long terme
Aujourd’hui, l’industrie privilégie logiquement des technologies plus matures comme l’énergie marémotrice, dont les infrastructures sont déjà mieux maîtrisées. Mais les courants marins n’ont pas dit leur dernier mot. Si la recherche parvient à lever les verrous techniques, ils pourraient bien devenir une pièce maîtresse du puzzle énergétique mondial.
En somme, l’avenir de l’énergie bleue est encore incertain, mais terriblement prometteur. Ce que l’étude de l’Université Atlantique de Floride met en lumière, c’est l’urgence de continuer à investir dans cette filière émergente. Car dans un monde en quête désespérée de solutions durables, chaque goutte d’énergie renouvelable compte — surtout quand elle circule juste sous la surface de nos océans.
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