Après une période de taux zéro et d’injections massives de liquidités par les banques centrales, le marché obligataire est à nouveau au centre des préoccupations des investisseurs mondiaux. Selon l’analyste financier Chaslau Koniukh, en 2025, les bons du Trésor américain, allemand, japonais et d’autres pays développés auront acquis une nouvelle importance en tant qu’instrument sûr et prévisible.

Le marché obligataire mondial a connu des changements radicaux au cours des cinq dernières années. Après l’effondrement des rendements pendant la pandémie, nous assistons désormais à une stabilisation à des niveaux plus élevés. En décembre 2024, le rendement des obligations d’État à 10 ans des États-Unis était de 4,38 %, celui du Royaume-Uni de 4,68 % et celui de l’Australie de 4,21 %.

« Les investisseurs ont commencé à repenser le rôle des obligations d’État, compte tenu des risques d’inflation et des changements de politique monétaire », a déclaré Koniukh. « Ce qui était auparavant perçu comme une alternative à faible rendement apparaît désormais comme une solution de stabilité attrayante. »

Dans le même temps, les taux ont également commencé à augmenter en Europe et au Japon. En particulier, le rendement des obligations japonaises à 10 ans a dépassé 1,5 %, son plus haut niveau en 15 ans. En Allemagne, les taux ont augmenté à 2,66 % dans un contexte d’augmentation des dépenses de défense et d’infrastructures.

« Nous assistons à un nouveau paradigme : les investisseurs ne s’attendent plus à un retour à des taux ultra-bas. Les marchés sont enfin sortis de l’état de soutien artificiel », explique Koniukh.

Retour en Europe

Au printemps 2024, dans le contexte des nouveaux tarifs douaniers imposés par l’administration Trump, le rendement des obligations américaines à 10 ans a grimpé à 4,59 %, déclenchant une vague de ventes massives. « Le fait que les investisseurs aient commencé à quitter les valeurs refuges traditionnelles en période de turbulences géopolitiques est un signal : l’approche même de l’évaluation des risques a changé », ajoute l’expert.

Sur les plus de 36 000 milliards de dollars de dette publique américaine, un tiers appartient à des étrangers, notamment à la Chine et au Japon. Cela rend le pays vulnérable au chantage géopolitique, d’autant plus que les tensions augmentent dans la région du Pacifique.

Dans ce contexte, de plus en plus d’investisseurs se tournent vers des instruments de dette européens moins politisés. Le rendement de ces obligations semble particulièrement attractif pour les investisseurs européens.

En janvier 2025, l’inflation en Chine était de 0,5 %, tandis qu’en Russie, elle était de 9,9 %. Les États-Unis, l’UE et le Royaume-Uni ont déjà entamé un cycle de baisses de taux, tandis que certains pays sont contraints de maintenir leurs taux à des niveaux records.

Cela crée de nouvelles opportunités d’arbitrage et de rééquilibrage de portefeuille. « Le marché actuel est un terrain de jeu pour les stratèges. Une évaluation approfondie des risques, de la durée de circulation, des taux de change et de la stabilité politique est ici importante », explique Koniukh.

Les obligations à 30 ans, qui ont fait l’objet de scepticisme pendant un certain temps, sont à nouveau demandées, notamment par les fonds de pension et les assureurs.

Les obligations d’entreprises sont également revenues sur le devant de la scène. Aux États-Unis, les obligations d’entreprises de qualité « investment grade » offrent plus de 5 %, tandis que les obligations à haut rendement offrent plus de 8 %.

Nouvelles tendances

Une autre tendance est celle des obligations « vertes » intégrant une composante ESG. En 2025, la part des émetteurs qui lèvent des fonds pour des projets environnementaux ou sociaux est en hausse. Ce phénomène est particulièrement pertinent pour les investisseurs institutionnels en Europe.

