Qualité de l’air : une urgence mondiale aux visages inégalitaires

Alors que la pollution de l’air recule dans les pays riches, elle s’aggrave dans les régions les plus pauvres du monde, aggravant les inégalités sanitaires et sociales. Comment lutter contre ce déséquilibre ?

Respirer un air pur est devenu un luxe dans de nombreuses régions du monde. Pourtant, l’air que nous partageons ne connaît pas de frontières. En France, près de 40 000 décès sont attribués chaque année à la pollution atmosphérique, selon Santé publique France. Asthme, AVC, diabète : les conséquences sont multiples, coûteuses, et souvent sous-estimées. Le coût économique est estimé à près de 13 milliards d’euros par an.

Mais ce qui inquiète encore davantage les experts, c’est l’aggravation des inégalités à l’échelle planétaire. Si certaines nations ont réussi à améliorer significativement la qualité de leur air, d’autres – en particulier les pays en développement – voient leur situation empirer. La pollution atmosphérique devient alors une double peine : un fléau sanitaire doublé d’un marqueur d’injustice.

Une fracture mondiale de plus en plus marquée

En analysant les niveaux mondiaux de particules fines (PM2.5), les plus nocives pour la santé, un constat se dégage : les disparités s’accentuent. Entre 2000 et 2020, l’indice de Gini – généralement utilisé pour mesurer les inégalités économiques – appliqué à la qualité de l’air est passé de 0,30 à 0,35. Une progression inquiétante, équivalente à l’écart de revenus entre la France et la Russie.

Les 10 % de la population mondiale les plus exposés respirent plus de sept fois plus de particules fines que les 10 % les mieux lotis, soit un niveau dix fois supérieur aux seuils de sécurité recommandés par l’OMS. Une inégalité d’exposition qui se traduit aussi par une inégalité de mortalité.

Des millions de vies sacrifiées dans l’indifférence

Chaque année, la pollution de l’air cause environ 4 millions de décès dans le monde. Accidents vasculaires cérébraux, cancers du poumon, pathologies respiratoires : les conséquences sanitaires sont lourdes, et frappent bien plus durement les habitants des pays les plus pauvres.

L’indice de Gini concernant le risque de cancer du poumon lié aux particules fines atteignait 0,55 en 2020, une inégalité comparable à celle des revenus dans les pays les plus inégalitaires comme la Colombie.

Les populations les plus vulnérables n’ont ni les moyens de se protéger, ni l’accès à des soins adaptés. Elles ne peuvent ni s’équiper de masques efficaces, ni se mettre à l’abri les jours où les pics de pollution atteignent des niveaux dangereux. Dans certains cas, il est même possible de prédire la probabilité de mourir prématurément à cause de la pollution en fonction du pays où l’on est né.

Les foyers les plus pollués se concentrent en Asie et en Afrique

L’aggravation de cette crise environnementale se concentre sur quelques zones du globe. En 2020, près d’un demi-milliard de personnes vivant en Inde étaient exposées aux plus hauts niveaux de pollution atmosphérique. Les pays voisins, comme le Pakistan et le Bangladesh, ne sont pas épargnés. En Afrique, l’Afrique de l’Ouest représente également un point chaud, où la croissance économique s’appuie encore largement sur des sources d’énergie hautement polluantes comme le charbon, le bois ou les carburants fossiles.

Des modèles inspirants à suivre

Heureusement, certains pays montrent que des progrès sont possibles. En France, l’exposition moyenne aux particules fines a diminué de plus de 20 % depuis 2000. Ce recul est le fruit de politiques environnementales ambitieuses et de la transition vers des énergies renouvelables.

Aux États-Unis, le Clean Air Act a joué un rôle déterminant. En Europe, le marché du carbone et la mise en place de zones à faibles émissions dans les grandes villes ont permis de réduire la pollution liée aux transports et à l’industrie.

Même des pays longtemps parmi les plus pollués, comme la Chine, montrent des signes encourageants. Depuis 2013, Pékin a placé la qualité de l’air parmi ses priorités, entraînant une réduction de plus de 30 % de la pollution aux particules fines. Ce succès, bien que partiel, prouve qu’une volonté politique forte peut renverser la tendance.

Faire de la qualité de l’air une cause globale

Pour offrir un air plus sain à tous, la communauté internationale doit agir de manière solidaire. Les agences de développement, comme l’Agence française de développement (AFD), pourraient intégrer la lutte contre la pollution dans leurs programmes, à condition de ne pas sacrifier d’autres objectifs essentiels comme la lutte contre la pauvreté.

Renforcer les soutiens à l’OMS et aux programmes de santé mondiaux reste également crucial, surtout à l’heure où certains gouvernements désengagent leurs financements dans le domaine environnemental.

L’air pur ne doit pas être un privilège réservé aux pays riches. Atteindre les Objectifs de développement durable des Nations unies implique de garantir à chaque être humain le droit de respirer sans danger. Les exemples positifs existent. Il ne reste plus qu’à les généraliser.

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