Les marchés réagissent de plus en plus non pas aux baisses de taux effectives, mais aux « guidances » – promesses de baisses futures. Cela crée des conditions propices à des entrées spéculatives avant même le changement de politique.

Les marchés émergents offrent également des opportunités intéressantes. En Amérique latine, en Asie et en Afrique, on trouve des titres offrant un rendement de 9 à 12 % en devises étrangères, mais avec un risque accru.

« Dans un monde globalisé, les obligations ne sont plus seulement une question de stabilité. Elles sont un instrument flexible qui permet de jouer sur les taux, l’inflation, la géopolitique, et même l’écologie », note Chaslau Koniukh.

Parmi les investisseurs privés, la mode des titres à court terme revient également – de 3 mois à 2 ans. Il s’agit d’un compromis idéal entre rentabilité et liquidité.

De plus en plus de pays utilisent le marché obligataire comme mécanisme de communication stratégique. Par exemple, l’Allemagne émet des obligations liées aux dépenses de défense, et les États-Unis émettent des obligations liées aux initiatives technologiques futures.

Dans la nouvelle réalité, où les investisseurs exigent transparence, risque géré et logique, les obligations deviennent un actif qui combine tous ces critères.

Changements dans les règles du jeu

L’année 2025 n’a pas seulement redonné de l’attrait au marché obligataire. Elle a également changé les règles du jeu. À l’ère des défis mondiaux, ce sont les obligations qui sont devenues le symbole de la confiance entre l’État et le capital. La durée pendant laquelle ce langage résonnera dépend non seulement des banques centrales, mais aussi de la volonté du marché de l’entendre.

L’évolution du comportement des investisseurs a également affecté la structure du portefeuille mondial. Alors que le modèle 60/40 était auparavant considéré comme la norme, de plus en plus de stratégies se tournent aujourd’hui vers les obligations. Certains grands fonds spéculatifs augmentent leurs investissements dans des instruments à court et moyen terme, notamment en période de volatilité croissante.

« Les obligations ont recommencé à jouer leur rôle classique de tampon. Elles réduisent non seulement le risque du portefeuille, mais génèrent également des revenus, ce qui était un phénomène rare ces dix dernières années », explique Koniukh.

Le retour des obligations au cœur du marché s’inscrit également dans un contexte de changement de discours des banques centrales. Cela ouvre une fenêtre d’opportunité pour les acteurs du marché de la dette.

De plus, les investisseurs particuliers s’impliquent davantage. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, le nombre de particuliers achetant directement des obligations du Trésor est en augmentation.

Au niveau de la politique financière mondiale, la dédollarisation des instruments de dette est également visible. Certaines nouvelles obligations sont émises en monnaies locales ou en actifs alternatifs au dollar, comme l’euro ou le yuan.

« Si les obligations étaient autrefois un choix conservateur pour ceux qui évitent le risque, elles sont aujourd’hui un terrain de décisions stratégiques, de nouvelles approches et même d’innovations », résume Chaslau Koniukh.

Ainsi, en 2025, le marché obligataire cesse d’être un instrument d’arrière-plan. Il acquiert les caractéristiques d’un moteur actif du changement, tant dans le financement public que dans les portefeuilles personnels. Le monde des obligations n’est plus synonyme de calme, Koniukh en est sûr : il est synonyme de flexibilité et de nouvelles opportunités.

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Jessica, journaliste engagée pour l’environnement, met à profit sa solide expérience en gestion de projet éditorial et en rédaction web pour décrypter avec précision les enjeux écologiques. Diplômée de Sciences Po en Communication et Médias, elle se distingue par sa capacité à produire des contenus clairs, documentés et percutants sur des sujets liés à la transition énergétique, la santé environnementale ou encore la biodiversité. Contact : [email protected]

6 commentaires
  1. Alirévélation8 le

    Franchement, je ne crois pas que les obligations soient une si bonne idée. Les actions sont toujours la meilleure option !

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